Auteur-e-s: rédaction collective du Groupe de confiance
L'apaisement du conflit et l'amélioration de la communication sont généralement des objectifs qui sont visés par les personnes qui s'engagent dans un processus de médiation, ou encore par les hiérarchies ou les membres des services des ressources humaines qui peuvent déléguer un tel processus. Les objectifs des parties prenantes à la médiation peuvent être diverses : revenir sur des évènements passés, clarifier un malentendu ou des divergences, comprendre la posture de l'autre, restaurer le dialogue, rétablir la confiance, s'accorder sur une manière de fonctionner à l'avenir, etc. L'avantage d'un processus de médiation est qu'il s'agit d'un mode amiable de résolution de conflit, dont les personnes concernées conservent la maîtrise. L’absence de garantie quant à la résolution du différend peut toutefois être vécue comme un inconvénient pour les personnes s’engageant dans ce processus.
Quelles conditions pour la mise en place d'une médiation ?
La volonté des parties prenantes à la médiation
La première condition essentielle à la mise en place d'une médiation est la volonté des personnes impliquées. Celles-ci doivent pouvoir s'engager de façon volontaire dans le processus. Bien qu'il soit normal de ressentir une éventuelle pression, notamment dans le cadre de médiations déléguées par la hiérarchie, le fait d'aborder cette question en profondeur avec les médiants permet de travailler sur leurs résistances. Cette question a par ailleurs fait l'objet d'une précédente lettre d'information du Groupe de confiance (lettre d'information n°35 - Mai 2023).
En sus du caractère volontaire de la médiation, la personne médiatrice devra également s'assurer que les personnes s'engagent dans ce processus de bonne foi et dans une optique constructive, l'objectif étant d'améliorer la dynamique relationnelle. Elles doivent faire preuve d'engagement dans le processus et se montrer prêtes à travailler ensemble pour améliorer leurs difficultés. Cela implique donc qu'elles se montrent honnêtes, mais également transparentes sur leurs intentions en médiation.
Avant la mise en place d'une médiation, des entretiens préalables et individuels sont nécessaires avec chaque personne participant à la médiation. Lors de ces entretiens de préparation, la personne médiatrice évalue si les conditions pour la mise en place d'une séance sont réunies. L'objectif durant ces premiers entretiens est de faire réfléchir la personne à ses attentes, afin de clarifier si celles-ci sont compatibles avec ce qui peut être attendu en médiation. C'est également par ce biais que la personne médiatrice pourra évaluer la capacité de remise en question de chacune des personnes, mais également leur faculté de se mettre à la place de l'autre, conditions essentielles pour une discussion constructive en médiation.
La confidentialité du processus
Chaque personne participant à la médiation doit pouvoir s'exprimer librement et en confiance, sans craindre que les informations qu'elles divulguent ne soient révélées à l'extérieur. Selon Byrne-Sutton (2015), la confidentialité entourant le processus de médiation "(…) favorise l'engagement des participants durant les rencontres et la sincérité de leurs échanges, sans crainte que ce qui aura été dit ou présenté durant le processus soit utilisés ultérieurement (…)"[1]. La confidentialité du processus est un élément clé en médiation, les personnes ne s'exprimant pas de la même manière dans ce cadre confidentiel en présence de tiers neutres, que dans leur cadre professionnel usuel.
Le rôle de la personne médiatrice
Elle se doit de ne pas prendre parti, de ne pas jouer le rôle d'arbitre mais bien de faciliter la communication entre les personnes afin de les aider à travailler ensemble et trouver des solutions durables qui répondent à leurs besoins. De plus, afin d'assurer un cadre clair et sécurisant, la personne médiatrice veille à ce que les échanges se passent dans un contexte de respect mutuel.
Par ailleurs, la personne médiatrice n'a aucun pouvoir d'influence sur le contenu des échanges en médiation, ce sont bien les médiants qui sont maîtres de ce contenu et qui décident des sujets qu'ils souhaitent aborder en médiation. Ainsi, si les médiants expriment des besoins de clarification ou de mise à plat concernant des évènements passés, cela leur incombe d'aborder ces sujets lors des séances de médiation. Même si ces éléments ont pu être amenés lors des entretiens de préparation à la médiation, aucun contenu ne sera apporté en séance de médiation par la personne médiatrice.
Ces conditions doivent être comprises comme des prérequis avant de s'engager dans une séance de médiation, toutefois, elles ne présagent pas de la réussite d'un processus de médiation. En effet, de l'expérience du Groupe de confiance, d'autres facteurs sont également à prendre en compte.
Facteurs pouvant influencer la réussite du processus
La communication et l'écoute lors des séances
Lors des séances de médiation, chaque personne doit s'exprimer avec respect et être en mesure, avec l'aide de la personne médiatrice, d'écouter ce que l'autre personne souhaite lui dire. L'écoute et la communication sont donc deux éléments déterminants lors des séances et la personne médiatrice a pour rôle de faciliter les échanges entre les médiants. Elle va notamment veiller à ce qu'il y ait un certain équilibre de la prise de parole et, en utilisant la reformulation adéquatement, doit permettre à chaque personne de se sentir reconnue dans son vécu. C'est aussi à l'aide de relances et de questions que la personne médiatrice va avoir un impact sur le déroulement de la séance et des discussions.
L'engagement et l'implication des médiants lors des séances
Il est demandé à chaque personne de s'engager de manière constructive dans un processus de médiation, cependant il est important que cet engagement pris en amont des séances de médiation se manifeste le jour des séances. Bien qu’il soit usuel que les personnes émettent certaines résistances, il est important que celles-ci puissent être travaillées en amont de la séance de médiation. Ce travail permettra ensuite que les médiants s'engagent pleinement dans les échanges, en se montrant sincères, ouverts à la discussion mais également prêts à réfléchir et élaborer avec l'autre personne afin d'améliorer leur relation professionnelle.
La médiation : un processus
La médiation a pour but de favoriser la restauration d'un dialogue entre les personnes impliquées. La solution et les accords qui pourraient en découler ne sont donc pas le but premier du processus. Il n'est justement pas anodin que le terme "processus" soit utilisé pour définir la médiation. Si une séance de médiation se déroule à un instant T, les effets du processus en lui-même peuvent et doivent s'examiner sur la durée, à chaque phase du processus.
Les entretiens préalables
Les entretiens préalables à la médiation permettent à chaque personne d'aborder sa vision de la situation et de réfléchir à la plus-value d'une médiation en fonction de ses besoins. Ces entretiens enclenchent déjà une nouvelle dynamique dans le conflit pré-existant. Chaque personne va être amenée à réfléchir individuellement à sa relation professionnelle avec l'autre. C'est également lors de ces entretiens qu'il est proposé à chaque personne d'imaginer ce que l'autre personne pourrait amener en séance de médiation, le but étant d'entamer déjà à ce stade le mouvement qui consiste à prendre en considération le point de vue de l'autre, ce qui caractérise la médiation.
Lors des entretiens individuels, le fait de parler de la situation difficile avec un tiers neutre et impartial peut également amener les médiants à prendre du recul et à percevoir leur situation différemment, en faisant exister le point de vue de l’autre. Ainsi, même si la séance de médiation ne se tiendra finalement pas (conditions préalables défavorables ou refus de l'autre personne concernée), ces premiers entretiens peuvent tout de même avoir un impact sur la posture de chacun dans le conflit et amener du changement dans la relation professionnelle.
Les séances de médiation
Un processus de médiation peut se dérouler en plusieurs séances. Lors de la première séance, les éléments conflictuels sont abordés, le but étant de bien comprendre les tenants et aboutissants du conflit et les difficultés passées avant de pouvoir co-construire une nouvelle dynamique relationnelle. Cette première séance peut s'avérer émotionnellement dense car les médiants sont invités à revenir sur leurs désaccords et à mettre à plat les difficultés passées, à clarifier leurs différends. Toutefois, c'est aussi une étape importante qui permet à chaque personne d'exprimer son ressenti et son vécu à l'autre, dans le cadre sécurisé de la médiation. Certaines personnes éprouvent déjà un sentiment de soulagement dans le fait d'avoir pu dire à l'autre ses difficultés et ses besoins. L'objectif est aussi que chacun puisse entendre l'autre et ses perceptions divergentes.
C'est souvent en deuxième partie de séance, ou lors d'une seconde rencontre de médiation que les échanges peuvent se concentrer davantage sur l'avenir. Les personnes sont ainsi amenées à se projeter dans le futur et à réfléchir aux éventuelles difficultés qu’elles pourraient rencontrer dans leur collaboration. Cette phase est aussi déterminante car c'est à ce moment-là que les médiants vont travailler ensemble pour élaborer des solutions qui répondent à leurs besoins respectifs, malgré leurs désaccords qui peuvent être persistants. Les séances de médiation sont donc des étapes charnières dans la résolution du conflit.
L'après…
Régler un conflit est un processus qui demande un engagement certain de la part des personnes concernées sur le long terme. Si un malentendu peut se résorber en quelques échanges, les dynamiques de communication et les relations interpersonnelles sont complexes.
Tout comme les difficultés relationnelles qui se sont probablement installées sur plusieurs mois, voire années, les résultats d'une médiation s'observeront aussi dans la durée. En effet, il est important de laisser du temps après une séance de médiation car ses échos s'observeront sur le long terme, une nouvelle dynamique relationnelle se construira dans la suite des échanges entre les personnes concernées. Ainsi, l'engagement des médiants doit perdurer après le processus, chacun devant y mettre du sien pour participer au maintien d'une relation professionnelle positive.
Par ailleurs, lors de la médiation, la personne médiatrice n'est pas force de propositions, la particularité de la médiation est d'accompagner les personnes à trouver elles-mêmes des issues à leur problématique afin qu'elles construisent ensemble leurs solutions. Il appartiendra donc également à ces dernières de mettre en œuvre les solutions envisagées ou décidées en séance de médiation.
Quand considérer le processus comme une réussite ou un échec ?
Du point de vue du la personne médiatrice…
Une séance de médiation permet de rétablir ou d'améliorer le mode de communication entre deux personnes en abordant ensemble leurs difficultés tout en confrontant leurs points de vue. Il est possible que les personnes parviennent à des accords (écrits ou non) durant une séance de médiation, toutefois cet élément ne suffit pas à qualifier le processus de réussite.
Ce n'est donc pas le résultat en tant que tel qui permet de déterminer le succès d'une médiation, il n'y a pas une personne "gagnante" et une "perdante" en médiation. Le regard de la personne médiatrice sur la réussite ou l'échec d'un processus de médiation se focalisera donc moins sur le fond des discussions que sur la qualité de l'écoute et le mode de communication des médiants. Une médiation pourrait être considérée comme un échec si les médiants n'ont pas réussi à dépasser leurs griefs respectifs et qu'un travail sur les besoins de chacun n'a pas pu être entamé. Toutefois, le succès ou l'échec du processus dépendra également de l'objectif initial. Par exemple, dans un conflit avec un niveau d'hostilité élevé, voire une rupture totale de communication, le simple fait de pouvoir se réunir avec l'autre personne et de parler des difficultés est déjà un succès. Les attentes et le résultat d'une médiation ne peuvent donc pas être définis sur des critères fixes mais dépendent de la situation de conflit. Pour rappel, une précédente lettre d'information du Groupe de confiance présentait le modèle de l'escalade des conflits de Friederich Glasl, tout en mettant en évidence l'importance d'intervenir dans les phases précoces du conflit, lorsqu'il y a encore une volonté des personnes concernées d'améliorer la situation et de trouver une solution (lettre d'information n°31 – Juin 2021).
Selon Studer et Rosset[2] : "Si le but principal de la médiation est la restauration d'un dialogue fructueux entre les parties, l'échec peut se définit a contrario par l'impossibilité de restaurer ce dialogue. Si les parties arrivent à se mettre d'accord sur le fait qu'elles n'arriveront jamais à se mettre d'accord, on considère que la médiation a abouti: "We agree to disagree". Un tel constat permet en général de négocier une sortie honorable pour chacun, voire de poursuivre la démarche dans le sens de la séparation." (p.75). Cependant, il est important de rappeler que, dans le cadre des médiations entre des personnes qui collaborent professionnellement, bien que ces dernières puissent arriver à un constat de désaccord, elles devront généralement trouver un moyen de collaborer ensemble en respectant les obligations minimales inhérentes au contexte professionnel, notamment en termes d’attitude et de respect.
Toujours selon Studer et Rosset, lorsque le processus de médiation est interrompu de manière définitive par l'une ou l'autre des personnes concernées, ou par la personne médiatrice en cas de non-respect du cadre, on peut alors considérer qu'il s'agirait là d'un échec du processus. Il est important donc de distinguer les désaccords qui peuvent persister entre les médiants et l'échec du processus à l'issue d'une séance de médiation.
Un processus de médiation qui serait qualifié de fructueux pourrait indiquer que les personnes ont pu se parler directement, ont clarifié éventuellement des évènements passés mais ont aussi pu s'accorder sur une meilleure manière d'interagir à l'avenir. Cependant, c'est bien lors d'un prochain différend que le fruit du travail effectué en médiation pourra se vérifier. Face à un nouveau désaccord, une incompréhension, les personnes concernées seront-elles en mesure de communiquer, de trouver une solution ensemble ou de faire appel à une ressource à l'interne ou à l'externe ? A noter que lors d'une médiation menée au Groupe de confiance, il est usuel qu'une prise de contact soit effectuée quelques temps après une séance de médiation pour évoquer la possibilité d'une séance de suivi. Toutefois, le processus restant bien entendu volontaire, les médiants sont libres de décider de la tenue d'une telle séance en fonction de l'évolution de leur situation.
Du point de vue des médiants…
La personne médiatrice analysera un processus de médiation sous l'angle de la communication, de l'écoute et de l'engagement des médiants dans les échanges. Une séance pourrait ainsi être considérée comme une réussite par la personne médiatrice, alors même que les médiants pourraient sortir de ce processus avec des sentiments mitigés, voire même une certaine déception, car le contenu des échanges ou le positionnement de l'autre n'étaient pas ceux attendus ou espérés. Toutefois, cette première impression peut également se nuancer avec le temps en fonction des réflexions personnelles que chaque personne aura à l'issue de la séance.
Les personnes participant à la médiation ayant chacune leurs attentes quant à l'issue du processus, il est important qu'elles aient pu formuler ces attentes en amont de la séance lors des séances de préparation avec la personne médiatrice. L'objectif est qu'elles puissent réfléchir et éventuellement anticiper ce qui pourrait intervenir lors de la séance de médiation, limitant ainsi le risque d'attentes irréalistes ou de "faux espoirs".
De l'expérience du Groupe de confiance, les personnes qui ressortent satisfaites d'une séance de médiation évoquent généralement le sentiment de soulagement d'avoir pu se reparler, exprimer un ressenti douloureux à l'autre, clarifier des incompréhensions passées, ou encore convenir d'une façon de faire à l'avenir dès lors qu'une nouvelle tension surviendrait.
Conclusion
Un processus de médiation se déroule en plusieurs temps, tous comme ses effets sur la dynamique relationnelle. La réussite du processus dépend à la fois du respect des conditions préalables à la mise en place de la médiation, tout comme des échanges lors des séances de médiation qui seront généralement déterminants pour les médiants. Chaque personne, en fonction de ses attentes, pourra avoir un avis différent sur la réussite ou non du processus. Cependant, bien que la perception des médiants puisse être sensiblement différente de la perception de la personne médiatrice, il est clair que s'engager dans un tel processus apporte généralement un changement de dynamique dans le conflit relationnel.
Même si une médiation ne parvient pas à résoudre un conflit, elle peut tout de même avoir des effets positifs en aidant les personnes à mieux comprendre la posture de l'autre et éventuellement préparer le terrain pour une résolution future. Par ailleurs, lorsque deux personnes s'engagent et se montrent volontaires à participer à une médiation dans le but d'améliorer leurs relations professionnelles, n'est-ce pas déjà en soit une réussite, quelle que soit l'issue du processus ?
Formations proposées par l'Etat de Genève:
- Médiation 1: les bases pratiques (SEM1037 (etat-ge.ch))
- Médiation 2: approfondissement (SEM1074 (etat-ge.ch))
Image Pixabay, auteur: succo