Édifice emblématique de la modernité d’après-guerre, la villa Nierlé est inscrite à l’inventaire des bâtiments dignes de protection

Type de publication
Date de publication
15 août 2025
Construite en 1962 à Lancy sur un terrain en forte pente, face à la gare de la Praille, cette villa se présente comme un objet à la volumétrie puissante dont la modernité s’affirme avec éclat. Elle concentre nombre d’innovations techniques et constructives que l’architecte Pierre Nierlé transpose du domaine hospitalier à celui de l’habitation.

Connu surtout pour sa carrière hospitalière (hôpital cantonal, hôpital Beau-Séjour, infirmerie gériatrique du Prieuré, etc.), Pierre Nierlé est un des rares architectes genevois à réunir sous un même toit domicile privé et activité professionnelle. La villa qu’il réalise en 1962 à l’avenue Eugène-Lance 35-37 prend ainsi la forme d’un long parallélépipède rectangle en béton apparent dont la partie supérieure, dédiée à l’habitation familiale et au garage, surplombe un socle abritant l’atelier et ses collaborateurs. Alors que ce dernier, accessible au moyen d’un élégant escalier métallique en colimaçon, présente un grand espace ouvert protégé par les lames brise-soleil en béton, le rez supérieur s’organise le long d’une bande de services et de circulation (cuisine, escalier, WC, salle de bains, lingerie, etc.) distribuant les pièces principales (coin à manger, séjour, chambres), toutes largement orientées vers les voies et le panorama à l’est grâce à une série de grandes fenêtres basculantes.

À travers cette réalisation, l'architecte dévoile son penchant pour la recherche de solutions techniques innovantes, puisant dans ses expériences constructives issues du domaine hospitalier qu’il transpose ici afin de résoudre le problème des nuisances sonores et des vibrations lié à la proximité du trafic ferroviaire et routier. Il en va ainsi du choix des dalles et murs massifs en béton armé comme de celui des fenêtres-caissons isolantes (Carda), en passant par le choix des nombreux matériaux de revêtement absorbants (Plastofloor, Colovynil, Bulgomme, Pavatex, etc.) ou celui du système de chauffage et de ventilation à air pulsé. Ajouté à cela le dispositif structurel particulier qui consiste à désolidariser les deux niveaux de la construction, on peut dire que la villa concentre une quantité d’innovations techniques et constructives qui en font un véritable prototype architectural.

Enfin, Nierlé apporte un soin extrême au dessin du mobilier intégré, offrant des espaces intérieurs raffinés et fonctionnels, qu’il combine avec une polychromie chatoyante en contraste avec la tonalité quasi monochrome des enveloppes de façade. En dépit de divers transformations opérées suite au départ des Nierlé en 1990 (extension en 1992, aménagement du garage en habitation en 2016), la villa est dans l’ensemble très bien préservée. Elle fait actuellement l’objet d’une rénovation attentive qui devra être respectueuse de sa conception architecturale comme de son authenticité matérielle.

La villa et ses abords sont désormais inscrits à l’inventaire des immeubles dignes de protection et le bâtiment sera ouvert au public à l’occasion des Journées européennes du patrimoine qui se tiendront les 13 et 14 septembre 2025 (visite gratuite, sur réservation).

Retrouvez ici des photos de la villa Nierlé

 

Villa Nierlé, 1960-1962, Lancy

  • Pierre Nierlé, architecte
  • Pierre Froidevaux, ingénieur civil
  • Jean Stryjenski, architecte acousticien

Pour aller plus loin : bibliographie

  • Yvan Delemontey, Villa Nierlé, 1960-1962, étude patrimoniale, OPS-IMAH, 2024.
  • Charlotte Nierlé, La maison atelier en Suisse dans les années 60. Deux réalisations genevoises, mémoire de master en architecture, Accademia d’architettura di Mendrisio, 2015, pp. 57-71.
  • Catherine Courtiau (dir.), XXe. Un siècle d’architectures à Genève. Promenades, Gollion, Infolio, 2009, p. 456.
  • Isabelle Claden, « Hommage à l’architecte Pierre Nierlé », Alerte, n° 95, juin 2005.
  • Jacques Wanner, « Architecture et décor contemporain », Art et Décoration, n° 159, septembre 1971, pp. 86-88.

 

Pour toute information complémentaire : M. Yvan Delemontey, architecte et historien du patrimoine, service de l'inventaire des monuments d'art et d'histoire, DT, T. 022 546 60 15

Type de publication
Date de publication
15 août 2025