Discrimination raciale et profilage ethnique

MIPP - Organe de médiation indépendante entre la population et la police
MIPP - Organe de médiation indépendante entre la population et la police
Dans le cadre des ses interventions de médiation et des analyses réalisées chaque année, l'organe de Médiation indépendante entre la population et la police (MIPP) met chaque année en lumière une thématique spécifique. Nous vous présentons l'article "Discrimination et profilage ethnique" tiré du rapport d'activité 2020.

Les saisines pour discrimination

L’été 2020 a été marqué par les manifestions réunissant des milliers de personnes en Suisse et dans le monde pour dénoncer la discrimination raciale et la brutalité policière suite à la mort de l’Afro-Américain Georges Floyd, étouffé sous le genou d’un policier fin mai. Dans la foulée, une motion (M 2686) a été déposée au Grand Conseil de Genève en automne afin de prévenir le profilage ethnique par la police genevoise.

Dans ce contexte, le MIPP (anciennement OMP) a été témoin du désarroi de certains membres de la police qui ne savaient plus comment exercer leur travail.

Quand on aborde des sujets tels que le racisme et la discrimination raciale, le premier enjeu est de s’entendre sur les notions utilisées. Le Service de lutte contre le racisme (SLR) de la Confédération définit la discrimination raciale, comme « tout acte ou pratique qui, au nom d’une particularité physique, de l’appartenance ethnique ou religieuse ou encore d’une caractéristique culturelle, discrimine une personne de manière injustifiée, l’humilie, la menace ou met en danger sa vie ou son intégrité corporelle. » 

En 2020, presque un quart des personnes qui ont sollicité le MIPP (19) ont exprimé le sentiment d'avoir été discriminées sur la base de leur l'origine - identifiée par l'apparence physique (la couleur de la peau plus particulièrement) ou sur le statut légal (requérant d'asile). En plus des 8 situations orientées par le Centre Écoute contre le racisme (C-ECR), 4 personnes ont mentionné le sentiment d'avoir été discriminées sur la base de leur origine comme premier motif de leur doléance, et 7 comme une hypothèse secondaire pour expliquer les événements.

Outre l’origine, qui est la raison la plus souvent évoquée comme cause de discrimination dans les situations reçues à l'OMP en 2020, une personne a déclaré avoir eu l'impression d'avoir été discriminée en raison de sa situation de handicap, et une autre a fait mention d'une discrimination multiple (orientation sexuelle et origine ethnique). D'autres personnes se sont demandées si le comportement de l'agent ou de l'agente, qu'elles ne comprenaient pas, pouvait s’expliquer par le fait qu'elle était une femme, qu'il était un motard, ou qu’il était français.

Le MIPP a pu constater dans plusieurs situations qu'une interaction avec un membre de la police pouvait raviver des situations de discriminations antérieures vécues dans un autre contexte, privé ou professionnel.

Dans l’un des cas, le sentiment de discrimination s'appuyait sur des propos qui n'ont pas pu être avérés. Dans environ la moitié des dossiers, la suspicion de discrimination ou de racisme a pu être levée par des explications concernant l'intervention.

Un autre élément important lorsqu'on traite des questions de discrimination et de racisme est de distinguer le sentiment de la victime de l'intention de l'auteur, car comme le précise le SLR :

« Contrairement au racisme, la discrimination raciale ne repose pas forcément sur des présupposés idéologiques. Par ailleurs, elle peut être intentionnelle, mais il arrive aussi souvent qu’elle ne soit pas délibérée (…) ». Ainsi, en ce qui concerne la police, il faut distinguer ce qui relève de l'expression d'une idéologie personnelle dans l'exercice professionnel, d'un biais cognitif qui peut être dû au stress, à des expériences antérieures ou encore de la mission que le collaborateur ou la collaboratrice doit appliquer et qui relève d'une décision institutionnelle ou politique.

Les dossiers dans lesquels il est fait mention d'un sentiment d'avoir été victime de discrimination raciale s'inscrivent dans la catégorie plus large des motifs de saisine « traitement inéquitable/injustice » invoqués dans 40% des demandes. Des personnes qui ne sont pas « racialisées », comme on le dit parfois, ont le sentiment d'avoir été traitées injustement par la police. C'est une problématique récurrente dans les conflits entre police et population, citée en deuxième place après l'attitude de l'agent. Cela met en évidence qu'au- delà de la question du racisme et de la discrimination, il faut aussi prendre en compte une dimension qui relève du travail même de la police, de son pouvoir discrétionnaire et de l'exercice de son autorité.
 

Peut-on conclure à un profilage ethnique ?

Le profilage racial, ethnique ou « contrôle au faciès » consiste pour un∙ agent ou une agente de police à contrôler un individu en se fondant sur des critères tels que la couleur de peau ou l’appartenance ethnique supposée, sans disposer de motifs objectifs comme le comportement de l’individu ou des résultats d’enquêtes concrets.6]

Le contrôle d’identité est en général mentionné comme l’activité la plus exposée au risque de profilage. Dans les 19 cas reçus au MIPP en 2020 où les personnes s’étaient senties victimes de discrimination sur la base de leur origine, 8 concernent des contrôles. Dans 3 de ces cas, nous n'avons pas d'éléments sur le contexte du contrôle, car les personnes n'ont pas souhaité aller plus loin dans la démarche de médiation. Dans les autres cas, le contrôle était couplé à une infraction, une dénonciation ou une recherche de personne. Il ne nous est donc pas possible, avec les informations à notre disposition, de conclure à un éventuel profilage ethnique.

Comme le disent les dépositaires de la motion précitée visant à prévenir le profilage racial, il est très difficile de prouver juridiquement le profilage, la discrimination ou le racisme.

La médiation a l'avantage d'offrir un moyen pour réparer, ou pour le moins atténuer, le sentiment d'humiliation, d'exclusion, de ressentiment et de méfiance, même s'ils ne sont pas corroborés par des faits ou provoqués par des intentions malveillantes.

Une démarche de prévention et de sensibilisation reste néanmoins importante et souhaitable. Nous espérons qu’une analyse fine du petit échantillon que représentent les cas concrets traités par le MIPP pourra être utile pour la formation des policiers et policières.