Tel King Kong déboulant dans la big city, deux petits sangliers s’aventurent en 1876 dans ce qui va devenir le quartier des Banques, derrière le théâtre en construction. Le terrain a beau être vague, ils ne passent pas inaperçus, et pour cause : les animaux sauvages et la ville ne font pas bon ménage, sauf pour certains privilégiés (les cygnes, les canards), ou quand la surveillance se relâche (le récent confinement a vu le retour de l’animal refoulé).
Il y a pourtant un lieu où, assignée à résidence, la bête sauvage est tolérée, voire appréciée. En 1870, l’architecte Francis Gindroz dessine un zoo à établir dans le parc des Bastions, entre la bibliothèque et la rue Saint-Léger. Ici, c’est chacun chez soi : délimitée par des allées courbes, chaque île gazonnée est occupée par une espèce particulière et son enclos. Les espèces indigènes dominent (moutons, lapins, bouquetins) ; seuls les singes et les gazelles viennent de loin. Cette zoodiversité très policée ne verra jamais le jour, peut-être parce qu’on n’impose pas le silence aux bêtes comme aux lecteurs d’une bibliothèque (les agneaux…). Glougloutant, piaillant et bêlant à tue-tête, les animaux iront se faire voir ailleurs.
Prochain épisode : Le sel de la ville