Munitions dans le petit lac, la partie genevoise du Léman

Illustration de la Rade Genève.  Photo @JM Mitterer
Illustration de la Rade Genève. Photo @JM Mitterer
Depuis la redécouverte de caisses de munitions immergées dans le petit lac en 2019, le Canton de Genève a établi le cadre juridique et planifié un certain nombre d’actions pour étudier la situation. Un calendrier opérationnel a été défini pour déterminer la façon d'agir la plus adaptée et, au besoin, d'assainir le petit lac.

Le retrait ou non des munitions immergées dans la partie genevoise du Léman dépend aujourd'hui de plusieurs facteurs que le Canton étudie actuellement. Il s'agit de cartographier l'emplacement de ces munitions et de recueillir des données complètes sur leur état pour pouvoir prendre les mesures adéquates. Dans un premier temps, il convient de déterminer la meilleure technique d’investigation, que les données soient les plus fiables possible, et d'étudier l'impact actuel sur l'environnement. Selon les résultats, il s’agira d’approfondir les investigations et de concevoir un projet d'assainissement avant de le réaliser.

Calendrier opérationnel

Le programme d’investigation a été défini en collaboration avec le département fédéral de la défense, de la population et des sports (DDPS), la police de la navigation, l'office cantonal de l’eau et l'office cantonal de l’environnement. Il se définit ainsi:

Fin 2021
  • Inscription d’une grande partie du petit lac dans le cadastre des sites pollués du canton;
  • Recherche des responsabilités juridiques;
  • Etude de la sédimentation sur le petit lac depuis 1948;
  • Coordination entre les offices cantonaux de l’environnement et de l’eau, la brigade de la navigation, l’armée suisse dans le but de réaliser les études avec les personnes-clés compétentes, faisant office d’autorité dans leur domaine, utile pour ce dossier;
  • Organisation de l’élaboration du cadastre;
  • Phase de test de cadastration par différentes méthodes d'investigation géophysique, par une société privée, sur une zone définie, un secteur de 1.5 km2, où des caisses de munitions ont été repérées.
Courant 2022
  • Phase 1 : phase de scanning large sur la totalité du petit lac;
  • Phase 2 : étude sur deux autres zones de test comprenant des taux de sédimentation différents ;
  • Phase 3 : étude détaillée sur les zones de test avec analyse des munitions, étude environnementale (eau, moules, sédiments, etc…) ;
  • Phase 4 : préparation du cahier des charges pour l’appel d’offres public avec précisions sur les techniques optimales définies sur les zones de test de tout le petit lac.
Courant 2023
  • Etude sur toute la partie genevoise du Léman;
  • Sur la base de cette étude, le Canton aura tous les éléments nécessaires pour décider de la pertinence d’assainir la totalité du petit lac.

Plus d’information

De quand datent les immersions de munitions dans le lac ? 

Au cours du XXe siècle et plus particulièrement après la Deuxième Guerre mondiale, des milliers de tonnes de munitions et explosifs de l'armée ont été enfouis au fond des lacs suisses. Selon les connaissances actuelles, dans le cas du canton de Genève, on attribue ces dépôts à une entreprise privée, Hispano-Suiza, qui a immergé de 1940 à 1980, environ 150 à 1000 tonnes de diverses munitions. Leur typologie exacte sera déterminée grâce aux investigations menées actuellement par l'Etat de Genève. 

Où se trouvent les munitions ? 

En l'état, la totalité des emplacements où ont eu lieu ces immersions n’est pas connue avec précision. Certaines zones ont été identifiées grâce à des repérages préalables et des recherches historiques documentées. Ce sont certaines de ces zones qui font l'objet d'une phase-test de cadastre actuellement en cours. Cette étude permet d'optimiser les moyens et la méthodologie nécessaires afin d'évaluer et orienter les travaux à réaliser sur la totalité de la partie genevoise du Léman prévue pour 2023. 

Quel est l'impact actuel de la présence de munitions dans le lac sur la qualité de l'eau ?

La qualité de l'eau potable fait l'objet d'un suivi régulier et aucun résultat n'a montré de signes de pollution liée à la présence des munitions immergées, depuis de nombreuses années. Dans le cadre d'une campagne spécifique, des prélèvements additionnels ont été réalisés en septembre 2021 sur des points de prise d'eau du lac pour l'alimentation en eau potable. Des analyses de tous les composés issus de munitions susceptibles de se trouver dans l’eau ont été ainsi effectuées. Les résultats indiquent qu’aucune pollution de l’eau n’est présente. Il s'agit d'un facteur déterminant quant à l'impact de la présence de ces munitions dans le lac. 

Pourquoi donc une importante partie du petit lac est-elle aujourd'hui considérée comme un site pollué en raison de la présence de ces munitions ?

Malgré la qualité du milieu et de l'eau potable, le secteur potentiel d'immersion est désormais inscrit dans le cadastre des sites pollués du canton dans la mesure où il correspond à un site de stockage définitif de déchets. Cette inscription oblige toute construction ou installation à venir dans ces secteurs à prendre en compte la présence éventuelle de ces munitions et les mesures de protection adéquates. L’étendue n’étant actuellement pas connue avec précision, tout le petit lac, à l’exclusion des secteurs près des berges, de la rade et de Céligny, est intégrée dans le cadastre. Cette zone pourra être affinée selon les prochaines investigations. A noter que la procédure liée à la gestion des sites pollués au niveau fédéral exige d'abord une investigation préalable historique et technique avant de procéder à des actions de terrain poussées. C'est lorsqu'il existe un impact actuel sur l’environnement ou un danger concret qu’une atteinte arrive dans le futur, que le site pollué est considéré comme un site contaminé qui requiert dès lors des investigations de détail, un projet d’assainissement et enfin un assainissement.

Dans quel état se trouvent les munitions ? 

Les études menées par le DDPS indiquent que la plupart des munitions enfouies dans les principaux lacs suisses étaient recouvertes d'une couche épaisse de sédiments qui leur conférait une couche de protection et ne provoquerait pas de risque pour l'eau. En 2019, les images de la découverte dans le Léman de caisses non enfouies tendent à indiquer que la typologie du lac et le niveau de profondeur des emplacements engendrerait un phénomène de corrosion plus important. Un mandat a été confié l'Université de Genève pour définir les taux de sédimentation du lac, dans le secteur d’inscription des sites pollués. Les résultats tombés à l'automne 2021 indiquent que l’épaisseur des sédiments varie entre 0 cm et plus de 80 cm suivant les zones du petit lac, sédiments accumulés depuis les années 1920. Le taux de sédimentation, tout comme les courants, l'oxygénation et la profondeur lacustres, peuvent influer sur le degré de corrosion des matériaux qui eux-mêmes n'ont pas tous les mêmes composants et le même potentiel de dégradation. Cartographier, scanner, étudier et dater le type de munitions concernées permettra de déterminer leur degré actuel, leur vitesse et leur potentiel de corrosion. Il s'agit aussi de pouvoir évaluer leur quantité et de mettre ainsi en place des mesures de réduction des risques dans le cadre d'un repêchage d'échantillons et d'un potentiel assainissement. 

En quoi consistent les études "de terrain" et que vont-elles définir ? 

La première phase de cadastration consiste à tester les techniques de repérage, en vérifiant la détection ou non de masses métalliques depuis des bateaux qui vont utiliser des sonars immergés, des sondes faisceaux puis un robot aquatique. 
A partir de ces tests, des données et des techniques analysées, il sera déterminé quelle méthode d'analyse est la plus pertinente et efficace, ainsi que les emplacements à explorer en priorité puisqu'un scanning large sera alors mené sur une étendue de 30km2 du petit lac. Certaines cibles seront vérifiées par des plongeurs accrédités par l'armée afin de s'assurer de la fiabilité des données. Cette étape permettra de repérer les zones les plus concentrées en munitions et d'y plonger pour procéder à une reconnaissance physique d'experts, déterminer le taux de sédimentation des zones concernées, le positionnement des caisses et remonter des échantillons de munitions pour les étudier. 
En fonction des résultats de ces investigations et de l'étude des risques, un potentiel assainissement sera ou non envisagé, ceci selon les règles fédérales en matière de sites pollués.

Qui est responsable des investigations et de la prise en charge de ces dernières ?

Un avis de droit rendu en janvier 2021 désigne le canton comme entité devant réaliser le cadastre, du fait que le pollueur majeur était une entreprise privée n’ayant pas de lien avec l'armée. Le département fédéral de la défense, de la population et des sports est partie prenante des investigations, de par ses compétences et obligations légales sur l’enlèvement et le traitement-déminage des munitions au niveau national et assistera le canton, à sa demande, avec l'intervention de ses spécialistes en munitions pour tous les aspects techniques. Par ailleurs, s’il revient au canton de réaliser le cadastre des munitions immergées, la loi fédérale sur la protection de l’environnement (LPE) établit une distinction entre celui qui effectue les mesures et celui qui doit les payer (perturbateurs par comportement et par situation - art. 32d LPE). Des demandes auprès de la société privée ayant succédé à celle responsable du déversement sont en cours. 

Quelles sont les mesures de précaution prises afin de prévenir les risques sécuritaires en lien avec ces munitions ?

La qualité de l'eau de baignade, tout comme celle de l'eau potable, font l'objet de suivis qualitatifs réguliers. L'Etat informe les associations d'activités professionnelles et de loisirs sous-lacustres telles que la pêche et la plongée afin de rappeler les mesures usuelles de sécurité à mettre en œuvre en cas de découverte d'objets suspects. Toute construction/installation sur le petit lac (hormis certains secteurs définis) doit quant à elle faire l'objet d'études préalables qui prennent en compte la présence éventuelle de munitions. Pour rappel, seuls des corps de métiers professionnels habilités, travaillant selon des normes sécuritaires définies, sont autorisés à identifier, étudier et prélever des munitions. 

Quels sont les résultats de la première phase test d’inspection ?

Menée entre décembre 2021 et avril 2022, la première phase a identifié 682 points magnétiques ou signaux par sonar, allant de parasols à des caisses de munitions, en passant par des nasses à poissons. Les résultats des analyses des échantillons de munitions prélevés sur cette zone s’avèrent encourageants, tant d'un point de vue environnemental que sécuritaire. Les recherches par un robot caméra sous-marin (ROV) se sont focalisées sur 14 zones susceptibles de fournir des échantillons de qualité, répondant tant au sonar qu’au magnétomètre. Parmi ces zones d'intérêt, deux secteurs ont été observés par des plongeurs professionnels qui ont remonté des munitions de différents calibres, certaines possiblement datées de 1962.

En ce qui concerne la qualité de l'eau, des moules quagga et de l’eau ont également été prélevées à proximité des points relevés par le robot. Les premiers résultats analytiques de leur teneur en métaux s’avèrent bien en-dessous des normes de l’Ordonnance sur l’eau potable et l’eau des installations de baignade et de douche accessibles au public du Département fédéral de l'intérieur et de l’Ordonnance sur la protection des eaux (OEaux). Ceci confirme les résultats d’analyses de 2021 réalisées sur le réseau brut de distribution d’eau potable qui ont montré qu'aucune pollution ne pouvait être liée à des munitions immergées.

 

Voir le communiqué du 11 février 2022