Dans l'aile Salève du cycle d'orientation de Budé, le deuxième étage, dont les sols et les murs sont entièrement bleus, s'empile sur un premier étage vert pomme. Comme on les regarde du bas de l'escalier qui les traverse depuis le rez-de-chaussée, peint en jaune pétant, on a l'impression de regarder l'une de ces assiettes dressées par un chef étoilé qui aurait parsemé son plat du jour de pétales de fleurs exotiques. La métaphore est de bon aloi, car c'est précisément au deuxième étage, à la dernière couche de ce feuilleté, que se trouvent les salles dédiées aux cours d'éducation nutritionnelle.
Théorie et pratique
Cet enseignement fait partie intégrante du programme de la classe de neuvième du cycle d'orientation. Par demi-groupe d'une douzaine d'élèves, les classes y suivent ainsi des cours alliant théorie et pratique durant un semestre, pendant que l'autre moitié de la classe suit des cours d'activités créatrices et manuelles (ACM). Au tableau et derrière les pupitres, on introduit d'un bout à l'autre de l'année des notions de nutriments, de groupes d'aliments, d'équilibre alimentaire voire de corrélation entre nourriture et santé.
A la carte
"Chaque enseignant dispose d'une marge de manœuvre importante dans le choix des recettes, tout en devant respecter les objectifs énoncés dans le plan d'études romand (PER)", explique Lionel Duboule, que nous rencontrons dans sa classe. Lorsqu'il ne tient pas un stylo, l'enseignant se saisit d'un ustensile de cuisine pour embarquer ses élèves dans l'élaboration de recettes plus ou moins élaborées. Ici, pas de matières premières interdites : il n'est point de dogme alimentaire hors quelques rappels de bon sens sur le rapport entre les besoins et la manière d'y répondre. Une attention est toutefois apportée à ce que les produits frais soient systématiquement de saison et dans toute la mesure du possible issus d'une production locale : la cuisine constitue une porte d'entrée sur d'autres thématiques comme la botanique, l'économie, l'environnement. Le sociétal et le culturel, aussi, à certaines occasions : "J'ai parfois à faire à des garçons qui ont tenté de m'expliquer que chez eux, la cuisine était l'affaire des "darones"… Ma mission consiste à les convaincre que les tâches domestiques n'ont pas de genre, qu'ils ont quelque chose à gagner en devenant autonomes dans ce domaine et qu'ils pourraient avoir du plaisir à mitonner des petits plats. Accessoirement, je leur rappelle que c'est une matière obligatoire… sur laquelle ils vont être évalués !", lâche Lionel Duboule dans un sourire.
Sur les plans de travail équipés d'un évier, de plaques de cuisson et d'un four, les binômes d'élèves s'initient aux gestes de base de la cuisine. Les gestes de pure technique, d'abord : savoir allumer (et éteindre !) les appareils de cuisine, ou encore différencier les poêles des casseroles. Et les gestes plus "métier" du petit cuisinier amateur, avec quelques compétences en développement pour cuire des pâtes, du riz, des légumes, faire une pâte levée, lier une sauce Béchamel, faire un gratin, faire griller, sauter ou braiser un bout de viande, pourquoi pas du poisson.
Cursus exigeant
Après avoir lui-même été élève au cycle, puis au collège, Lionel Duboule a suivi une filière nutrition et diététique au sein de la haute école de santé (HEDS) de Genève. Après un Bachelor, il a intégré l'institut universitaire de formations des enseignant-es (IUFE). Il s'apprête à faire sa quatorzième rentrée et conserve le même enthousiasme pour cette matière très peu connue du grand public et qu'il se réjouit de faire connaître et de partager : "Même parmi le corps enseignant, il y a sans doute des personnes qui connaissent mal cette matière et ne savent pas exactement ce que nous enseignons et comment", constate-t-il.
Maîtrise budgétaire
Pour mener son programme annuel à son terme, l'enseignant dispose d'une enveloppe budgétaire. Elle l'oblige à rester proche d'une somme de CHF 3.- par élève et par cours. Une somme à garder en tête quand il va faire ses courses, puisque cette responsabilité lui incombe. Garçons et filles repartent avec leur production, à déguster pendant la récréation, à la pause ou à ramener à la maison. Dans certains cycles, d'autres enseignants en éducation nutritionnelle organisent des concours "top chef" dans le cadre de cours facultatifs. Pour sa part, Lionel Duboule conçoit davantage ces cours pour les élèves de 10ème et de 11ème volontaires et désireux de continuer à apprendre à cuisiner tout au long de deux périodes consacrées exclusivement à de la pratique et à mettre un peu plus les petits plats dans les grands!
Lettre interne d'informations départementales -
article de l'édition du 12 septembre 2023