



Des bienfaits de la renaturation des sols
Les sols urbains, largement remaniés et imperméabilisés, ont perdu beaucoup de leurs fonctionnalités et ne peuvent pas, en l'état, être le support d'une végétation de qualité, jouer leur rôle d'éponge pour les eaux de pluie et accueillir une biodiversité abondante. Il devient, dès lors, urgent de leur redonner les fonctionnalités attendues.
Il existe des solutions techniques qui permettent d'obtenir plutôt rapidement des sols fonctionnels, mais au prix d'une mise en décharge des matériaux en place, d'apports de terre végétale décapée de la zone agricole et de matériaux structurants comme c'est le cas pour les fosses de Stockholm, avec au final un bilan carbone élevé.
Dans le contexte genevois, où les décharges de matériaux inertes sont à pleine capacité et la terre végétale disponible est rare, la régénération des sols en réutilisant au maximum les matériaux en place apparait comme une approche certes plus longue à développer son plein effet, mais aussi plus vertueuse.
C'est ainsi que des projets pilotes et des travaux de recherche voient le jour, partout dans le monde, ainsi qu'à Genève au travers de la démarche Eau en ville.
Présentée en mai 2023 lors d'un webinaire sur les sols urbains, la régénération des sols du quartier du Pommier au Grand-Saconnex a bien avancé et des premiers enseignements ont pu en être tirés. D'autres projets ont vu ou vont voir le jour, portés par la Ville de Genève : un réaménagement au Boulevard Emile-Jacques-Dalcroze, inauguré en été 2024, et le futur Parc de la Jonction qui servira, dans une période transitoire, de laboratoire et de terrain d'expérimentations.
Quartier du Pommier (Ville du Grand-Saconnex)
La Ville du Grand-Saconnex a profité des travaux de pose du chauffage à distance (CAD) pour désimperméabiliser et végétaliser 16 places de stationnement, soit 8 emplacements de 2 places contiguës, tandis que les autres places ont été rendues plus perméables par la pose de dalles béton ajourées. À noter que les places ne reçoivent aucune autre eau que la pluie leur tombant directement dessus.
S'inspirant du projet Asphalt Jungle de l'agence parisienne Wagon Landscaping, l'ambition était de réutiliser un maximum de matériaux en place et de régénérer les sols avec des interventions ciblées et minimales. Mandaté par l'office cantonal de l'eau en mai 2023, le bureau Terasol a eu pour mission de proposer des protocoles de régénération des sols ainsi que de suivre leur évolution sur 5 ans.
Dans un premier temps leurs qualités agro-pédologiques ont été caractérisées. Il en est ressorti des matériaux à dominante limono-argileuse peu perméable, au potentiel d'infiltration limité par la présence d'une nappe superficielle.
Description des propriétés agro-pédologiques d'un profil de sol au quartier du Pommier (image: Terasol SA)
Le protocole de régénération a consisté en une réorganisation des couches de sols avec les matériaux présents, complétés de compost mûr. Les graves sableuses constituant le coffre en place ont ainsi été replacées en fond de fouille tandis que les matériaux limono-argileux plus profond, enrichis avec un peu de terre végétale importée, ont été disposés en surface. Les derniers 40 cm ont été amendés avec du compost mûr, correspondant à 4 m3 pour chaque double place de stationnement. La mise en place a été réalisée à l'aide d'un godet cribleur, afin d'obtenir un mélange homogène pour chaque couche. L'essentiel de ces travaux a eu lieu au printemps 2024.
Dépose du mélange à l'aide d'un godet cribleur (photo : Terasol SA)
Enfin, ce sol nouvellement reconstitué a été planté. Dans un premier temps, un engrais vert a été semé afin de protéger le sol de l'érosion, en attendant la végétation définitive. Cet engrais vert a été fauché à l'automne 2024 et laissé sur place afin de nourrir le sol.
Le sol sera le support d'une végétation essentiellement basse, dont les essences végétales ont été choisies pour supporter des conditions de stress hydrique et être tolérantes aux milieux calcaires.
Double place végétalisée (photo : Frédéric Bachmann)
Des tests, notamment de conductivité hydraulique, permettant de caractériser la capacité du sol à infiltrer des eaux de pluie, seront menés régulièrement sur une période de 5 ans et mis à disposition annuellement. La liste des indicateurs de suivi est actuellement en cours d'élaboration et sera discutée avec l'OCEV-GESDEC.
Désimperméabilisation du Boulevard Emile-Jacques-Dalcroze (Ville de Genève)
Préambule au grand projet de réaménagement de Rive, un secteur du Boulevard Emile-Jaques-Dalcroze se situant devant l'école Ferdinand Hodler a été végétalisé et réaménagé entre mars et mai 2024 et inauguré en juin 2024, en supprimant 10 places de stationnement. Le maintien des arbres existants a constitué un véritable défi de mise en œuvre pour ne pas toucher à leurs racines et les fragiliser.
Le protocole de régénération des sols a été élaboré par Terasol et la réalisation suivie de près par les bureaux Pascal Heyraud, Terasol et EDMS ainsi que les services de la Ville de Genève. Aucun suivi spécifique du sol n'est prévu pour cette réalisation.
Panneau explicatif de la Ville de Genève (illustration : Maud Oïhenart)
Un autre aspect intéressant de ce projet a été la réutilisation sur place de l'enrobé bitumineux pour du mobilier urbain et des pas d'éléphants.
Désimperméabilisation et réemploi des matériaux au Boulevard Jacques-Dalcroze (photo: Frédéric Bachmann)
Un projet similaire mais sur une surface plus grande va se réaliser les prochains mois à la rue d'Italie et fera l'objet d'un suivi agro-pédologique sur 5 ans, financé par l'OCEV-GESDEC et l'OCEAU.
Parc de la Jonction (Ville de Genève)
Un troisième projet pilote sera bientôt lancé dans le cadre du Parc de la Jonction. Une première phase d'occupation temporaire du site est prévue afin d'effectuer des tests de dépollution dans certaines zones. Ces dernières seront désimperméabilisées, ouvrant la possibilité de tester non seulement des aspects liés à la pollution mais également l'interaction eau-sol. Dans ce contexte, et en partenariat avec la filière agronomie de l'HEPIA, plusieurs tests sont envisagés:
- Des tests d'infiltrométrie permettant de déterminer la conductivité hydraulique à saturation et donc la capacité d'infiltration du sol ;
- L'ouverture et l'examen de profils pédologiques afin de caractériser les différentes couches du sol ;
- Des analyses physico-chimiques du sol permettant, en particulier, de déterminer l'équilibre air-eau et sa rétention en eau.
À noter que l’infiltration d’eau sera limitée aux surfaces exclues du cadastre des sites pollués et seules les eaux de pluie tombant directement pourront s'infiltrer dans le sol. En associant une haute école à cette démarche, nous espérons avoir un suivi de nombreux paramètres nous permettant de bien orienter les futurs projets. Aussi, ce projet fait écho à un sujet de thèse qui se tient actuellement à Strasbourg et dont le sujet et les travaux nous semblent très pertinents.
Perméasol, un projet de recherche au coeur de la ville | Strasbourg.eu
Les Jardins de la Jonction développent les espaces plantés de manière collective (image: Jardins de la Jonction)
Revoir les deux webinaires Eau en ville sur le sujet
Deux webinaires de notre démarche de partage d'expériences Eau en ville ont déjà abordé la thématique des sols et technosols en milieu urbain, l'un focalisé sur les fosses de Stockholm (Retour sur le deuxième webinaire de partage d'expériences Eau en Ville | ge.ch) et l'autre plus généraliste sur les grands enjeux de leur renaturation (Les sols urbains au cœur de l'adaptation des villes aux changements climatiques - Retour sur le quatrième webinaire de partage d'expériences Eau en Ville | ge.ch).