Objets archéologiques - Episode #14

Tous les mois, le service d'archéologie vous propose de mettre en avant un objet découvert lors de fouilles sur le canton. Cette semaine : le silex du Conservatoire de musique.
Un silex « préhistorique » sous le Conservatoire de musique de Genève ?

En février 2019, lors des fouilles de sauvetage menées dans le cadre de la rénovation du Conservatoire de Musique de Genève, un silex façonné, d'apparence très ancienne, a été découvert par le Service archéologique. Que fait donc un objet à première vue « préhistorique » à cet endroit ?

L’examen de l’objet démontre qu’il s’agit en réalité d’une pierre à fusil. Installée sur le chien d'une arme à feu, cette pierre heurtait la batterie métallique, et provoquait une étincelle suffisante pour enflammer la poudre d'amorçage contenue dans un réceptacle appelé bassinet. Le principe de production d’une étincelle par percussion d'une pierre dure comme le silex (ou le quartz) contre un minerai riche en fer est attesté depuis la Préhistoire. Il fut adopté au début du XVIIe siècle pour toutes les armes à feu qui, auparavant, fonctionnaient avec une simple mèche. Pendant deux siècles ce système novateur sera adopté par toutes les armées européennes, avant d'être remplacé au début du XIXe siècle par le système à cartouches.

Un silex d'allumage pouvait être utilisé une cinquantaine de fois. Chaque soldat en emportait vraisemblablement une dizaine en réserve. L'exemplaire retrouvé sous l'aile Bartholoni du Conservatoire de Musique de Genève ne présente aucune trace d'usure. Il pourrait donc avoir été perdu par un soldat, qui le gardait dans une petite bourse ou dans une poche de son uniforme.

Le contexte de découverte a permis de préciser la datation et la fonction de cette pierre. Il a été retrouvé sur un chemin pavé qui menait, entre la fin du XVIIe et le milieu du XVIIIe siècle, à une des portes de la ville forte de Genève, la Porte Neuve. À proximité du lieu de cette découverte, des traces d'un petit bâtiment en bois et d'un sol noirci par un foyer, révèlent la présence d'une guérite assurant le contrôle de l’un des accès principaux de la ville de Genève.

Pour aller plus loin
  • Jacmaire, G. & Messner, M. 2016. Les pièces d’armes à feu portatives : détermination, datation et localisation (XIVe-XVIIIe siècles): introduction à l’usage des chercheurs en archéologie.
  • Detrey, J., Saltel, S., Affolter, J. & Fellner, R. 2005. « L'exploitation du silex : de l'Homme de Néandertal à la Grande Armée napoléonienne », Archéologie Suisse 28, p. 17-24.