Nourri de l’expérience d'un voyage au Bhoutan et d'un cursus à la HES-SO Genève (CAS - Bonheur dans les organisations), Pierre Alain Girard, directeur général de l'office du patrimoine et des sites de l’Etat de Genève, nous a fait part de ses réflexions personnelles sur la prise en compte de la notion de « bonheur national brut » (BNB) dans les politiques publiques.
Le Bhoutan a développé et opérationnalisé le concept de BNB pour aller au-delà du produit intérieur brut (PIB) comme mesure de la qualité de vie d’un pays ou d’un territoire. Il l'a ainsi décliné en neuf domaines et 130 indicateurs. Partant de cette première expérience, le secteur académique en a fait un domaine de recherche, en s’appuyant tant sur la psychologie que sur les sciences politiques. Les travaux d’Otto Scharmer en particulier font référence dans ce contexte.
D’autres pays s’y sont essayés à l’image du Pays-de-Galle ou de la Nouvelle-Zélande qui ont développé leur propre modèle. Dans la même perspective, le CAS en bonheur dans les organisations, organisé à Genève questionne la manière d’intégrer le BNB dans les politiques publiques.
Afin de permettre à chacun de se faire une idée concrète du BNB, Pierre Alain a invité chaque participant à remplir sa roue du bonheur selon les neuf axes inspirés de la démarche du Bhoutan : bien-être psychologique, santé, utilisation du temps, éducation, diversité culturelle, bonne gouvernance, vitalité de la communauté, diversité écologique et niveau de vie.
L’échange qui a suivi a permis aux participants de se rendre compte de la complexité du sujet. Ils ont notamment remarqué qu'avant d'être une question d'intensité sur chacun des axes ci-dessus, le bonheur est surtout une question d’équilibre entre ceux-ci.
La même logique d’interdépendance entre les axes peut être appliquée à une politique publique. Ainsi, c’est parfois en adressent la santé, la vitalité de la communauté ou le niveau de vie que l’on contribue à améliorer la bonne gouvernance.
Pierre Alain s’est questionné sur la manière de prendre en compte le BNB à l’Office du logement. Il s’y est engagé dans une logique expérimentale et incrémentale, en se proposant d’apporter une réponse à la question suivante : «En quoi une politique du logement peut-elle améliorer le bonheur des citoyens ?». Cela a passé dans un premier temps par la volonté de retrouver du sens à l’action de l'office en travaillant avec la directrice générale et le management sur la notion de bonheur. Il s'agissait in fine d'actualiser les objectifs de la politique du logement ; le fruit de ce travail est désormais inscrit dans la feuille de route du département du territoire.
En amont il a fallu faire un travail d’introspection sur le sens et les valeurs personnelles qui l’animaient en tant que manager ; une étape importante si l’on désire être authentique et en phase pour le proposer à l’organisation qu’on dirige.
Dans un second temps, il sera imaginable d’élargir le cercle des participants à cette démarche au niveau d’une politique publique. Mais la route est encore longue, le BNB dans les organisations étant encore souvent perçu comme ésotérique.
Pierre Alain a terminé sa présentation en partageant avec nous des leçons apprises qui résonnent particulièrement avec la mise en œuvre de démarches innovantes au Genève Lab. Il souligne ainsi l’importance de :
- être aligné avec soi-même ;
- savoir prendre le temps, notamment pour observer l’émergence des effets attendus ;
- savoir évaluer une situation à travers plusieurs prismes, dans une approche systémique ;
- tracer son chemin en expérimentant.
Le sujet du bonheur national brut nécessite une réflexion personnelle et collective. Cette dernière est d’ailleurs en cours au niveau du territoire genevois. Pierre Alain Girard invite ainsi chacun à participer aux Rencontres du développement et à Alternatiba, deux évènements qui ont inscrit le sujet du bonheur à leur programme.
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