Afin de promouvoir la biodiversité, l'ordonnance fédérale sur les paiements directs donne aux agriculteurs la possibilité de déployer sur leurs parcelles des mesures favorisant la nature, comme par exemple des prairies extensives, des jachères, des haies ou des vergers haute-tige. Mais quelle est l'efficacité réelle de ces actions promues depuis près de 25 ans par les pouvoirs publics ? Le canton de Genève a souhaité en avoir le cœur net et a réalisé une étude approfondie avec le concours des scientifiques de la Station ornithologique suisse.
Agriculture : un mètre carré sur sept dévolu à la nature
Les données récoltées démontrent que la campagne genevoise a réalisé dans ce domaine un véritable virage et est aujourd'hui en Suisse à la pointe des pratiques favorables à la biodiversité. Ainsi, le taux genevois de surface agricole dévolue à la nature pour l'obtention de paiements directs s'élève à 14.5%. Cela signifie que pour sept mètres carrés de surface agricole genevoise, un mètre profite directement à la biodiversité. Ce résultat, remarquable pour des activités de plaine soumises à de sévères contraintes de productivité, s'explique notamment par un engagement précoce de l'agriculture genevoise à l'égard de ces mesures qui, avec le soutien du Canton et l'appui d'experts innovants, ont eu l'opportunité de se développer largement.
Performance confirmée des réseaux agro-environnementaux
Une autre raison réside dans l'essor des réseaux agro-environnementaux qui permettent de valoriser aux mieux les actions réalisées. Ces démarches collectives ont débuté à Genève dès le début des années 90, avant même d'être inscrites dans la législation fédérale dix ans plus tard. En adoptant une perspective plus large, les réseaux agro-environnementaux apportent une synergie forte pour la nature grâce à des emplacements optimisés. Les agriculteurs, fédérés en associations accompagnées d'animateurs spécialisés, peuvent ainsi viser des objectifs écologiques plus ambitieux. Genève peut ainsi se prévaloir de la présence de 9 réseaux agro-environnementaux dynamiques, intégrant cultures et place pour la nature et couvrant l'ensemble de la surface agricole cantonale. Cette situation favorable se reflète dans les résultats obtenus sur le terrain en faveur de notre patrimoine naturel, mesurés par les experts grâce à la présence d'espèces indicatrices ou vulnérables.
Un bastion pour des papillons et des oiseaux vulnérables
Ainsi des insectes potentiellement menacés, qu'il s'agisse de papillons, comme l'azuré du trèfle, ou de criquets, comme le criquet des mouillères, sont bien représentés sur ces parcelles à mi-chemin entre la nature et l'agriculture. Mais c'est sans doute avec les oiseaux que les résultats sont les plus remarquables. Ainsi, 8 espèces sensibles qui sont en perte de vitesse en Suisse connaissent une augmentation de leurs effectifs dans les réseaux agro-environnementaux genevois. La campagne du canton constitue ainsi un bastion à l'échelle nationale pour l'alouette lulu, un oiseau très dépendant des pratiques agricoles. Par ailleurs, l'étude révèle que plus d'un cinquième des rossignols de notre pays trouvent refuge sur ces parcelles genevoises, ce chiffre dépassant même 40% pour l'emblématique chevêche d’Athéna, une petite chouette menacée, ou le bruant proyer, un passereau granivore vulnérable. "La promotion de la biodiversité apporte des résultats remarquables dans la zone agricole genevoise : les oiseaux nous le démontrent par leur présence" commente à ce sujet Jérôme Duplain, collaborateur scientifique de la Station ornithologique.
Grâce à la dynamique engagée, les effectifs de certaines espèces sensibles évaluées pourraient encore progresser en poursuivant l'optimisation du dispositif en place. C'est l'objectif que se fixent les partenaires pour les années à venir afin de continuer à renforcer la biodiversité agricole dont la situation est fragilisée à l'échelle du pays.
De ce point de vue, tant en termes de quantité que de qualité, l'agriculture genevoise se révèle être une alliée de la nature grâce au succès des réseaux agro-environnementaux. Consommer des produits locaux permet dès lors non seulement de privilégier la qualité de ce que l'on mange mais aussi d'agir au quotidien en faveur de notre biodiversité.
Des espaces agricoles à respecter
Comme son nom l'indique, un réseau agro-environnemental met en connexion des parcelles agricoles dévolues à la nature et au bénéfice de paiements directs, dénommées surfaces de promotion de la biodiversité (SPB). Ces dernières peuvent prendre notamment la forme de prairies extensives, de jachères florales, voire de surface viticole à biodiversité naturelle ou encore de haies ou de bosquets. Pour être intégrées à un réseau, ces surfaces doivent satisfaire des conditions et des charges élevées de manière à répondre spécifiquement aux besoins des espèces - plantes, oiseaux, insectes - ciblées en termes de conservation. Pouvant donner l'impression d'être négligées, voire à l'abandon, elles sont en réalité entretenues par les agriculteurs selon un cahier des charges strict. Demeurant des surfaces agricoles, ces parcelles sensibles aux dérangements doivent être pleinement respectées par les promeneurs ou les propriétaires de chiens, au même titre que les cultures qui les environnent.
Télécharger l'étude " Suivi biologique des réseaux agro-environnementaux genevois"