Accueil des réfugiés: mieux se connaître pour mieux se comprendre

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Date de publication
3 mai 2023
L'intégration des élèves ukrainiens dans les écoles genevoises se passe plutôt bien. Liliya Cuocolo, une des référentes linguistiques ukrainiennes qui interviennent sur demande à l'école primaire, nous aide à décrypter les différences culturelles et systémiques qui peuvent créer de l'incompréhension. 

Les efforts dispensés par la Suisse en général et les cantons en particulier pour scolariser les réfugiés ukrainiens vaut à la grande majorité d'entre eux d'avoir pu être admis dans un établissement. Pour autant, leur intégration dans le système éducatif n'est pas toujours très simple. C'est ce que constatent les enseignants de tous les degrés dans le canton de Genève. Pour mieux en comprendre les raisons et concevoir des réponses pour pallier ces difficultés, des échanges ont été organisés à l'initiative du service enseignement et évaluation (SEE) de la direction générale de l'enseignement obligatoire (DGEO).

photo d'une élève ukrainienne / shutterstockPour y voir plus clair dans les remontées du terrain, le DIP s'est adjoint les compétences d'Ukrainiennes et d'Ukrainiens de Genève. C'est le cas de Liliya Cuocolo. Au bénéfice d'une formation d'enseignante dans son pays d'origine, elle habite depuis plus de vingt ans en Suisse. Elle y enseigne le russe et le théâtre et intervient dans les écoles dans le cadre de projets plurilingues. Depuis le mois d'avril 2022, elle est référente ukrainienne à l'école primaire de Genève. En cette qualité, elle jouit d'un certain recul sur la situation de ces élèves et propose quelques éléments d'analyse. Elle les a livrées récemment lors d'une conférence à laquelle étaient conviés des enseignantes et enseignants et a répondu à leurs questions au travers de quelques généralités, en veillant toutefois à ne pas être trop caricaturale ni à véhiculer de clichés.

Difficultés diverses

Selon elle, les difficultés des jeunes Ukrainiennes et Ukrainiens sont de divers ordres. La première d'entre elles tient au statut de ces réfugiés. Ces derniers sont pour l'essentiel au bénéfice d'un statut de protection S, qui permet aux personnes concernées d’obtenir une protection rapide et non bureaucratique en Suisse, sans passer par une procédure d’asile ordinaire. Ce statut leur permet d'obtenir un permis dont la validité est théoriquement limitée à un an, même si elle peut être prorogée. Cette hypothèque fait que tous les élèves ne sont pas toujours très motivés pour s'investir dans l'apprentissage du français ni à s'immerger de manière inconditionnelle dans le système suisse. Certains se nourrissent de la perspective d'un retour au pays qui les incite plutôt à suivre les cours en ligne. En effet, certaines écoles ukrainiennes en ont clairement fait un prérequis à leur réinsertion dans le système ukrainien en cas de retour. S'ils n'ont pas suivi cet enseignement à distance, ils sont menacés de ne pas pouvoir poursuivre leur progression. Or, en Ukraine, le redoublement constitue une exception et est stigmatisant: ceci fait ainsi peser sur eux une pression forte durant cet exil forcé. Par ailleurs, l'enseignement en ligne a fait ses preuves durant les années Covid.

Une autre difficulté tient au fossé culturel qui existe entre les deux systèmes d'enseignement. A cet égard, il faut savoir que le système scolaire ukrainien se trouve dans un moment de transition entre l'ancien système, largement inspiré de la culture soviétique et le passage à un modèle plus occidental. En conséquence, il règne actuellement une certaine disparité d'une région à l'autre du pays.

Différences systémiques et culturelles

En Ukraine, les enfants n'intègrent pas l'école avant l'âge de 6 voire 7 ans. L'enseignement est organisé autour de trois degrés.  Le niveau 1, correspondant au primaire, scolarise les enfants durant quatre années jusqu'à leur neuvième ou dixième anniversaire. Il se termine par un examen au terme duquel on décide de la possibilité de l'élève à intégrer le niveau supérieur.

Le niveau 2 (ou secondaire 1, qui correspondrait au cycle d'orientation) les accueille durant cinq années, jusqu'à leurs 14-15 ans. Il est sanctionné par un certificat d'étude secondaire de base qui, au niveau 3, leur permet de continuer dans une école professionnelle ou de poursuivre des études menant à l'université. Ces dernières sont nombreuses en Ukraine. Publiques ou privées, elles sont signataires de l'accord de Bologne et délivrent des bachelor et des master.

Dans le système scolaire ukrainien, le travail est noté de 0 à 12 et la moyenne est fixée à 4. Pour autant, cette "moyenne" au sortir d'un degré est considérée comme mauvaise et rend la poursuite des études difficile dans le niveau supérieur. Les écoles professionnelles et les universités sont ainsi en droit de refuser des élèves au bénéfice d'une moyenne de 4.

En Ukraine, les raisons d’absence acceptable à l’école sont plus nombreuses. Les enfants sont par exemple gardés à la maison pour un simple rhume et souvent quelques jours après la fin des symptômes d’une maladie. L’école genevoise étant plus restrictive à ce propos, cela crée des malentendus avec les parents ukrainiens qui agissent selon leurs références.

Rares problèmes

Pour autant, les interactions entre professeurs et élèves en Ukraine sont souvent assez rudes. C'est la raison pour laquelle les élèves ukrainiens seraient habitués à ne jamais soutenir le regard des enseignantes et enseignants. Et qu'ils seraient quasi-unanimes à trouver les profs genevois "gentils".

Liliya Cuocolo rappelle encore que les élèves sont peu rompus à la logique de travail en groupe. L'usage des écrans est fréquent: les élèves ukrainiens sont autorisés à consulter leur téléphone portable durant les cours et à appeler leurs parents pendant les récréations. Ceci conduit à des frictions, ces comportements étant parfois interprétés à tort comme un manque de respect ou une provocation. Pour autant, la référente rappelle qu'elle n'intervient dans les classes que lorsqu'elle doit gérer des problèmes. Et que ces problèmes ne constituent fort heureusement pas la règle, mais l'exception!

 



bandeau d'illustration des Echos du DIP

Lettre interne d'informations départementales -
article de l'édition du 9 mai 2023

Type de publication
Date de publication
3 mai 2023