Discours d'ouverture d'AWG au Global Forum – 17 novembre 2014 - 10 minutes de parole (traduit de l'anglais)

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17 novembre 2014

Mesdames et Messieurs,

Au nom du Gouvernement du canton de Genève, je suis très heureuse de vous souhaiter la bienvenue pour cette nouvelle édition du Global Forum. Cette année, le canton de Genève est non seulement un participant comme à l'accoutumée, mais aussi un partenaire. Nous avons œuvré main dans la main, la chancellerie et les organisateurs, pour vous offrir les meilleurs sujets et intervenants sur la thématique de l'avenir numérique.

Le Global Forum a été créé il y a 22 ans et se définit comme un think-tank "indépendant, international et neutre" sur les questions de l'avenir numérique. "Indépendant, international et neutre" sont des qualités souvent reconnues à Genève et à la Suisse en général. C'est la raison pour laquelle il est tout à fait logique qu'une édition du Global Forum se tienne enfin ici.

Lorsque je vois le nombre de participants et le nombre de sponsors ici devant moi, j'avoue ne pas être surprise au regard de la qualité du programme et des sujets sélectionnés.

"A connected age: opportunities and disruption in a time of transformation" (Une ère connectée: opportunités et perturbations au temps du changement) est le titre de l'édition du Global Forum de cette année. Ayant moi-même étudié les sciences politiques, des concepts tels que "opportunités, perturbation et transformation" sont des notions qui ont toujours alimenté ma curiosité. Aujourd'hui, en tant que représentante officielle d'un gouvernement, les problématiques du changement et de l'innovation sont au cœur de mes activités et de mes préoccupations.

S'il ne fait aucun doute pour moi que la technologie joue un rôle moteur, son impact sur la politique et les administrations publiques n'est pas aussi simple et direct que ce qu'il peut être dans le secteur privé.

Ne craignez rien, je ne vais pas faire ici la liste des différences entre secteur privé et secteur public, leurs aptitudes ou incapacités respectives à s'adapter aux nouvelles technologies: la littérature est pleine d'analyses approfondies sur cette thématique particulière. Mais, en tant que première oratrice de ce forum, je saisis l'opportunité de relever modestement quelques pistes de réflexion qui pourraient alimenter les discussions dans les diverses sessions du forum.

Voici ma question: "Et si la technologie n'avait aucune importance? Et si nous nous trompions en supposant que l'innovation technologique est le moteur du changement social et politique?"

On considère souvent que les autorités politiques se doivent de comprendre les modèles innovants, tout comme les nouveaux mécanismes, qui découlent des changements technologiques qui impactent significativement nos sociétés et le secteur public en particulier. Il est vrai que l'Etat est sans cesse confronté aux défis que posent ces innovations et leur développement accéléré. Il doit rapidement s'adapter à ce nouvel environnement.

Mais on peut aussi se poser la question de savoir si cette obsession d'adaptation et d'implémentation des nouveaux outils numériques, regroupés sous le terme de "e-gouvernement", ne nous cache pas le sens profond du changement.

Je vois des sourcils se lever: "Où veut-elle en venir? Que veut-elle dire?"

Ce que je veux dire est simple. En politique, l'Etat a réellement besoin de l'innovation technologique. C'est habituellement ce dont il s'agit lorsqu'on évoque le "e-gouvernement" ou "e-administration". Le secteur public doit développer de nouvelles plateformes digitales et de nouveaux outils pour interagir avec les citoyens. Cela va sans dire. Mais la technologie n'est pas une fin en soi. Ce n'est pas une FIN. C'est en réalité un commencement.

Une des sessions du forum s'intitule "21st century challenges – The situation of the digital Citizen Now" (Les défis du 21ème siècle – la situation du citoyen numérique aujourd'hui).

Je suis persuadée que les discussions durant les sessions tourneront autour des pratiques que le secteur public doit mettre en œuvre pour répondre aux besoins des citoyens connectés, ou encore de quelle manière l'Etat devrait s'organiser structurellement pour parvenir à une plus grande flexibilité et une meilleure réactivité. Ce sont là des questions légitimes.

Le canton de Genève s'est déjà engagé dans ces nouvelles dynamiques. Nous venons, par exemple, dans une logique d'Open data, de mettre à disposition du public une grande partie des données de notre système d'information géographique, système qui est l'un des plus sophistiqués au monde. Ce type de démarche vise à renverser le modèle habituel et à octroyer l'accès, tant aux particuliers qu'aux entreprises, à des données qui nous étaient jusqu'alors réservées. Ceci participe de la volonté de valoriser ces données d'une part, mais aussi de favoriser significativement l'autonomisation des individus et la transparence de l'Etat.

Une des tâches de la chancellerie d'Etat consiste en l'organisation des élections et la gestion du processus électoral en général.

Comme vous le savez, les citoyens de notre pays sont appelés aux urnes tous les trois mois pour s'exprimer sur des sujets très divers. Le défi pour les autorités est d'offrir les options les plus adéquates pour permettre au peuple de participer au vote dans les meilleures conditions. C'est dans cet esprit que le canton de Genève a décidé, il y a déjà plus de 10 ans, de se pencher sur les nouvelles technologies et de développer son propre système de vote électronique. Ce système, qui a tout récemment évolué en y intégrant des mesures de sécurité additionnelles, était supposé dès le départ accroître le taux de participation aux scrutins. Or, force est de constater que, malgré le succès de notre système de vote électronique auprès des citoyens et citoyennes, le taux de participation ne s'est pas accru de façon significative. En fait, les individus qui votaient traditionnellement par le canal postal ont simplement basculé sur le canal électronique. Et nous pensions également favoriser la participation des jeunes générations (dont le taux de participation est traditionnellement inférieur aux autres catégories de votants); or ceci ne s'est pas produit non plus.

Ne vous méprenez pas! Le système de vote électronique genevois est une brillante innovation, en avance sur bien des systèmes développés par des entreprises privées. (Et vous n'êtes pas sans savoir que, de nos jours, les gouvernements cherchent à dépendre de moins en moins des entreprises privées étrangères). Ce système de vote électronique est l'illustration que le secteur public est capable d'innovation et de flexibilité. Cependant, alors même que nous poursuivons activement le développement de cette plateforme, nous devons reconnaître que ce système n'a pas modifié la relation entre le citoyen et l'Etat, et en particulier, qu'il n'a pas permis d'accroître le taux de participation.

Cette conclusion m'amène à penser que la technologie à elle seule n'est pas la solution et que si nous désirons avoir un véritable impact sur les individus, nous devons faire davantage qu'implémenter de nouveaux outils technologiques. La technologie seule n'est pas suffisante pour induire le changement.

Dans cette perspective, j'ai lancé, l'année dernière, un concours de films vidéo pour encourager les jeunes votants à participer au processus de décision politique. La seconde édition de ce concours, qui s'intitule CinéCivic, s'est achevée au mois d'octobre dernier, avec la remise des prix à trois films sur les 23 que nous avons reçus cette année. L'objectif de ce concours est de donner la parole aux jeunes pour qu'ils parlent aux jeunes, en s'exprimant avec leurs propres codes et leurs propres langages; ceci dans le but d'encourager les jeunes à aller voter.

Pour ce concours, nous avons utilisé presque exclusivement internet comme moyen de communication et fait un usage intensif des médias sociaux tels que Facebook et Twitter. Le résultat s'est avéré très positif puisque nous avons reçu, pour les deux éditions, plus de 45 minifilms, la plupart extrêmement bien réalisés et très créatifs. En plus des films, nous avons engagé un débat interactif et des discussions avec les jeunes sur la politique et la démocratie; ceci afin de mieux entendre et appréhender leurs besoins et leurs suggestions. De fait, étant donné que moins d'un jeune sur trois vote et que la catégorie des personnes qui votent le plus est celle des 70 – 75 ans, il est impossible pour une région telle que Genève de se passer de la jeune génération pour résoudre avec créativité les problèmes de demain. Imaginez une entreprise privée qui tenterait de d'inventer de nouveaux produits en se basant sur des sondages effectuées uniquement sur ses clients âgés.

Je ne suis pas encore en mesure de déterminer si ce succès aura un impact probant sur la participation des jeunes au processus électoral. Néanmoins, ce que j'ai déjà appris de cette expérience, c'est qu'il est essentiel de remettre en question nos moyens de communication pour s'adresser aux citoyens, et d'avoir avec eux un véritable échange. Dans cette perspective, la technologie est bien un moyen et pas une fin en soi. L'Etat peut avoir les meilleurs outils de communication digitale, s'il est incapable de s'adapter dans sa relation avec le citoyen, il se retrouvera avec de beaux outils (tels qu'un beau site web ou une application pour smartphone innovante), mais il aura failli dans sa mission première.

C'est dans ce sens que la technologie n'a finalement que très peu d'importance. A peine!

Au nom du Gouvernement de la République et canton de Genève, je voudrais vous remercier à nouveau d'avoir choisi la Suisse et Genève pour cette édition du Global Forum.

Je vous souhaite de prendre beaucoup de plaisir aux sessions et discussions et bien sûr de profiter de votre séjour dans notre magnifique cité.

Je vous remercie de votre attention.

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Date de publication
17 novembre 2014