Les pendules: témoins du temps qui passe

Ferdinand-Philippe Denoyelles, pendule portique "à obélisques", vers 1785-1800. Photothèque du Musée d'art et d'histoire (MAH)
Ferdinand-Philippe Denoyelles, pendule portique "à obélisques", vers 1785-1800. Photothèque du Musée d'art et d'histoire (MAH)
Soucieuse d’évoquer avec justesse un appartement du Siècle des Lumières, la comtesse Zoubov a placé sur chaque manteau de cheminée une horloge. Vous pouvez les admirer durant votre visite du musée de la Fondation Zoubov.

Les pendules, un ornement obligé des demeures aisées du XVIIIe siècle

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’horlogerie connaît d’importants développements, qui portent tant sur la miniaturisation que sur la précision des instruments de mesure.

Si les pendules de cheminée bénéficient de ces progrès, leur présence dans les demeures aisées relève cependant plus de la décoration et du marqueur social que de la nécessité de connaître l’heure. Aussi, un soin tout particulier est apporté à leurs ornements.

Parmi les pendules de cheminées collectionnées par la comtesse Zoubov, deux doivent tout particulièrement attirer l’attention des visiteurs.

 

L’alliance des goûts anglais et français

La première, d’une jolie harmonie de bleu et d’acajou, a été fabriquée à la toute fin du XVIIIe siècle. Deux obélisques encadrent un cadran suspendu, sur lequel se dresse une petite statuette de bronze dorée figurant la déesse antique Minerve. De petites plaquettes en porcelaine de Wedgwood offrent une variation de décor sur le thème de l’amour.

Le mouvement et le cadran sont caractéristiques de la production parisienne de l’époque de Louis XVI. Ils sont l’oeuvre de Ferdinand-Philippe Denoyelles, marchand-horloger. Si la forme du décor est inspirée des modèles français alors en vogue, la réalisation trahit une forte influence anglaise: l’usage de l’acajou et de perle en acier, ainsi que de médaillons en porcelaine de Wedgwood sont caractéristiques de la production britannique contemporaine.

L’objet résulte donc d'un assemblage d’éléments français (figurine de Minerve en bronze doré, mécanisme) et anglais (porcelaine, ornements en acier). Ce montage a probablement été réalisé par un marchand-mercier parisien spécialisé dans de tels mariages.

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Variations sur le thème de l'amour

La seconde pendule, un peu postérieure, date du Directoire ou de l’Empire. Il s’agit là d'une production exclusivement parisienne. Le décor, en bronze doré, figure de part et d’autre du cadran un Cupidon s’enfuyant et une femme éplorée. Le sujet est clair: il s’agit de la thématique de la virginité perdue, quoique les éléments traditionnels d’une telle évocation (la cruche cassée ou l’oiseau mort) ne figurent pas. Ils sont remplacés par l’agneau qui, emporté par l’amour, est ici le symbole la vertu perdue de la jeune femme. Il est difficile de déterminer l’identité de cette figure mélancolique: s’agirait-il de Psyché, comme le laisserait entendre la présence de plusieurs papillons dans le décor ?

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Le thème de la virginité perdue est fréquent dans l’art du XVIIIe siècle et on le retrouve tant dans la peinture que dans les arts décoratifs. Son adaptation à un objet tel qu’une horloge renforce encore la symbolique: comme le temps qui s’écoule, la perte de l’innocence est un acte irréversible.

Par leur originalité et leur rareté, ces deux horloges témoignent du goût sûr de la comtesse. Par leur thématique et leur facture, elles renforcent deux caractères forts de la collection: l’évocation de l’univers féminin et l’alliance des courants artistiques du XVIIIe siècle.