Salle U300
« Sauver la recherche pour sauver l’histoire ». Tel est l’appel lancé de la prison d’Evin en Iran par Fariba Adelkhah, anthropologue franco-iranienne et Docteure honoris causa de l’Université de Genève. Elle y est détenue depuis plus de trois ans comme prisonnière scientifique pour le seul « tort » d’avoir exercé son métier.
En écho à ces paroles, l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe est un exemple parmi d’autres de la façon dont l’histoire peut faire l’objet de réécritures et d’instrumentalisations politiques pour justifier des actions entreprises au nom de la « raison d’État » ou d’un « destin impérial ». Le travail de recherche consiste notamment à mettre en perspective de tels discours, décortiquer les sous-entendus historiques qu’ils véhiculent pour en montrer la vacuité ou l’éventuelle imposture. Or, cela ne peut se faire que sur la base d’une longue immersion dans les contextes et les terrains concernés et avec des échanges réguliers entre collègues.
Pourtant, dans le contexte actuel de recul démocratique généralisé, l’accès au terrain tend justement à devenir de plus en plus aléatoire selon les régions du monde, et le métier de chercheur et chercheuse, à risques. Des universitaires sont soumis à des pressions, des arrestations, voire à une répression de masse, comme en Turquie en 2016, où des milliers d'intellectuels et intellectuelles ont été menacé-es par la « justice » de leur pays. Parfois encore, le manque chronique de moyens, les coupes budgétaires et le sous-investissement massif dans le domaine de l’éducation et de la recherche rendent presque impossible l’exercice de ce métier en toute indépendance.
Enrichie des témoignages de la Dr. Çağla Aykaç, accueillie par l’Université de Genève après avoir été contrainte de quitter la Turquie, et de Roland Marchal, prisonnier scientifique en Iran pendant 8 mois, cette table ronde se propose de réfléchir et d’échanger sur les enjeux sociaux, politiques et individuels de la liberté académique et ce qu’elle représente pour l’exercice de la démocratie.
Intervenantes et intervenants :
- Korine Amacher, professeure à la Faculté des lettres, Université de Genève
- Çağla Aykaç, docteure, chercheuse associée à la Faculté des sciences de la société, Université de Genève
- Mounia Bennani-Chraïbi, professeure à l’Université de Lausanne
- Roland Marchal, chercheur, CERI-SciencesPo, Paris
- Modération : Didier Péclard, professeur à la Faculté des sciences de la société, Université de Genève