Son petit nom c'est Qeli, pour « Questionnaire d'éligibilité aux prestations sociales ». Mais plutôt que de se contenter d'un papa autoritaire et omniscient, nous avons fait le pari que plus nombreux seraient les parents, plus avisé et compétent serait l'enfant.
La complexité du dispositif social genevois induit sa dose de non recours aux prestations. Certain.e.s bénéficiaires potentiel.le.s ignorent l'existence de ces prestations ou la manière d'y accéder. Pour y remédier nous avons imaginé une solution en ligne qui permettrait à chacun de connaître son éventuelle éligibilité à des prestations sociales en répondant à quelques questions.
Le propos de cet article est de raconter le processus suivi et la méthode de consultation appliquée, avec la précieuse aide à toutes les étapes de la part de Christopher et Patrick du Genève Lab.
Premier brouillon et première consultation
En 2017, après compilation des informations nécessaires, nous réalisons un premier prototype sur la base de nos propres idées, avec l'outil Limesurvey. Pour chacune des prestations sociales, nous posons un certain nombre de questions qui doivent permettre de savoir auprès de quel service il est utile de s'adresser.
Pour vérifier son adéquation avec les besoins des utilisateurs, nous décidons de le présenter sur une demi-journée à quatre associations habituées à travailler avec des populations précarisées : Caritas, le Centre social protestant (CSP), Pro Senectute et la Croix-rouge genevoise. La majorité de ces associations répond favorablement à notre proposition.
Le jour J, la démarche est saluée positivement mais la position unanime est que nous faisons fausse route sur un point fondamental[1] et structurel.
Enseignement : heureusement que nous avons consulté avant de trop avancer dans le projet !
Deuxième version et stratégie de consultation
En 2019, nous terminons les spécifications pour une version 2 et déterminons les questions qui devront être posées aux personnes utilisant la solution.
Dès le mois de mars 2020 et avec l'aide de Genève Lab nous définissons le processus de consultation, qui comportera les étapes suivantes :
- un sondage en ligne qui doit permettre d’améliorer le vocabulaire et les tournures des questions proposées ;
- un atelier avec les associations sur la base du nouveau prototype ;
- un atelier avec les communes genevoises disposant d'un guichet social sur la base du même prototype.
Et en mars 2020, arrive la crise du coronavirus…
Sondage
Le sondage portant sur la forme des questions est mis en ligne au mois de mars. Nous prenons contact avec les services délivrant des prestations sociales pour obtenir soit une liste d'adresses e-mail de bénéficiaires, pour inciter les personnes concernées à répondre au sondage, soit la possibilité de lancer un appel à répondre au questionnaire leur site internet. Nous obtenons ainsi plus de 200 réponses au sondage en 3 semaines !
Sur la base de ces retours nous améliorons notre questionnaire.
Enseignement : le nombre de réponses, et surtout leur qualité, sont supérieurs à nos attentes ! Cette méthode quantitative nous apporte de très précieuses informations.
Atelier 1 : les associations
Le premier atelier a lieu le 13 octobre en présentiel car le faible nombre de participants permet de respecter les normes sanitaires en vigueur. Nous accueillons des représentants du CSP, de Caritas et de l'Hospice général.
C'est un atelier « traditionnel », même si nous étions masqués, qui nous permet d'obtenir de nouveaux apports. Une partie de l'atelier est consacrée à la forme des questions et l'autre à l'utilisation du questionnaire.
Enseignement : sur le fond, les retours sont riches. Cependant un manque de clarté de notre part dans les consignes nous a fait perdre un peu de temps car les fondamentaux des questionnaires ont été re-questionnés à cette occasion alors que cela n'était pas le but. Nous prenons note d'être plus précis la prochaine fois.
Atelier 2 : les communes genevoises
En raison du nombre de participants et de la péjoration de la situation sanitaire, nous décidons d'organiser le 26 octobre un atelier en ligne avec les communes (auquel s'associe Pro Senectute qui n'avait pas pu être présent pour l'atelier 1).
Cette forme d'atelier est inhabituelle, autant pour nous que pour Genève Lab et nous décidons d'y apporter des éléments originaux :
- quelques mots d'introduction en direct par le Conseiller d'Etat en charge de la cohésion sociale. Le format virtuel nous permet la participation du magistrat durant quelques minutes, ce qui n'aurait pas été possible en présence physique.
- un ice breaker qui oblige le mouvement. Ce n'est pas innovant en tant que tel, mais il nous a semblé important d'inviter les participant.e.s à se déplacer physiquement. En l'occurrence, il a été demandé à chacun de se procurer un objet faisant penser au service public, et de l'expliquer. Nous avons droit à : un sourire, un bijou en forme de cœur, un mètre ruban, une pieuvre, un hachoir, un téléphone, une porte ouverte, une calculatrice, un livre, une brochure, une liste de procédures qui sont des exemples illustratifs de la diversité et la richesse des points de vue qui s’exprimeront durant l’atelier.
- des ateliers en petit groupe de 3 maximum, chacun accompagné d'un animateur. Cela non plus n'est pas original, mais nous constatons que même en visioconférence cela fonctionne très bien. En revanche, 3 semble être un nombre adéquat à ne pas dépasser, et la présence d'un animateur par groupe est très utile pour garder le temps et prendre note des discussions.
- un outil de retranscription des résultats facile d’usage et permettant une écriture simultanée de tous les participants.
Enseignement : le bilan est extrêmement positif, au-delà même du riche contenu récolté pour l'amélioration du questionnaire. Les participants relèvent leur satisfaction d'être informés sur les démarches de l'Etat et associés à la construction des solutions. Il y a de fortes attentes pour réitérer les contacts. La forme virtuelle de l'atelier, que nous estimions rébarbative, amène certains avantages, et notamment le gain de temps puisqu'il n'est pas nécessaire de se déplacer.
Selon nous, les éléments relevés précédemment dans la définition d'un atelier virtuel sont importants, soit un nombre restreint de personnes dans les petits groupes, une préparation optimale des outils de travail en commun, une attention apportée à la pénibilité de devoir rester devant son écran toute une matinée.
Conclusion
Le processus mis en place s'est avéré extrêmement utile. La consultation a amené :
- de très nombreuses améliorations de la solution ;
- un renforcement de la légitimité de nos travaux ;
- des contacts très fructueux qui pourront à l'avenir amener des échanges informels précieux.
Clairement, ce processus en est à ses débuts et l'objectif est de poursuivre la collaboration avec les acteurs de terrain pour la mise en place des prochaines solutions. A suivre donc !
[1] Pour des questions de lisibilité nous n'entrons pas ici dans trop de détails, mais par transparence et par plaisir de partager nous sommes joignables si vous souhaitez en savoir plus.