L'école des Pervenches à Carouge
Edifiée à la suite d’un concours d’architecture en 1908 remporté par les architectes Henri Garcin et Charles Bizot et d’un parcours émaillé de nombreuses péripéties, l’école des Pervenches est inaugurée le 3 janvier 1911. A cette occasion, le Conseiller d’Etat Rosier, en charge du département de l’Instruction publique propose de placer sur la porte d’entrée la devise : « C’est ici le palais de la jeunesse où, sous la protection des autorité, d’excellents maîtres et maîtresses instruisent les enfants du peuple pour en faire des hommes et des femmes utiles à notre patrie. »
C’est un bâtiment représentatif des tendances architecturales des années 1905-1910. Du point de vue constructif, il met en œuvre des matériaux traditionnels, les moellons en pierre de Meillerie, et fait appel à des techniques plus modernes, le ciment armé. Son implantation, qui place le secteur des classes et le préau au sud, ainsi que la grandeur et la forme de ses fenêtres (larges et sans cintrage aux étages) correspondent bien aux prescriptions sur l’éclairage à la lumière naturelle des locaux scolaires. Ces mêmes préoccupations hygiénistes se retrouvent à l’intérieur du bâtiment dans l’arrondi des angles des murs intérieurs, qui facilitait le nettoyage, l’existence de vasistas au-dessus des portes, qui permettaient la ventilation, et la présence de douches au sous-sol pour l’hygiène des élèves.
Le noyau le plus ancien de ce bâtiment scolaire est remarquablement bien conservé, malgré la perte de l’entrée des garçons et de toutes les huisseries anciennes sur la façade sud. Il n’empêche, la distribution des espaces est aujourd’hui encore parfaitement lisible en façades, notamment la séparation des trois flux d’élèves filles, élèves garçons et services. La riche ornementation architecturale est elle aussi entièrement préservée. Le gabarit monumental de cet édifice, sa toiture haute et complexe, ainsi que la déclinaison ornementale d'inspiration régionaliste font de ce bâtiment un excellent exemple du mouvement Heimatstil et l’une des plus belles écoles genevoises de cette période. Sa valeur patrimoniale remarquable n’a pas été endommagée ni par la construction d’une barre d’immeubles toute proche au nord, ni par les adjonctions réalisées par Arthur Bugna en 1976 et 1977 au sud.
Sources :
- Dictionnaire carougeois, tome IIIA, pp. 115-126 ;
- Recensement architectural du canton, 2020, fiche n° RAC-CRG-1045
Villas mitoyennes à Chêne-Bougeries
Les deux maisons mitoyennes 35 et 37, chemin de Vert-Pré ont été construites en 1897 par la Société suisse de construction. L'entreprise construit, à partir de 1896 et jusqu'à sa faillite en 1901, une série d'ensembles de maisons destinées à la classe moyenne selon une méthode novatrice de promotion. Emil Usteri, en collaboration avec son associé Hermann Stadler (constructeurs de Jelmoli, premier grand magasin suisse en acier et verre, à l'américaine) et le bureau d'architectes zurichois Bützberger & Burkhard, dessine les plans-types de maisons individuelles, doubles ou triples. La société acquiert des parcelles dans les zones résidentielles de plusieurs villes suisses, sur lesquelles elle distribue les maisons en fonction de la topographie et du rapport au réseau viaire, en prenant soin de varier les volumes et les combinaisons des types préétablis.
Des ensembles, en général bien conservés à ce jour, ont été identifiés à Winterthur, Berne, Lausanne, Genève, Zurich et Lucerne Le seul ensemble connu jusqu'ici à Genève et situé à Genève avenue de Miremont a été étudié par David Ripoll puis inclus dans un plan de site prévoyant le maintien de tous ses éléments d'origine (Plan de site n° 29802 adopté le 27 juin 2018). L'ensemble situé à Chêne-Bougeries était resté méconnu avant les recherches menées en 2017 dans le cadre du recensement architectural du canton. Composé de huit maisons individuelles organisées en quatre paires entre les chemins de la Colombe (n° 17 à 23) et de Vert-Pré (n° 31 à 37), ce groupe se trouve à une distance du centre-ville supérieure que dans les autres réalisations de l'entreprise.
Ce fait justifie la surface généreuse des parcelles individuelles, qui possèdent ainsi un caractère moins urbain. Le plan des bâtiments ainsi que la composition des façades et la variation des types sont, quant à eux, identiques aux autres productions de la Société suisse de construction, ce que montre leur morphologie (tourelles demi-dans-œuvre situées sur une face ou à l'angle, loggias d'angle, pignons croisés, toitures mouvementées ponctuées de flèches), tout comme le traitement riche et pittoresque de leurs façades (éléments de charpente· apparents, pierre et bois sculptés). Ces éléments distinctifs inscrivent ces maisons dans le courant Heimatstil, né à la suite de l'exposition nationale suisse de 1896 et promis à un vif succès sur tout le territoire de la Confédération jusqu'au début de la Première Guerre mondiale. Elles offrent une interprétation fort intéressante des idéaux d'union d'architecture et de nature par la création d'espaces intermédiaires, de retour à des modes de construction (jugés) locaux et d'apparence pittoresque tels que les promouvait l'architecte et théoricien Henry Baudin , cela dans le cadre d'une promotion visant la construction à un tarif avantageux.
Sources :
- Thomas Marti, « Materialien zu den Siedlungen der Schweizerischen Baugesellschaft 1896-1898 », travail de diplôme de master de la haute école d'architecture, construction et bois de Burgdorf sous la direction de Dr Martin Frëhlich, 2006 ;
- David Ripoll, « 15, 17, 21A-E, 23A-C, avenue de Miremont », étude historique, Ville de Genève, Conservation du patrimoine architectural, janvier 1998 ;
- Henry Baudin, Villas et maisons de campagne en Suisse (1909) ;
- Recensement architectural du canton de Genève, 2017, fiches nos RAC-CBS-5002 et RAC-CBS-5004
Bâtiment administratif d'entreprise, anciennement Siège de la Winterthur Assurance
Ce bâtiment a été édifié entre 1977 et 1978 par l'architecte genevois Jean-Marc Lamunière pour la compagnie Winterthur Assurance. Il forme une barre de dix étages en retrait de l'avenue Louis-Aubert et se distingue par une expression très marquée de la structure, jouant avec des éléments inhabituels comme les angles chanfreinés et les balcons en porte-à-faux aux étages supérieurs. Le bâtiment arbore une matérialité sobre et fonctionnelle ; les piliers en béton lavé se démarquent des pièces de serrurerie composant les balcons, bien que leur teinte similaire homogénéise la façade. Les allèges de fenêtres de teintes foncées s’intègrent discrètement à l’ensemble des élévations.
Proche de son état d’origine, l’immeuble n’a subi que très peu de transformations. De plus, le soin apporté à la composition architecturale et au choix des matériaux, typique du post-modernisme, font de cet édifice un élément digne d’intérêt.
Sources :
- Isabelle Charollais, Jean-Marc Lamunière et Michel Nemec, L'architecture à Genève 1919-1975, Office du patrimoine et des sites, Gollion: Infolio, Genève, 2015, fiche 194
- Recensement architectural du canton de Genève, 2022, fiche n° RAC-VGE-09134
Ancien comptoir bancaire et financier (actuelle union bancaire privée)
Bâti par François Maurice, en collaboration avec Louis Parmelin entre 1965 et 1967, l'immeuble est constitué de sept étages prévus pour abriter tous les services des deux propriétaires, des magasins au rez-de-chaussée et à l'entresol, ainsi que des bureaux destinés à la location.
La qualité de l'expression architecturale, sobre et contemporaine, des solutions constructives retenues (structures en profilés métalliques et façades-rideaux contreventées par un noyau en béton accueillant des circulations verticales et des gaines de service, plans des étages libres pour obtenir le maximum de flexibilité pour l'aménagement des espaces), ainsi que le choix et la mise en œuvre des matériaux (acier, verre et béton) sont cités dans une abondante littérature. Le bâtiment est reconnu comme un des meilleurs exemples genevois réalisé sous l'influence du Mouvement moderne et de l'architecture de Mies van der Rohe en particulier.
Sources :
- François Maurice, Jean-Pierre Dom, "Comptoir bancaire et Financier SA, Genf" in Werk/œuvre n° 8, 1973 ;
- Isabelle Charollais, Jean-Marc Lamunière et Michel Nemec, L'architecture à Genève 1919-1975, Office du patrimoine et des sites, Gollion: Infolio, 2015 ;
- François Maurice et Associés, FAS, cahier n° 1, 2003
- Patrimoine suisse Genève, XXe, un siècle d'architectures à Genève. Promenades, Gollion: Infolio, 2009 ;
- Bruno Marchand, François Maurice architecte, Gollion: Infolio, 2009.