Médiation et contrôle de la police

MIPP - Organe de médiation indépendante entre la population et la police
MIPP - Organe de médiation indépendante entre la population et la police
Dans le cadre des ses interventions de médiation et des analyses réalisées chaque année, l'organe de Médiation indépendante entre la population et la police (MIPP) met chaque année en lumière une thématique spécifique. Nous vous présentons un article sur la médiation et le contrôle de la police.

Durant les 60 dernières années, de plus en plus de gouvernements ont placé la surveillance des forces de l'ordre aux mains d'organisations hors de la police. Ils répondent ainsi à la demande d'avoir des outils de contrôle démocratiques impartiaux et garants d'une plus grande équité de traitement.

C'est entre autres ce que montre l'étude POLDEM menée par l'Université Science Po de Grenoble en 2021 qui compare 22 autorités indépendantes de contrôle de la police, principalement des pays de l'Union européenne et membres de l'Independant police complaints authorities' network (IPCAN), dont fait partie le MIPP (anciennement OMP), qui a également participé à cette étude.

Cette dernière compare les organisations sous l'angle de leur mission, de leur indépendance légale, des pouvoirs attribués, de la réactivité et de la transparence, des ressources en personnel, du nombre de plaintes reçues et des actions menées. Il ressort des résultats intermédiaires1 que les seuls points communs entre ces entités sont de traiter les plaintes des citoyennes et des citoyens contre les forces de l'ordre et de pouvoir faire des recommandations.

Deux éléments principaux ressortent des conclusions générales. D’une part, l'importance de la variation dans le volume des plaintes traitées n'est pas révélatrice du dysfonctionnement de la police, mais dépend plus des ressources à disposition et des moyens investis pour se faire connaître. D’autre part, plus l'instance est indépendante, moins elle est dotée en personnel. Les auteurs l'expliquent par le fait qu'un gouvernement est soumis à la tension entre garder le contrôle hiérarchique et répondre aux aspirations d'équité et d'impartialité du public. Créer un organe qui répond à tous les standards d'indépendance, mais faiblement doté en ressource pour accomplir ses missions est un compromis possible2.

Concernant plus spécifiquement le MIPP, son niveau légal d'indépendance est le plus bas, notamment parce qu'il est directement relié au ministre de tutelle de la police. C'est d'ailleurs le seul organisme qui doit rendre compte de son activité au gouvernement. Son pouvoir est aussi minime, car il ne peut notamment pas mener des enquêtes ou parce que ses décisions ne sont pas contraignantes. Il n'en est pas pour autant fortement doté en personnel, puisqu'il se situe en dessous de la moyenne avec moins de 1 personne à plein temps (ETP) pour 1000 membres de la police (la police cantonale compte 2'093 ETP et les polices municipales plus de 300). L'étude met en évidence qu'il y a une corrélation entre la dotation en personnel et le nombre d'interventions publiques. Le MIPP n'en fait quasiment pas. Le MIPP est, en revanche, bien positionné concernant la réactivité et la transparence, ainsi que le nombre de plaintes traitées. Le MIPP est aussi bien représenté pour ce qui est des recommandations faites et des rencontres avec les membres de la police. Seules 8 des organisations comparées peuvent faire des médiations, le MIPP se situe à la quatrième place derrière le Québec, l'Irlande du Nord et l'Ombudsman de la région Schleswig-Holstein en Allemagne.

On peut conclure, que le nombre de plaintes traitées par le MIPP n'est pas représentatif de la totalité des personnes mécontentes, ni révélateur de l'importance des conflits entre police et société civile. Une augmentation du personnel peut favoriser une hausse du nombre de communications et entraîner une augmentation des demandes.

L'étude et les échanges tenus lors du séminaire de l'IPCAN14 en décembre 2021 montrent, qu'outre les ressources financières, avoir la confiance de l'institution policière et avoir des échanges réguliers peut faciliter la collaboration et l'accès aux informations, ce qui est aussi important que l'indépendance.

Le MIPP ne représente pas ni ne dispose d'un mécanisme indépendant d'enquête chargé de dénoncer les abus tels que le demandent différentes organisations internationales et organisations de la société civile à la Suisse depuis plusieurs années. Il reste néanmoins aujourd'hui en Suisse le seul organe expressément dédié à la problématique qui reçoit directement les doléances, porte un regard extérieur sur l'institution de la police, échange avec sa direction et peut lui faire des recommandations. Comme l'illustre un article paru dans le journal alémanique en ligne republik.ch, l'intérêt du MIPP pour les situations de faible gravité est aujourd'hui reconnu, notamment parce qu'il permet de répondre rapidement aux personnes lésées, de simplifier les démarches, qu'il favorise la compréhension à long terme et donne des indications à la police sur les problématiques récurrentes dont se plaignent les citoyennes et les citoyens.

De même que le MIPP ne peut se substituer à un organe de contrôle indépendant avec un pouvoir d'enquête, de même, s'il était créé, celui-ci ne pourrait remplacer le travail de médiation, son action préventive, responsabilisante et réparatrice. La justice punitive et la médiation doivent ainsi être conçues comme complémentaires et non exclusives l’une de l’autre.

 


1- Roché, S., Varaine S et Castagné N., POLDEM progress report, fitst results, Laboratoire Pacte, Sciences Po Grenoble, Défenseure des Droits, March 7 2022, p. 58.
2- Rapport POLDEM, p. 44.
3- 7e séminaire de l'IPCAN, Les mécanismes externes et indépendants de contrôle des forces de police : fonctionnement, interactions et efficacité, 3 décembre 2021, Paris.