Entretien avec Alex Osterwalder à Lift:Lab

Date de publication
8 mars 2017
Alex Osterwalder; crédit photo : Lift:Lab 2017
Alex Osterwalder; crédit photo : Lift:Lab 2017
A l'occasion de l'événement Lift:Lab qui s'est tenu au début mars, le Genève Lab a eu l'occasion d'échanger avec Alexander Osterwalder, créateur notamment du business model canvas, au sujet de l'innovation dans le secteur public.

Alex Osterwalder, est-ce que secteur public doit aussi innover ?

Bien sûr ! La question serait plutôt : pourquoi ne pas innover ? Bien sûr que l'Etat doit innover, partout : propositions de valeur, modèles d'affaire. Il ne faut pas seulement comprendre l'innovation par le biais de la technologie, par exemple avec l'introduction d'une nouvelle app. L'innovation, c'est de se poser la question : "Comment créer plus de valeur pour mes bénéficiaires ou pour mes parties prenantes ?".  Or aujourd'hui il faut innover pour créer plus de valeur, parce qu'après tout, c'est pour cela qu'on a des gouvernements.

Vous avez parlé sur scène de culture d'entreprise. Le Genève Lab est un dispositif d'innovation au service du secteur public, qui aide l'administration cantonale genevoise dans sa transition numérique. Si vous deviez nous donner trois pistes pour insuffler l'innovation dans le secteur public à Genève, quelles seraient-elles ?

Je peux vous parler de l'innovation en général, car ce qui est vrai dans le secteur privé l'est aussi dans le secteur public. Ce qu'il faut, c'est d'abord avoir une attitude d'expérimentation et donc de ne pas avoir peur de l'échec. Il s'agit d'échec pas cher et rapide pour pouvoir apprendre et pour pouvoir s'améliorer. L'innovation sans échec n'existe pas.

Si on commence avec des expérimentations peu coûteuses, par exemple parler à des gens pour comprendre et réaliser des prototypages rapides et peu onéreux, alors là on peut apprendre. L'innovation, on a toujours peur que ce soit cher, risqué. Non ! C'est quand on gère mal l'innovation que c'est le cas. Mais quand on le fait correctement, ce n'est pas du tout risqué. C'est là le plus grand défi, à mon avis, lorsqu'on parle d'innovation.  

Le second élément, en particulier lorsqu'on parle d'innovation numérique, c'est de ne pas tomber trop amoureux de la technologie. D'une certaine manière, on se fiche de la technologie. La question, c'est comment utiliser la technologie pour créer plus de valeur, pour résoudre les problèmes de ses bénéficiaires ou de les aider à atteindre leurs objectifs. Là, la technologie peut aider, ou pas...

Troisième élément, on commence souvent avec la solution en tête, "ah, je vais faire une app", "ah, je vais faire un site web", "ah, je vais faire ce type de service avec de la technologie", … non ! La première étape, c'est une compréhension extrêmement précise du client, du bénéficiaire. C'est un peu banal que de le dire, mais les gens commencent souvent avec une solution en tête. Ils vont dire : "Ah, est-ce que tu aimes ça, est-ce que c'est utile pour toi ?", non ! La première question à poser, c'est : "Oh, quels sont tes défis les plus importants ? Qu'est-ce qui est important dans ta journée, dans ta semaine, dans ton travail, dans ta vie privée ?". De vraiment bien comprendre ces gens-là avant de créer des solutions. De prototyper une solution, c'est la deuxième étape. La compréhension du client, du bénéficiaire, doit rester la première étape. Cela, on le sous-estime souvent. C'est la plus grande erreur que je vois régulièrement, essentiellement quand on parle de technologies, parce que l'on pense à une solution que l'on veut tester. Non, il y a toute une phase préalable, durant laquelle il faut tester les objectifs, il faut tester les problèmes des clients.

Merci beaucoup.

Date de publication
8 mars 2017