Une enquête inédite révèle l’ampleur des violences de genre à Genève

L’enquête Iceberg montre la face cachée des violences de genre et leur impact sur la santé et la vie sociale des victimes. Conduite par le bureau de promotion de l’égalité et de prévention des violences (BPEV), elle a été réalisée auprès d’un échantillon représentatif de la population genevoise. Résultat: 36% des femmes affirment avoir subi des violences sexistes et sexuelles sur le lieu de travail et 77% dans l'espace public. Les personnes LGB (lesbiennes, gays, bi) sont 44 % à avoir subi des violences de genre au travail et 85% dans l’espace public.

Réalisée par le bureau de promotion de l’égalité et de prévention des violences (BPEV), l’enquête Iceberg permet, pour la première fois en Suisse, de mesurer l’étendue des violences sexistes, sexuelles, LGBTIQ+phobes et domestiques et leurs conséquences à l’échelle d’une population adulte entière. Avec un taux de participation de 42,7% (4291 personnes), elle offre un état des lieux sans précédent de la réalité vécue par les personnes habitant le canton de Genève. 

Des normes propices aux violences 

Les violences de genre trouvent en grande partie leur origine dans des normes sociales qui justifient ou banalisent la violence. Les jeunes hommes se distinguent particulièrement par leur adhésion plus marquée à certaines normes liées à la domination masculine dans le couple ainsi que les violences éducatives. Parmi les 18-24 ans, seulement 37,3% rejettent totalement l’idée que "l’homme a naturellement plus d’autorité dans le couple", contre 69,6% des femmes du même âge. En comparaison, plus de 55% rejettent cette idée dans toutes les autres catégories d’âge masculines. 

Violences massivement genrées

Les résultats mettent en lumière des violences massivement genrées, touchant principalement les femmes et les personnes LGB (lesbiennes, gays, bi):

Enquête Iceberg sur les violences de genre à Genève
Enquête Iceberg sur les violences de genre à Genève

Surexposition des femmes, avec de lourdes conséquences

  • Dans le cadre professionnel, une femme sur dix à Genève a déjà quitté son emploi à la suite de violences de genre. Les femmes travaillant dans des environnements majoritairement masculins sont particulièrement exposées: lorsque 80% de leurs collègues sont des hommes, 29% des femmes déclarent avoir subi des violences, contre 12% lorsque 80% de leurs collègues sont des femmes.
  • Les espaces privés (tels que chez des amis ou chez soi, mais ne relevant pas de la sphère conjugale ou familiale) sont des contextes encore peu étudiés, mais où les violences de genre sont très fréquentes. Ces lieux sont aussi ceux où se produisent le plus de violences sexuelles et les violences ayant les impacts les plus lourds sur la santé des victimes. Une femme sur 5 (19,5%) à Genève a vécu des violences dans un espace privé avec des répercussions sur sa santé mentale, contre un homme sur 15 (6,7%). Les auteurs sont majoritairement des hommes connus des victimes.
  • L’espace public est le lieu où les femmes subissent le plus de violences sexistes et sexuelles. Les jeunes femmes y sont particulièrement exposées: parmi les 18-24 ans, plus de trois quarts ont vécu des violences dans l’espace public au cours des 12 derniers mois. Les espaces publics ouverts, les transports en commun et les lieux festifs sont les principaux lieux dans lesquels surviennent ces violences. Une femme sur trois indique avoir modifié son comportement dans l’espace public à la suite de ces violences. Dans 85% des cas, les auteurs sont des hommes inconnus des victimes.
  • Les violences domestiques graves touchent davantage les femmes que les hommes. Les différences entre hommes et femmes s’accentuent avec la gravité des violences. Une femme sur quatre (24,8%) et un homme sur huit (11,5%) ont souffert de troubles psychologiques à la suite de violences en couple. Par ailleurs, 16,6% des femmes et 8,6% des hommes rapportent des atteintes graves à leur santé mentale (dépression, anxiété, crises de panique, pensées suicidaires). Plus d’une femme sur dix (11,3%) déclare avoir été violée par un partenaire ou ex-partenaire. Les viols sont plus fréquents dans la sphère du couple qu’en dehors.
  • Le stalking (harcèlement obsessionnel) est une forme de violence fréquente, à la frontière entre les violences en couple et hors du couple. Au total, 28,6% des habitantes et habitants du canton déclarent avoir déjà subi au moins une forme de stalking. Parmi les 25-30 ans, 56% des femmes et 30,3% des hommes en ont été victimes. L’intégration du stalking comme infraction dans le Code pénal permettra une meilleure prise en compte de cette problématique.

Personnes LGB (lesbiennes, gays, bi) encore plus exposées

  • Au travail, les personne LGB sont 2,4 fois plus exposées (44,3%) aux violences de genre que les hommes.
  • Dans le cadre de la formation, les personnes LGB sont significativement plus exposées (47%) aux violences que les femmes et les hommes.
  • Les cyberviolences touchent fortement les personnes LGB (54,4%), en particulier les 25 à 30 ans.
  • Les personnes LGB ont 3,6 fois plus de probabilité (56,7%) que les hommes d’avoir déjà vécu des violences de genre dans un espace privé.
  • Les violences de genre dans l'espace public touchent encore plus les personnes LGB (84,6 %).

Le non-recours reste la norme

Malgré la gravité des violences, la majorité des victimes ne sollicitent aucune aide. Seules une minorité se tournent vers des dispositifs institutionnels ou associatifs. Le premier recours reste l’entourage et lorsque les victimes sollicitent une aide externe, elles se tournent principalement vers les professionnels de la santé.

L’Etat renforce la lutte contre les violences domestiques

Les résultats de cette enquête révèlent l’ampleur de ces violences, ainsi que la nécessité de renforcer les dispositifs de prévention, de soutien et de prise en charge. Face à ces constats, l’Etat de Genève affirme sa volonté de poursuivre et intensifier ses actions: prévention, sensibilisation, amélioration de la prise en charge, lutte contre le non-recours et soutien aux personnes les plus exposées. Par ailleurs, un rapport spécifique sur les violences LGBTIQ+phobes sera publié à l’automne 2025. 

Méthodologie

L’enquête Iceberg a été réalisée à partir d’un échantillon représentatif de la population adulte du canton de Genève. Sur 10 000 personnes sollicitées, 4291 y ont participé, ce qui représente un taux de réponse de 42,7%. L’échantillon est composé de 2248 femmes, 1996 hommes et 181 personnes s’identifiant comme lesbienne, gay, bisexuelle ou non binaire (LGB). L’enquête repose sur une approche rigoureuse, fondée sur des connaissances scientifiques et sur un pool d’expertise interdisciplinaire.

 

Pour toute information complémentaire aux médias: Mme Tatiana Oddo Clerc ou M. Dejan Nikolic, secrétaires généraux adjoints chargés de communication, DF, T. 022 327 98 21 ou 022 327 98 07.

Mme Emilie Flamand, directrice du bureau de promotion de l'égalité et de prévention des violences (BPEV), DF, T. 022 388 74 58.