Démissions dans les délibératifs et les exécutifs communaux: le canton s'appuie sur des données valides et circonstanciées pour proposer des mesures correctives

Une étude mandatée par le canton révèle que le taux de démission dans les conseils municipaux, durant la précédente législature, est éloigné des chiffres préoccupants observés jusque-là, dès lors que les renoncements pour cause de déménagement et les refus de mandat par des viennent-ensuite ne sont pas considérés. Cette même étude se penche plus profondément sur les motifs des démissions des élu-e-s. Les exécutifs communaux sont, quant à eux, touchés de manière non significative par la problématique des démissions en cours de mandat. Cependant, désireux d'améliorer encore la participation et l'engagement politiques dans les communes, le département de la cohésion sociale a planché sur des mesures dites correctives en étroite collaboration avec l'Association des communes genevoises.

Face aux chiffres alarmants en sa possession sur le nombre de démissions dans les conseils municipaux et les exécutifs communaux, le département de la cohésion sociale a souhaité, dès 2019, disposer de données plus précises sur les raisons de ces renoncements et a entamé un travail conjoint avec l'Association des communes genevoises (ACG) visant, à terme, à réduire le taux de ces démissions. Dans cette optique, il a mandaté le professeur Pascal Sciarini et M. Simon Maye, de l'Université de Genève, pour réaliser une étude[1] sur cette problématique.

Il ressort de cette étude, qui s'appuie sur une analyse statistique des démissions et des refus de mandat durant la législature 2015-2020, que le taux de démissions au sens strict (si l'on exclut les renoncements à un mandat par des viennent-ensuite, les déménagements dans une autre commune ou l'élection à un mandat exécutif) s'élève à 18% sur l'ensemble de la législature, soit un taux annuel moyen de 3,6%. Ce taux monte à 25% lorsque l'on prend en compte les démissionnaires pour cause de déménagement hors de la commune. Toutefois, cette donnée n'a pas vocation à être considérée outre mesure, "car dans la plupart des cas ces démissions ont très vraisemblablement été la conséquence et non la cause du déménagement" (Sciarini & Maye, 2020). Ces chiffres sont rassurants en comparaison des données en valeur absolue considérées jusqu'ici par le canton.

L'enquête met en avant la nature des principales raisons à l'origine des démissions. Les motifs les plus fréquemment invoqués par les démissionnaires sont les difficultés dans les relations interpersonnelles (climat au sein du parti ou du groupe et/ou au sein du délibératif) ainsi que le sentiment de frustration à l'égard des compétences limitées des conseils municipaux et des communes, de même que des raisons personnelles (maladie, fatigue, etc.).

D'autres motifs qui, intuitivement, semblaient devoir être invoqués se sont révélés peu significatifs dans le cadre de cette étude, qui a bénéficié d'un taux élevé de réponses (68%). Ainsi, ni la rémunération, ni la technicité des dossiers, ni la question de la conciliation d'un mandat électif avec la vie de famille et la vie professionnelle ne s'avèrent prépondérants.

Si l'on étend la recherche des causes aux personnes "viennent-ensuite", qui renoncent à entrer en fonction à la suite d'une démission (et dont le taux s'est élevé à 22% des mandats lors de la précédente législature), les motivations de ces refus sont principalement les raisons personnelles ainsi que l'incompatibilité du mandat avec la vie professionnelle ou familiale. Mis à part le facteur des raisons personnelles, les autres motifs cités plus hauts comme source de démission semblent jouer un rôle plus secondaire dans ces refus de mandat.

Démissions dans les exécutifs communaux

Au sein des exécutifs, la législature passée a vu quinze magistrat-e-s communaux démissionner. Ce nombre passe toutefois à onze démissions (soit un taux de démissions de 8,9%) si l'on exclut le cas d'adjoint-e-s ayant été élu-e-s à la fonction de maire et la démission d'un conseiller administratif élu en 2018 au Conseil d'Etat. Plus généralement, ces démissions ont touché des petites communes, huit de ces démissionnaires étant d'ailleurs actifs ou actives dans une commune connaissant un système maire-adjoints. Bien qu'il soit difficile de tirer des conclusions scientifiquement valides au vu du peu de cas en présence, le rapport précise que les problèmes de nature relationnelle semblent être un facteur important de démission et que "le contexte spécifique aux communes connaissant le système maire-adjoints est plus propice à ce type de problèmes" (Sciarini & Maye, 2020).

L'étude du prof. Sciarini et de M. Maye propose enfin une série de recommandations, tout en soulignant que "la nature des principales raisons à l'origine des démissions qui émergent de [l']enquête limite les possibilités de correction". Il est vrai qu'il est difficile, du point de vue du canton, d'agir, par des mesures correctrices ou organisationnelles, sur le climat de travail au sein des délibératifs.

En revanche, les conclusions et les recommandations de l'étude consistent en autant de pistes de solution intéressantes, pour certaines déjà mises en œuvre par le département de la cohésion sociale, en concertation étroite avec l'ACG. Un groupe de travail conjoint se réunit depuis fin 2019 pour travailler de concert aux solutions dans ce domaine.

Pour Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat chargé des relations avec les communes, "l'étude nous renseigne sur les leviers où nous pouvons apporter des solutions. Comme le suggèrent les auteurs, le département de la cohésion sociale et l'ACG collectent désormais systématiquement les données sur les démissions et refus de mandat afin d'assurer un suivi de la statistique."

Conjointement avec l'ACG toujours, le département de la cohésion sociale a proposé l'an passé des formations aux candidat-e-s aux fonctions électives communales, mais aussi aux membres élu-e-s des conseils municipaux, sur les tâches communales et les compétences respectives de l'exécutif et du délibératif. Plusieurs partis et quelques conseils municipaux ont profité de ces offres de formation.

Un programme de formation plus ambitieux est prévu pour 2021, pour autant que l'évolution de la pandémie le permette. Comme souligné par l'étude de l'Université de Genève, de telles formations permettront de sensibiliser les candidat-e-s et les élu-e-s à la portée des prérogatives des délibératifs dans les communes "et de limiter ainsi le sentiment de frustration ultérieur" (Sciarini & Maye, 2020).

Des solutions plus structurelles

Le Conseil d'Etat a mis en consultation courant 2020 un projet de loi constitutionnelle visant à réformer l'exécutif des communes genevoises de moins de 3000 habitants. Au lieu du régime actuel d'un-e maire et de deux adjoint-e-s, le Conseil d'Etat souhaite dans l'ensemble des communes des exécutifs composés de trois conseiller-ère-s administratifs et administratives disposant de responsabilités et de prérogatives équivalentes. Cette réforme de la gouvernance aura pour conséquence de pallier l'asymétrie mise en avant par les membres d'exécutifs (dans un système maire-adjoint-e-s) démissionnaires durant la législature 2015-2020. L'Association des communes genevoises, à l'unanimité de ses membres, soutient cette réforme, qui sera prochainement déposée au Grand Conseil. L'objectif est de parvenir à son adoption par le peuple avant la fin de la législature municipale, de manière à permettre aux vingt-trois communes concernées de changer de modèle dès l'élection de 2025.

Indéniablement, le renforcement des compétences communales ressort également des résultats de l'enquête comme un élément susceptible de renforcer l'attrait de la fonction d'élu-e municipal-e. Soucieux de l'équilibre des compétences et convaincu de l'efficacité de l'action politique de proximité, le département de la cohésion sociale redit son attachement aux négociations en cours avec l'ACG en vue de transferts de compétences.

Pour mémoire, notons encore la modification de la loi sur l'administration des communes (LAC), votée en 2019 par le Grand Conseil sur proposition du canton et mettant fin à un modèle qui subsistait dans les quatre communes genevoises de moins de 800 habitants, dans lesquelles le maire assumait simultanément la présidence du conseil municipal. Ce changement, découlant d'une norme constitutionnelle, avait pour but d'assurer une saine séparation des compétences et des pouvoirs et s'inscrivait dans le projet global de réforme de la gouvernance des communes portée par le département de la cohésion sociale depuis deux ans.

 

[1] Sciarini, P. & Maye, S. (2020). Les démissions dans les conseils municipaux et les exécutifs communaux. Etude réalisée pour le compte du département de la cohésion sociale. Voir l'étude

 

Pour toute information complémentaire:

  • M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat, en contactant M. Henri Della Casa, secrétaire général adjoint chargé de la communication, DCS, T. 078 674 69 95
  • Concernant l'étude et ses résultats: prof. Pascal Sciarini, département de science politique et relations internationales, Université de Genève, T. 022 379 83 86