Fouille

MIPP - Fouille
MIPP - Fouille
Dans le cadre des ses interventions de médiation et des analyses réalisées chaque année, l'organe de Médiation indépendante entre la population et la police (MIPP) met chaque année en lumière une thématique spécifique. Nous vous présentons un article sur la fouille.

En 2021, le MIPP (anciennement OMP) a été saisi à plusieurs reprises par des personnes ayant fait l'objet d'une fouille corporelle qu’elles ont ressentie comme intrusive, humiliante, injustifiée ou encore disproportionnée.
 

De la fouille systématique …

Les personnes ayant saisi le MIPP ont exprimé leur incompréhension face à une fouille subie dans le cadre d’infractions qu’elles considéraient comme mineures et sans qu’elles estiment s’être adonnées à des activités criminelles justifiant une telle mesure. De plus, dans certains cas, un manque d’explication ou la manière d’interagir de la part des policières et policiers (notamment l’usage de l’humour pour détendre l’atmosphère) ont été ressentis comme particulièrement humiliants par les personnes qui s’en sont plaintes.

Jusqu’au mois de novembre 2021, une personne amenée à un poste de police pour y être auditionnée, quelle qu’en soit la raison, était d’emblée fouillée, pour des raisons de sécurité de la personne concernée ou des policières et policiers, selon le principe de la fouille « en deux temps », soit la moitié supérieure du corps d’abord, puis la moitié inférieure ou vice- versa. Cette fouille implique que les vêtements soient enlevés et que les parties intimes soient inspectées visuellement.

Ainsi, il pouvait arriver qu’une personne ayant par exemple commis une infraction en matière de circulation routière et ne pouvant être amendée sur la voie publique doive se soumettre à ce processus de fouille au poste de police. En particulier, les agentes et agents de police n’avaient pas à examiner dans quelle mesure la fouille était proportionnelle, soit notamment adéquate et nécessaire.
 

à l'évaluation de sa proportionnalité

Les directives ont depuis été modifiées et les policières et policiers doivent, dans chaque situation, examiner s’il est nécessaire de procéder à une fouille1. Celle-ci devra être adaptée aux circonstances et être aussi prévenante et décente que possible ; l'examen visuel des parties intimes ne devra pas être systématique. On peut imaginer que ce changement de paradigme permettra de donner davantage de sens à la pratique. La policière ou le policier devrait être mieux à même d’expliquer les raisons de la fouille et la personne de les comprendre. Cette directive donne davantage de marge de manœuvre aux membres de la police procédant aux fouilles ; certaines et certains d’entre eux ont toutefois exprimé leur inquiétude quant au risque que leur analyse d’une situation puisse être mise en cause et que ce changement ne les expose davantage à des sanctions.
 

La fouille par une personne de même sexe

Au-delà de la fouille en elle-même, l’OMP a également été saisi quant à ses modalités, des questions ayant surgi en lien avec l’orientation sexuelle. Toute personne a droit, en principe, à n’être fouillée que par une agente ou un agent de police de même sexe (à l’état civil)2. Cette règle vise notamment à limiter le malaise inhérent à la fouille, mais également à éviter toute attirance ou séduction dans ce cadre. L’OMP a été confronté à une situation dans laquelle une personne homosexuelle a relevé le malaise que suscitait pour elle la fouille par une personne de même sexe. Dans un tel cas, faudrait-il adapter les principes actuels et permettre la fouille par une agente ou un agent de sexe opposé ? Celle-ci ou celui-ci pourrait-il alors refuser de le faire ?

Par ailleurs, « les personnes transgenres ou présentant une variation du développement sexuel peuvent, depuis le 1er janvier 2022, faire modifier rapidement et simplement les indications concernant leur sexe et leur prénom dans le registre de l’état civil »3, par simple déclaration, sans qu'aucun examen médical, ni aucune autre condition ne soient requis. Des questions surgissent ainsi quant au sexe de l’agente ou de l’agent procédant à une fouille, notamment si l'apparence physique d’une personne ne correspond pas au sexe figurant à l'état civil (par exemple un homme qui devient femme à l'état civil, sans avoir vécu de changement dans son physique, et qui est fouillé par une agente de police).

De plus, les personnes en transition (qui ont par exemple subi des changements physiques par opération médicale et/ou prise d'hormones) qui n'ont pas encore formellement changé de sexe pourraient préférer se faire fouiller par une personne correspondant à leur identité de genre, quand bien même il ne s'agit pas d'une personne de même sexe à l'état civil.

Le MIPP n’a jusqu’à maintenant pas été saisi pour un tel cas, mais il apparaît que les situations précitées appellent une réflexion et une approche nuancées de la part de la police qui doit y sensibiliser ses agentes et agents. Le MIPP vise ainsi non seulement à rétablir la communication et le respect par la médiation dans des situations difficiles, mais collabore activement avec la police afin de prévenir les potentielles difficultés susmentionnées, en ayant des échanges réguliers et en partageant des réflexions avec la commandante de la police. Des réflexions sont ainsi actuellement à l'œuvre afin de prévoir comment les fouilles devraient être effectuées de manière à respecter autant que possible la situation de chacune et chacun, citoyenne et citoyen comme policière et policier. Il s’agit en effet d’actes vécus comme une intrusion dans la sphère intime, dans un cadre qui, intrinsèquement, suffit déjà à ce que les citoyennes et citoyens se sentent ou puissent se sentir mal à l’aise.

Des réflexions sont également en cours à la commission des Droits humains (droits de la personne) du Grand Conseil, notamment à la suite du dépôt d'un projet de loi visant à promouvoir l'égalité et à lutter contre les violences et les discriminations liées au genre (PL 12843).

Il ressort tant des expériences vécues dans le cadre de médiations que des discussions menées par l’OMP avec différentes interlocutrices et différents interlocuteurs que de laisser la personne qui se fait fouiller choisir par qui elle veut être fouillée, tel que le propose le PL 12843, ferait surgir d'autres problèmes en situation de tensions et qu'au-delà des principes et bonnes pratiques, la communication, l'empathie, le respect et la considération restent les éléments clés qui doivent être privilégiés sans relâche, et ce d’autant plus dans des situations aussi sensibles que celles des fouilles.
 

 


1- Directive de police – Usage de la force, moyens de contrainte et fouille, OS PRS.16.01
2- Art. 49 al. 3 LPol
3- Art. 30b Code civil ; RS 210