Auteur-e-s: rédaction collective du Groupe de confiance
Cette procédure fait naturellement régulièrement l'objet de critiques dans le cadre de recours formés contre les décisions de l'employeur, lesquelles sont consécutives au rapport d'investigation du GDC. Nous exposerons dans ce regard juridique quelques spécificités de la procédure d'investigation prévue par le RPPers ainsi que l'appréciation des tribunaux, en particulier celle de la Chambre administrative de la Cour de justice de Genève.
L'élément le plus souvent mis en avant par les voies critiques est l'absence de confrontation directe entre les parties et les personnes entendues en qualité de témoins, qui constituerait une violation du droit d'être entendu de la personne mise en cause, étant précisé que le droit d'être entendu est un droit fondamental consacré par l'article 29 al. 2 de la Constitution fédérale.
S'il est vrai que le RPPers ne prévoit pas ces confrontations directes, il y a lieu de souligner le contexte d'application du RPPers et le système prévu par le règlement en faveur du droit d'être entendu.
Il est d'abord rappelé que le but du RPPers est de protéger la personnalité des membres du personnel, tandis que le but de l'investigation n'est pas le prononcé d'une décision mais l'établissement d'un constat. La décision n'est prononcée qu'ultérieurement par l'autorité d'engagement, seule habilitée à le faire. Ainsi, le fait de préserver la partie plaignante ou une personne témoin et présumée victime de la confrontation avec la personne mise en cause permet à ces dernières de déposer en toute sécurité un vécu difficile sur le lieu de travail, en préservation de leur personnalité, ce qui favorise l'établissement des faits dont est chargé le GDC. Cette précaution, discutée paritairement lors de l'élaboration du règlement, s'explique d'autant plus par le contexte dans lequel se déroulent les investigations du GDC. En effet, les parties sont très souvent liées par un lien de subordination et les rapports de travail presque toujours encore en cours.
La demande d'investigation étant naturellement transmise à la personne mise en cause, celle-ci dispose d'un droit de réponse par lequel elle peut d'emblée se déterminer sur les allégations à son encontre, demander l'audition de témoins et produire toute pièce utile (art. 23 al. 2 RPPers). La personne mise en cause a ensuite l'occasion de s'exprimer une nouvelle fois et de se déterminer sur la base des procès-verbaux d'audition car le règlement prévoit à son art. 28 al. 1 qu'elle puisse prendre connaissance de ce qui a été dit à son sujet et requérir des mesures d'instruction complémentaires en fonction de cela notamment (témoins à entendre, questions à poser, pièces à produire par ex.). A l'issue de l'instruction complémentaire, elle a une nouvelle fois la possibilité de consulter le dossier (art. 28 al. 3 RPPers) et, enfin, elle a la faculté de se déterminer sur le contenu des déclarations faites par les parties et l'ensemble des témoins la concernant au terme de l'instruction (art. 29 al. 1 RPPers).
Mais qu'en disent les juridictions de recours?
La Chambre administrative de la Cour de justice a régulièrement eu l'occasion d'examiner de façon détaillée la procédure d'investigation du GDC et d'en analyser la conformité avec le droit d'être entendu. Le Tribunal fédéral s'est également exprimé à ce sujet, de façon moins poussée toutefois mais toujours en confirmant la position de la juridiction cantonale (voir par exemple l'arrêt du Tribunal fédéral du 30 septembre 2021, 8C_471/2021, c. 4).
En substance, il ressort des arrêts en question que les différentes étapes de la procédure offrant à la personne mise en cause l'opportunité de s'exprimer, et de se déterminer sur les allégations et témoignages, permet de palier à l'absence de confrontation directe des parties d'une part et à l'audition des témoins hors présence des parties d'autre part (ATA/674/2017 du 20 juin 2017, c. 7b et ATA/280/2023 du 21 mars 2023, c. 5).
La Cour de justice a récemment confirmé le fait que la procédure telle que prévue dans le RPPers ne violait pas le droit d'être entendu de la personne mise en cause, précisément du fait de l'accès au dossier et de la possibilité de demander des mesures d'instruction complémentaires sur la base de celui-ci (ATA/263/2022 du 15 mars 2022, c. 3a).
Dans cet arrêt, la Cour de justice a également souligné le but de la procédure d'investigation au GDC et l'obligation de protection de la personnalité du personnel (et donc des témoins) comme autant de motifs justifiant une exception à la possibilité généralement offerte aux partie par les différentes lois de procédure de poser directement des questions aux témoins.
Précisons encore que dans un arrêt daté du 1er décembre 2020, la Cour de justice de Genève avait une fois encore confirmé les différents moyens, pour la personne mise en cause, de faire valoir ses arguments et de réagir à ceux de la personne plaignante avant que le constat d'atteinte ou d'absence d'atteinte ne soit rendu par le GDC. Elle avait en outre également rappelé à cette occasion que les parties ont la faculté de recourir contre la décision rendue par l'employeur suite au constat du GDC et ainsi à nouveau faire valoir leur droit d'être entendu, y compris en demandant à la juridiction de recours de réentendre les témoins auditionnés par le GDC (ATA/1206/2020 du 1er décembre 2020).
En conclusion, la conformité du RPPers aux dispositions constitutionnelles a encore récemment été confirmée par les tribunaux, lesquels se sont penchés à réitérées reprises sur la procédure d'investigation devant le GDC. Néanmoins, conscient de l'importance de préserver les droits de toutes les parties à la procédure, et des enjeux qui en découlent, le GDC poursuivra sa mission de constat des atteintes à la personnalité en continuant à être attentif aux critiques et à appliquer la procédure du RPPers de manière consciencieuse et proportionnée.
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