Refus de prendre les plaintes

MIPP - Organe de médiation indépendante entre la population et la police
MIPP - Organe de médiation indépendante entre la population et la police
Dans le cadre des ses interventions de médiation et des analyses réalisées chaque année, l'organe de Médiation indépendante entre la population et la police (MIPP) met chaque année en lumière une thématique spécifique. Nous vous présentons un article sur le refus d'enregistrer des plaintes.

Bien que la police soit tenue de prendre toutes les plaintes1, le refus de prendre une plainte a été évoqué à 7 reprises en 2021 comme motif de saisine du MIPP. Ce nombre reste dérisoire par rapport à la totalité des plaintes qui ont été enregistrées en 2021 (20'528 plaintes contre inconnu). Néanmoins, les doléances répertoriées au MIPP ne sont pas exhaustives et elles restent un échantillon qualitatif représentatif des enjeux des interactions. Dans 4 situations où il a été reproché un refus de prendre une plainte, la citoyenne ou le citoyen a pu rencontrer au MIPP le membre de la police directement impliqué. 
 

Points de vue

Ces plaintes mettent en évidence des préoccupations différentes du point de vue du membre de la police et de celui de la personne qui vient déposer plainte.

Du côté de la policière ou du policier, on observe le souci de ne pas engorger les tribunaux et la volonté d'essayer de régler le problème à leur niveau. Le membre de la police estime parfois que le problème est trivial ou que la plainte est abusive : « Vous croyez qu'on peut prendre une plainte contre la pluie qui tombe du ciel? » ou qu'il s'agit d'un problème qui relève du droit civil et que la plainte doit être adressée ailleurs. Il a également été rapporté par un membre de la police lors d'une médiation que prendre et investiguer une plainte est très chronophage. Ainsi, il a l'impression de faire un travail inutile quand une plainte n’a aucune chance d'aboutir. La policière ou le policier ne perçoit pas la personne qui vient se plaindre comme une victime mais comme le protagoniste d'un conflit.

De leur côté, les citoyennes et les citoyens veulent que leur plainte soit enregistrée et ne comprennent pas pourquoi cela n'a pas été fait ou si difficilement. De plus, elles et ils disent ne pas s'être sentis pris au sérieux. Une attitude paternaliste ou moraliste est parfois reprochée au membre de la police qui dit comment se comporter ou régler son problème. Les personnes qui viennent se plaindre ont l'impression que ce qu'elles ont vécu est minimisé. Elles ont besoin d'être considérées comme une potentielle victime par une personne représentant l'autorité. Par ailleurs et plus généralement, que ce soit lors du dépôt d'une plainte ou d'une audition, après une agression ou lors d'un accident de la route, le manque d'empathie est souvent évoqué.
 

Problématiques

A propos du refus de prendre des plaintes qui relèvent du droit civil, la police ne doit pas intervenir dans des conflits entre particuliers d'ordre plutôt contractuel que criminel. Ceux-ci doivent être déférés aux tribunaux compétents. Ainsi, un problème entre un logeur et son sous-locataire ou une personne mécontente d’un achat sur internet ne constitue en principe pas une infraction au droit pénal qui punit les infractions et fait l'objet de l'action de la police. Cependant, une personne en conflit ou qui rencontre un problème ira plus facilement au poste qu'auprès d'un conseil juridique, surtout s'il n'est pas fortuné. Cette distinction peut être difficile à comprendre pour une population non avertie. Et c’est même le cas pour la police puisqu'un conflit civil peut dégénérer en un conflit d’ordre pénal : le désaccord entraîne insultes, menaces ou violences s'il n'est pas rapidement réglé.

Il faut aussi constater que la perception de « la gravité » d’une situation par les policières et les policiers est altérée par le fait qu’elles et qu’ils sont exposés régulièrement à la violence, ce qui peut minimiser « la gravité » vécue par la plaignante ou le plaignant.

En conclusion, pour une personne en conflit, quel que soit le problème rencontré, celui-ci est toujours important. Si le membre de la police estime qu'il existe une meilleure solution que le dépôt de plainte, il peut l'expliquer clairement et sans ironie. Mais quoi qu'il en soit, étant tenu d'enregistrer toutes les plaintes déposées, il devra respecter la volonté de la personne qui souhaite se plaindre.

 


1- Art. 304 CPP, art. 9.3 Directive D4, ordre de service OS PRS.05.06