Après 150 ans d'absence, un loup identifié pour la première fois à Genève

Des images déclenchées automatiquement par un piège photo ont permis d'attester le passage d'un loup en ce début d'année dans le canton de Genève. Cette observation est ainsi la première donnée genevoise enregistrée par un service officiel pour cet animal, après une absence de 150 ans. Elle ne constitue pas pour autant une surprise car elle fait écho au retour progressif du loup sur ses anciens territoires, observé à la fois en Suisse et en France voisine. Elle démontre que la nature genevoise, bénéficiant d'un engagement régional en faveur des corridors biologiques et riche en chevreuils et en sangliers grâce à une gestion durable de la biodiversité, peut accueillir le passage d'une espèce associée à de larges espaces sauvages. Il faut rappeler que, même si cette observation se situe dans un canton caractérisé par une grande agglomération, le loup ne constitue pas un danger pour l'homme, comme l'attestent toutes les données recueillies en Europe depuis un siècle.

Dans le cadre de leurs activités de suivi de la faune, les gardes de l'environnement ont découvert des images déclenchées automatiquement par un piège-photo dans la nuit du 7 au 8 janvier dernier. Sur la séquence, on voit un animal, prudent et craintif, flairer précautionneusement les environs puis rebrousser chemin. Sa gorge blanche et sa large encolure sont caractéristiques: ce document atteste le passage d'un loup dans le canton de Genève, le premier confirmé par un service officiel après une absence de 150 ans. A ce stade, aucune autre image n'a été enregistrée et il est difficile de savoir si le séjour de l'animal s'est prolongé, sachant que cette espèce très mobile peut parcourir de longues distances en une seule nuit. A titre de précaution, les éleveurs de la région, peu nombreux, ont été informés sans délai et des mesures de sécurisation des animaux de rente vont être mises en œuvre sur le terrain avec l'aide des autorités.

Image du loup photographié à Genève par un piège photo.
Image du loup photographié à Genève par un piège photo.

Le loup retrouve ses territoires régionaux

Par où reviendrait le loup à Genève? C'était la question qui restait ouverte, car celle de son passage tôt ou tard par notre canton paraissait déjà acquise depuis quelque temps. En effet, dans le bassin lémanique, cet animal retrouve progressivement ses territoires (voir l'encadré), avec des familles établies aussi bien dans la Jura vaudois, dans les Alpes et le Chablais savoyard, où une vingtaine de loups seraient présents. Et c'est peut-être bien cette petite population, notée jusqu'au pied des Voirons, qui pourrait être à l'origine de l'observation genevoise relevée dans un espace naturel du sud-est du canton.

Des écosystèmes se rapprochant des équilibres naturels

Cette donnée hivernale correspond au moment où les loups élargissent leurs territoires d'exploration, à la recherche de leurs proies habituelles. Cette espèce joue un rôle précieux pour la santé des écosystèmes en régulant les grands ongulés. Dans ce domaine, le canton pourrait tirer parti de l'action de cet animal car le chevreuil, le sanglier et, plus récemment, le cerf, y sont désormais bien représentés. Même si elle n'indique pas l'installation du loup à Genève, cette observation témoigne de la valeur de la biodiversité genevoise: grâce à une gestion dynamique, ce précieux patrimoine retrouve progressivement ses équilibres naturels et peut ainsi accueillir le passage d'une espèce associée aux grands espaces sauvages. Cette nouvelle donnée confirme aussi concrètement la portée de l'engagement du canton en faveur de la revitalisation des corridors biologiques – ces voies permettant le déplacement de la faune, rétablies par exemple au moyen d'écoponts. Cette situation favorable vaut ainsi à notre petit territoire d'être parfois visité par le lynx, d'avoir hébergé l'un des premiers chacals de Suisse et a aussi permis le retour durable du chat sylvestre dans notre région. Aujourd'hui, le loup s'ajoute à cette liste d'espèces que, jusqu'il n'y pas si longtemps, bien peu auraient imaginé pouvoir observer à Genève.

Pour visionner la première vidéo d'un loup à Genève: www.facebook.com/geenvironnement

Pour signaler une observation de loup à Genève: T. 022 388 55 00 (Gardes de l'environnement)


Une longue histoire partagée

A l'exception d'une parenthèse récente, le loup est un animal qui a toujours été naturellement présent autour de nous. Cette proximité ancestrale a d'ailleurs permis la domestication de certains de ses représentants pour constituer notre fidèle compagnon, le chien, apportant ainsi à l'humanité des avantages décisifs. Cependant, à partir du 18eme siècle, le loup disparaît progressivement en Europe, victime d'une mauvaise réputation et de conflits avec une société largement agricole: les surfaces forestières sont alors très réduites et les ongulés sauvages sont éradiqués dans de nombreuses régions, y compris en Suisse. Pour ce qui concerne Genève, le naturaliste Robert Hainard rapporte que des loups sont signalés en 1826 à la Queue-d'Arve et en 1830 à Chambésy. En 1871, "des dames de Châtelaine ont eu trois loups dans leur campagne". C'était il y a tout juste 150 ans, et puis plus rien... Depuis cette époque, les forêts locales ont retrouvé leur vigueur, les cerfs, chevreuils et sangliers sont de retour et les lois reconnaissent le rôle favorable des prédateurs pour les écosystèmes: le loup peut dès lors retrouver naturellement ses anciens territoires à partir de ses derniers bastions italiens. Dans le bassin genevois, une donnée est relevée dès 2005, à Chéserex (VD) et un animal est accidenté à Péron (Ain) en 2009. En 2012, un loup est photographié sur un versant du Salève et en octobre 2019 une observation non confirmée est signalée entre Arve et Lac. Aujourd'hui, alors que le loup pourrait à nouveau faire partie au moins épisodiquement de notre faune, cette espèce est beaucoup mieux connue et on sait que les vives craintes qu'il suscitait autrefois ne sont pas confirmées par les faits. S'il est vrai qu'il lui arrive de prélever du petit bétail, ce qui implique des mesures adaptées, il ne constitue pas un danger pour l'homme, comme l'attestent toutes les données recueillies en Europe depuis un siècle.
Le loup, associé à Genève sur une illustration d'un plan de ville publié en Angleterre en 1800, fidèle aux représentations inquiétantes de l'époque.
Le loup, associé à Genève sur une illustration d'un plan de ville publié en Angleterre en 1800, fidèle aux représentations inquiétantes de l'époque.

 

 

Pour toute information complémentaire: Luc Rebetez, garde de l'environnement, DT, luc.rebetez@etat.ge.ch, T. 022 388 55 73 ou 079 715 17 71