Espèces exotiques invasives dans l'agriculture

©Agroscope_CaroleParodi_viti_flavescence_sympt.-sur-feuilles-7985
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A l'instar de certains animaux exotiques envahissants tels que le moustique tigre et le frelon asiatique, de plus en plus d'espèces non indigènes (qui ne sont pas originaires du pays ou de la région en question, "néobiotes") s'introduisent sur notre territoire et s'y établissent. Ces espèces, qu'elles soient animales, végétales ou microbiennes, sont considérées comme invasives lorsqu'elles font courir des risques à notre environnement et que leur expansion est importante.

Dans l'agriculture, les plantes cultivées peuvent être sujettes à divers organismes nuisibles qui se présentent sous la forme de: 

  • Invertébrés: Arthropodes (insectes, acariens, etc.), nématodes (vers microscopiques), mollusques
  • Maladies: Bactéries, champignons, virus
  • Adventices: "Mauvaises herbes" 

Insectes
Puceron (1) - Invertébré 

Pathogène
Oïdium (2) - Maladie

Plantago
Grand plantain (3) - Adventice

Certains de ces nuisibles sont invasifs et engendrent des impacts sur l'environnement et l'agriculture (atteintes à la biodiversité, contamination, destruction de cultures, etc.) qui doit faire preuve d’une vigilance particulière et adopter des mesures préventives, de surveillance et parfois d'assainissement accru pour préserver durablement sa production locale. Bien qu'il existe des exceptions, ces organismes ne sont généralement nuisibles qu'aux cultures et ne présentent pas de risque direct pour la santé humaine.

Contexte d'introduction et de développement des espèces invasives à Genève

Les espèces exotiques sont introduites sur notre territoire par les transports internationaux (plantes, marchandises, personnes). Leur développement chez nous est favorisé par le contexte de réchauffement climatique qui augmente le taux de survie de ces organismes en hiver et leur prolifération en saisons douces. Pour cette raison, on observe également une expansion/migration naturelle (pas influencée par l'humain) de ces nuisibles du Sud vers le Nord. Ces organismes ne sont pas nécessairement problématiques dans leurs régions d'origine, où les plantes indigènes sont potentiellement plus résistantes aux nuisibles, grâce à la présence de leurs ennemis naturels ("auxiliaires") qui permettent leur régulation. Mais ici, sans la présence de ces ennemis naturels et face à un manque de moyens de lutte à disposition et aux incertitudes que peuvent engendrer l'utilisation de ces moyens, il est plus difficile de limiter leur impact. Dans le cas des invertébrés par exemple, le moyen de lutte le plus efficace et durable est d'importer les ennemis naturels de la région d'origine du ravageur. C'est action est cependant risquée car l'ennemi naturel peut s'avérer invasif lui aussi. L'impact bénéfices/risques doit donc être étudié avec beaucoup d'attention.

Le passeport phytosanitaire suisse

La Confédération et l'Union Européenne ont mis en place un système de passeport phytosanitaire obligatoire, entré en vigueur en 2020. Toutes les plantes et semences destinées à être vendues aux professionnels, à transiter entre divers pays ou vendues en lignes sont soumises à l'obligation d'être dotées d'un passeport (numéro de lot, entreprise productrice, pays d'origine et certification d'absence de parasite). Le but de ce passeport est de certifier un bon état sanitaire des plantes et, dans le cas d'un problème, pouvoir tracer l'origine des plantes pour remonter à la source et/ou identifier les autres lots de plantes potentiellement infectés.

 

Les organismes de quarantaine à Genève 

En Suisse, le statut d'organisme de quarantaine concerne les ravageurs ou maladies des végétaux susceptibles d'avoir un impact économique, qui ne sont encore peu ou non présents sur le territoire suisse et dont il est possible de freiner le développement. Les organismes doivent donc être obligatoirement déclarés et combattus (soumis à l'obligation d'annonce et de lutte) selon des protocoles de mise en quarantaine et de lutte dédiés à l'espèce en question. Le nombre d'organismes de quarantaine à surveiller en Suisse est en augmentation et s'élevait à 29 en 2023. Lorsque la présence d'un de ces organismes est généralisée sur le territoire, l'espèce en question est considérée comme établie et, son statut d'organisme de quarantaine est levé, en concordance avec l'Union européenne.

A Genève, quatre organismes de quarantaine dans la liste des 29 des espèces déterminées par la confédération ont été identifiés en 2023:

1. La chrysomèle des racines du maïs

 Chrysomèle
Diabrotica virgifera | Crédit: own work (4)

Description et menaces

Coléoptère d'Amérique du Nord dont les larves dévorent les racines des plants de maïs. Les adultes, qui mangent eux les barbes des épis (moins ravageurs mais un risque pour la pollinisation), sont capables de voler sur de longues distances, ce qui augmente ses possibilités de propagation. Cette espèce exotique invasive est présente en Suisse depuis l'an 2000 et a été observée pour la première fois à Genève en 2019 (Versoix et Bellevue). La rotation des cultures permet d'empêcher le développement des larves d'une année à l'autre car ces dernières ne peuvent pas se nourrir sur d'autres espèces végétales cultivées.

 

2. La flavescence dorée (ou jaunisse de la vigne)

Flavescence dorée @©Agroscope_CaroleParodi
Crédit: Agroscope

Description et menaces

Originaire d'Amérique du Nord, cette maladie viticole transmise par un insecte piqueur (cicadelle) photo est causée par une bactérie qui provoque notamment un enroulement ainsi qu'un jaunissement ou rougissement du feuillage (selon couleur du cépage) et entraine la mort des ceps contaminés en quelques années. L'arrachage et l'incinération des ceps infectés, ainsi que la lutte contre l'insecte vecteur dans un périmètre délimité sont obligatoires afin d'empêcher sa propagation aux autres plants/parcelles, ceci pendant 2 ans minimum. La flavescence dorée est apparue en Suisse en 2004 (Tessin). Le premier cas genevois a été détecté en 2019 dans une pépinière viticole, puis en 2021 et en 2023, dans le vignoble.

 

3. Le virus du fruit brun rugueux de la tomate

Tomato Brown Rugose Fruit Virus ToBRFV, première apparition en 2023 à Genève

Virus de la tomate10209@Aviv Dombrovsky
Crédit: Camille Picard and Aviv Dombrovsky

Description et menaces 

Le « virus du fruit rugueux brun de la tomate » (ToBRFV) s’attaque en particulier aux plants de tomates et poivrons. Ce virus est sans danger pour l'homme. Il peut néanmoins entraîner une diminution de la récolte voire une disparition totale de la culture infectée et donc des pertes potentiellement importantes pour la production agricole. En effet, des symptômes tels que des taches brunes, des rides, des décolorations et des problèmes de développement sont généralement observés sur les fruits infectés. Ils ne peuvent donc plus être commercialisés. Il semblerait que ce virus arrive sur notre territoire par certaines semences déjà infectées (échantillons non sélectionnés ou indétectables lors des contrôles). La menace du virus réside en sa rapidité de transmission, d'une plante infectée à une plante saine: un simple contact par les mains, les vêtements, les outils, les insectes ou tout autre support contaminé peut transmettre la maladie à la plante. Le ToBRFV survit longtemps sur des surfaces, même en l'absence de plantes hôtes. Le virus peut ainsi atteindre jusqu’à 100 % des plantes sur un site de production, ce qui le rend redoutable pour les cultures à haute densité de plantation comme les cultures sous serres. Son éradication est particulièrement difficile car hormis les mesures de prévention et de désinfection, il n'existe aucune solution scientifique reconnue pour traiter une plante infectée par le virus du fruit rugueux brun de la tomate.

Découvert en Israël en 2014, le virus est apparu en Allemagne en 2018 puis s'est rapidement répandu sur le territoire européen pour apparaitre en Suisse en 2021 dans le canton de Thurgovie, puis au Tessin et dans le canton de Vaud en 2022. En 2020 déjà, la Suisse avait mis en place un cadre légal et des mesures de lutte pour anticiper et s'adapter à la situation. A Genève, un premier cas a été identifié dans une culture de tomates au mois de juin 2023, dans le cadre d'analyses de détection de routine de l'eau de drainage. Le protocole de lutte a été appliqué et la situation contrôlée. Une première apparition du virus a aussi été relevée à Zürich peu après Genève. L'arrivée de ce virus sur le territoire fait l'objet d'une attention toute particulière de la part des autorités phytosanitaires du canton de Genève, qui produit le quart des tomates consommées en Suisse.

 
4. Le chancre coloré du platane

Chancre coloré du Pplatane

 


Vigilance renforcée pour le scarabée japonais

Sachant que 10 organismes de quarantaine ont été identifiés en Suisse en 2023 (contre 4 à Genève), le risque de voir apparaître de nouveaux venus dans notre canton est élevé. Le caractère international de Genève et ses températures relativement douces rendent notre région plus vulnérable face à ces espèces exotiques invasives.

Le cas du scarabée japonais présent dans 6 cantons suisses en 2023 préoccupe. Originaire du Japon, ce coléoptère est déjà très problématique au Tessin. Les adultes, gros mangeurs, dévorent le feuillage jusqu'à la mort potentielle des plantes (plus de 400 identifiées dont certaines cultures fruitières, la vigne, le maïs, le soja), tandis que ses larves se nourrissent des racines des plantes herbacées et causent des dégâts dans les herbages et autres gazons.

 


Les organismes réglementés sans quarantaine à Genève

Il existe aussi d''autres organismes réglementés qualifiés "non de quarantaine" dont la présence est problématique et nécessite une surveillance et lutte active, il s'agit principalement d'adventices des cultures. La liste de ces espèces réglementées peut varier d'un canton à un autre. A Genève ces organismes surveillés non de quarantaine, tout comme ceux de quarantaine peuvent être consultés en cliquant sur ce lien.

Ces diverses adventices (mauvaises herbes) ont toutes le point commun d'être très prolifiques. Une seule plante peut engendrer des centaines voire des milliers de graines (entre 3'000 et 60'000 pour l'ambroisie). C'est pourquoi il est nécessaire de lutter efficacement et rapidement contre leur propagation.

 

Ambroisie 

Ambroisie 11843@Wietse den HartogAmbroisie 11842@Wietse den Hartog

Parmi les organismes réglementés non de quarantaine, on peut citer notamment l'ambroisie. Originaire d'Amérique du Nord, cette plante est apparue à Genève et dans le Tessin dans les années 90, probablement par contamination de lots de graines de tournesol et graines pour oiseaux. Le pollen de l'ambroisie est particulièrement allergène et constitue un problème de santé publique. 

 
Stramoine commune 

Datura stramonium
Datura stramonium (8) | Crédit : Chbaraka

Originaire d'Amérique centrale et certainement importée en Europe du temps des conquistadors, la stramoine commune est une mauvaise herbe très toxique pour les animaux et les humains.

 


Les entités et mesures de surveillance des organismes de quarantaine à Genève

Les autorités phytosanitaires du canton (Office cantonal de l'agriculture et de la nature, OCAN) sous l'égide des autorités fédérales (Office fédéral de l'agriculture, OFAG) sont chargées de surveiller l'apparition et le développement des espèces exotiques invasives avec des moyens tels que: observations visuelles, analyses ADN, pièges à phéromones pour la surveillance des insectes (hormones sexuelles attirant les mâles/femelles).

Lorsqu'un organisme invasif est découvert par quiconque, il est obligatoire d'annoncer le cas au service phytosanitaire cantonal, qui se charge de l'annoncer au service fédéral qui en informera l'Union européenne. Il est également obligatoire d'appliquer des mesures de lutte contre l'organisme en question. Une décision cantonale de mise en quarantaine et de lutte obligatoire, selon un protocole et un périmètre spécifique à l'organisme en question, est adressée aux exploitations concernées. Selon les cas, les frais de lutte peuvent être partiellement remboursés par le canton et la confédération.

Prévenir et surveiller pour mieux appréhender les enjeux 

La sensibilisation de la population comme du milieu agricole, la surveillance, l'observation des symptômes et le signalement est fondamentale pour préserver notre agriculture locale.

Au sein des productions, des pratiques obligatoires et des mesures de prévention sont mises en place (achat de semences et de plants munis d’un passeport phytosanitaire, contrôle régulier des plantes et signalement immédiat de toute présence de symptômes suspects, mesures d'hygiène et de désinfection pour les personnes et le matériel).

 

Signaler la présence de symptômes suspects nuisibles aux cultures
En cas de suspicion, merci de l'annoncer aussitôt au service phytosanitaire cantonal à T 022 388 71 71 ou agriculture.ocan@etat.ge.ch

 


Liens utiles et bases légales  

 


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