Visant à stabiliser les coûts de la santé, le projet relatif à la modification de la LAMal "Financement moniste des prestations de soins" (EFAS en bref), tient un rôle particulier : les caisses-maladie et les cantons doivent financer les traitements de manière uniforme, que ceux-ci soient effectués en ambulatoire ou avec hospitalisation. C’est censé encourager le passage du secteur hospitalier au secteur ambulatoire et freiner ainsi la hausse des coûts. La position de la Conférence des directeurs de la santé à l’égard de EFAS est claire. Heidi Hanselmann, présidente de la CDS, affirme : "Nous soutenons EFAS à condition que les soins y soient inclus et d’autres exigences, remplies. L’efficacité et l’efficience des prestations de santé LAMal ne peuvent être accrues que si elles sont financées de façon uniforme tout au long de la chaîne des prestations de soins. Cela permet de réduire les fausses incitations générées par des règles de financement hétérogènes et d’ouvrir la voie à de véritables soins intégrés." La commission de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a jusqu’ici exclu l’intégration des soins au projet EFAS en argumentant qu’il manque les données de base relatives aux conséquences sur les coûts. Aujourd’hui, l’étude complète réalisée par l’institut de recherche INFRAS infirme cette réserve.
L’étude appuie les cantons – les soins sont à intégrer à EFAS
Selon l’étude, l’intégration des coûts des soins LAMal à EFAS a pour conséquence que le financement de la future croissance des coûts serait réparti plus équitablement entre les cantons et les assureurs. De 2016 à 2030, les contributions financières des cantons et des assureurs augmenteraient respectivement de 49 % et de 40% avec EFAS sans les soins alors qu’avec EFAS soins compris, la progression se situerait à +42% pour les cantons aussi bien que pour les assureurs.
Les résultats de l’étude permettent de tirer les conclusions suivantes. Premièrement : l’étude étaye l’intégration des soins à EFAS en tant que mesure réalisable et judicieuse. Deuxièmement : EFAS soins compris conduit à une répartition uniforme et équitable de la charge des coûts accrus entre les cantons et les assureurs-maladie, soit entre les contribuables et les assurés. Et troisièmement : la mise en place d’échéances obligatoires pour l’introduction de EFAS soins compris dans le projet motive et oblige les fournisseurs de prestations et la collectivité à poursuivre l’amélioration de la transparence des coûts. Lukas Engelberger, vice-président de la CDS, souligne : "Intégrer les soins à EFAS en tant qu’incitation du système représente de loin la meilleure solution, la plus équitable et la seule politiquement viable. L’intégration des soins s’impose car au bout du compte, EFAS ne saurait être décidé et mis en oeuvre qu’avec les cantons et non contre eux."
Cantons unanimes : une proposition non contraignante au Conseil fédéral ne fait pas l’affaire
Malgré la position sans équivoque des cantons, les soins n’ont toujours pas été intégrés de manière obligatoire à EFAS. Selon le projet soumis par la CSSS-N (art. 79a II), le Conseil fédéral pourra proposer l’intégration des prestations de soins LAMal à EFAS dès que les bases nécessaires sont élaborées. Pour la CDS, cette disposition fait figure de tactique dilatoire et est d’autant plus inacceptable à l’heure actuelle que les données sur les conséquences des coûts sont disponibles. Le projet EFAS revêt une importance primordiale dans la relation entre la Confédération et les cantons. En conséquence, c’est au Conseil fédéral de se prononcer, sans tarder et sans ambages, en faveur de l’intégration des soins au projet EFAS. En effet, la CDS estime que le projet est à rejeter dans sa forme actuelle.
EFAS sans les soins amènera les cantons à demander le référendum
La CDS ne prêtera la main à un financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires de l’assurance-maladie (EFAS) qu’à condition que les prestations de soins prodiguées dans les EMS et par les organisations de soins à domicile y soient incluses et que soient remplies d’autres conditions importantes : les cantons exigent en particulier des instruments de pilotage pertinents pour le secteur ambulatoire (projet sur l’admission), une participation à part entière aux tarifs ambulatoires ainsi que des possibilités de contrôle de la facturation. Il s’agit là de demandes fondamentales des cantons que la CDS a déjà communiquées à plusieurs reprises et dont la commission de la santé publique du Conseil national n’a pas tenu compte dans son projet.
L’entrée en vigueur des dispositions légales sur le financement uniforme des prestations de soins pourra s’échelonner sur trois ans au maximum après l’entrée en vigueur du reste du projet. "C’est ce qu’il convient de stipuler dans les dispositions transitoires de la LAMal", affirme Mauro Poggia, conseiller d’État du canton de Genève et membre du Comité directeur de la CDS : "Dans le cas contraire ou si la question est repoussée indéfiniment selon le projet de la CSSS-N, les cantons ne donneront pas leur aval au projet. Pour finir, on risquerait un échec politique. Le Conseil fédéral est appelé à clarifier la situation et la commission de la santé publique, à procéder aux modifications nécessaires." La position des cantons à ce sujet est consolidée. L’Assemblée plénière de la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC) s’est alignée à l’unanimité sur la position de la CDS à fin juin 2019. Dans sa prise de position, la CdC retient explicitement que les cantons envisageraient de lancer un référendum si le parlement devait adhérer à la variante actuelle.