Pourquoi avoir répondu favorablement à notre demande d'interview ?
Ma posture, à partir du moment où cette réforme est inévitable, était de devenir acteur du changement. Votre invitation s’inscrit dans cette logique, je l’accepte avec plaisir. Cette réforme suscite de l'anxiété en moi à partir du moment où je lui résiste, alors parlons-en. Je tiens à préciser que je parle en mon nom uniquement.
Comment vous avez appréhendé l'arrivée de la réforme de la formation de commerce (OrFo23) ?
J'ai eu des échos un ou deux ans avant sa mise en place. Comme je pense que la compétence se joue indiscutablement sur le terrain, je souhaitais être partie prenante de l’ordonnance. J'ai donc intégré les groupes de travail. En pratique aujourd’hui, le manque d’information lié à la difficulté à percevoir Orfo23 sur un cursus complet me pose un défi.
OrFo23 a quitté les traditionnelles branches – Langues, Comptabilité, etc. - pour enseigner les domaines de compétences. Comment appréhendez-vous ce changement de paradigme ?
J'y prends un certain plaisir et, plus pédagogiquement parlant, je pense que l'enseignement par compétence permet de faire entrer davantage les patrimoines professionnels et sociaux dans les salles de classe. Du point de vue élèves, j'ai l'impression que cette réforme apporte une certaine valeur ajoutée à la matière commerciale.
Elle complexifie aussi la tâche pédagogique ?
Oui, la sortie de l'enseignement par discipline traditionnelle m’amène vers quelque chose de moins linéaire, avec davantage de numérique, de collaborations et d'interactions. Actuellement, je travaille en flux tendus, découvre une nouvelle posture pédagogique, de nouveaux contenus, le tout couplé avec un manque de vision à long terme. Ma "zone de confort" n'existe plus vraiment, elle reviendra sans aucun doute …
…ceci d'autant plus que certains programmes informatiques ont subi des problèmes de lancement, parfois en classe. Pas facile ! Comment l'avez-vous vécu ?
La mise en place d'un tel projet va de pair avec des soucis de jeunesse; bugs ou problèmes de plateformes. Nous vivons tout cela au quotidien. J’enseigne depuis une quinzaine d’années et j'ai appris ce métier avec la notion du plan B à mettre en place en cas de souci. Il me semble avoir acquis ce réflexe dans ma formation première, dans l'industrie, la réforme permet entre autre de me ramener à ce principe fondamental.
Et l'ordinateur en classe ?
Les élèves sont déjà ultra connectés. L'ajout d'un écran amène une impolitesse supplémentaire. Je tente de repérer l'anesthésie numérique et littéralement déconnecter l’élève quand l'exposition à l'écran devient défavorable à l’apprentissage. L'élève doit rester actif. Il vaut parfois mieux " faire rien " déconnecté, que "rien faire" connecté. J'alterne donc souvent les séquences orales et numériques.
Les difficultés à venir vont peut-être se nicher dans l'aide aux familles un peu perdues par la nouveauté, non ?
C'est plutôt rassurant de voir que certains parents s'inquiètent. L’école s’invite (à nouveau) à domicile. Pour moi, cette réforme est une opportunité de remettre l'école autour de la table familiale.
Quel est le principal enjeu de la réforme ?
Je pense que c'est moins le contenu de la réforme qui soit l'enjeu mais bien la manière de la rendre assimilable; à mon avis, le défi est ici. Mon expérience à l’ESIG me démontre que l’enseignement par domaine de compétences cherche activement à s’aligner avec le monde professionnel. De ce point de vue, Orfo23 offre un maillage cohérent avec les écoles supérieures pour une éventuelle poursuite de formation dans le tertiaire.
Lettre interne d'informations départementales -
article de l'édition du 10 Octobre 2023