Interview de M. Bendahan

Date de publication
15 octobre 2024
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En septembre 2022, le Groupe de confiance a interviewé Monsieur Samuel Bendahan, maître d'enseignement et de recherche au département de comportement organisationnel de HEC Lausanne, sur le thème du feedback en entreprise.

Auteur-e-s: rédaction collective du Groupe de confiance

 

Le Groupe de confiance a interviewé Monsieur Samuel Bendahan, maître d'enseignement et de recherche au département de comportement organisationnel de HEC Lausanne, sur le thème du feedback en entreprise.

Voici ce qui ressort de cet entretien, riche de l'expertise de M. Bendahan.

 

1. Pouvez-vous brièvement nous présenter votre parcours professionnel et le lien éventuel avec le feedback ?

J’ai mené une thèse sur l’économie comportementale et le management à l’UniL et j’enseigne à HEC Lausanne depuis plus de quinze ans, dans les domaines de l’économie, du management et du leadership. Parallèlement à cette activité académique, j’ai créé une entreprise qui a déjà dispensé des conseils à plus de cent organisations et entreprises aujourd’hui, principalement dans le domaine du leadership et de l’économie, ce qui me permet d’avoir une vision pratique et d’observer concrètement comment la démarche de feedback peut s’appliquer. Siégeant au conseil d’administration de la Banque cantonale neuchâteloise, j’ai également une pratique de gouvernance. J’assume aussi plusieurs engagements associatifs et politiques, notamment en tant que député socialiste au Conseil national depuis 4 ans et en tant que membre de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national. Enfin j’enseigne un module intitulé « leadership et prise de décision » dans le cadre d’un master RH commun à l’UniGE, l’UniL et l’UniNE.


2. D’où vient votre intérêt pour le feedback ?
A l’origine, cet intérêt est lié au sujet de ma thèse et à la question de savoir ce que l’on peut faire concrètement pour améliorer la vie des gens dans le contexte du travail. Pour y répondre, il s’agit d’analyser deux éléments : l’efficacité de ce que l’on va mettre en place et le coût de ces mesures, non seulement en termes financiers, mais également en terme de temps, d’énergie et de faisabilité. A travers différentes expériences, je me suis rendu compte que le feedback a l’avantage d’être extrêmement efficace et simple à mettre en œuvre. Par exemple, si vous devez apprendre à bien communiquer, il existe des formations qui transformeront votre capacité à mieux communiquer. Mais c’est long, coûteux et compliqué. Vous pouvez également suivre des formations de deux jours lesquelles n’auront par contre pas d’impact sur l’amélioration de votre communication. Le feedback quant à lui est une mesure simple, peu coûteuse et qui a de l’impact, car il contribue à donner du sens au travail.


3. Auriez-vous une anecdote liée à votre pratique du feedback ?
Il y a évidemment plein d’exemples de situations démontrant l’importance du feedback mais j’aime bien raconter une anecdote qui démontre que le feedback est tellement impactant qu’il est à prendre avec précaution. Pour un cours, nous avions créé un mécanisme grâce auquel les étudiants avaient une très bonne vision de ce que les autres faisaient et pouvaient ainsi se donner réciproquement du feedback. En conséquence de quoi les étudiants avaient été tellement motivés et stimulés par les feedback donnés et reçus qu’ils ont travaillé au-delà de ce qui leur était demandé pour ce cours-là, ce qui a eu des conséquences pour les autres cours. Au final ils avaient effectué un très bon travail mais qui n’était pas proportionné. J’ai ainsi constaté que le feedback peut être tellement efficace qu’il peut être trop efficace ! En effet, c’est la reconnaissance sociale et de leur travail qui intéresse les gens et si le feedback n’est pas approprié, on risque de les détourner de leur travail. A l’instar de l’addiction aux réseaux sociaux, et des commentaires ou des « like » dont les gens sont avides, le feedback peut aussi être vu « comme une drogue ». Toutefois le feedback est un outil extrêmement performant et utile s’il est utilisé de façon bienveillante.


4. Quelle est votre définition du feedback ?
Il s’agit de tout retour que l’on reçoit suite à une action que l’on a effectuée. C’est une définition large. Le feedback n’est pas constitué uniquement de ce que quelqu’un peut dire de mon action ; si je vois ce qui se construit grâce à mon action, c’est déjà un feedback. Dans certains métiers, on ne peut pas voir ce qui se construit, il est alors d’autant plus important que le feedback permette un retour.


5. Distinguez-vous différents types de feedback ?
On peut catégoriser les feedback en fonction de leur objectif, à savoir le feedback que l’on donne pour motiver, et celui que l’on donne pour évaluer. La distinction est importante car ils sont peu compatibles. Si l’on fait un feedback de motivation, cela va permettre aux gens de se rendre compte de ce qu’ils font, bien ou pas bien, cela vise à les motiver et à donner du sens à leur tâche. Le feedback de motivation vise la reconnaissance et le bien-être au travail ainsi que l’amélioration de la qualité du travail. Ce processus doit être continu et intégré dans la culture d’entreprise, il doit être sincère et authentique. Il est essentiel que le feedback soit régulier, objectif et ouvert. S’il n’est pas mis en œuvre de façon simple, ce processus de feedback n’est pas crédible car il ne sera pas mis sur pied.
Le feedback d’évaluation diffère dans le sens où il a souvent une conséquence matérielle, il y a d’autres enjeux, à savoir que la personne se dit qu’elle a intérêt à avoir un bon feedback, sinon elle sera moins bien payée, moins valorisée.
Le feedback d’évaluation est quant à lui plus formalisé et documenté compte tenu des aspects juridiques qui entrent en jeu et a en général tendance à créer de la démotivation. Il s’agit donc de bien évaluer les raisons pour lesquelles on le met en place et d’avoir conscience que cela va amener les gens à discuter, à se défendre et à contester. Ainsi, les processus doivent être différents selon qu’il s’agit d’un feedback d’évaluation ou de motivation.


6. Quels sont les objectifs principaux d’un feedback ?
Le feedback a pour objectif principal que le destinataire puisse se rendre compte des conséquences de ses actions, parce que la démotivation apparait quand vous n’êtes pas conscient des répercussions de vos actes, quand vous avez l’impression que ce que vous faites ne sert à rien, ou pire encore quand vous envisagez de ne pas effectuer le travail correctement car il n’y aura aucune conséquence. En fait, le danger de l’absence de feedback, c’est le manque de compréhension de l’impact de ses actes. Par exemple si vous pensez que cela ne change rien que vous soyez présent ou pas et que tout le monde s’en fiche, votre travail ayant moins d’impact, vous faites par conséquent moins d’efforts. Au contraire, si vous percevez clairement l’impact positif ou négatif de votre travail sur vos collègues ou sur d’autres personnes, si vous pensez à l’utilité de votre contribution au sein de l’équipe, alors vous réalisez l’impact de vos prestations.
Grâce au mécanisme du feedback, quelle que soit notre fonction, nous pouvons percevoir les effets de nos actions, qu’ils soient positifs ou négatifs. Quelqu’un qui ne fait pas son travail correctement, cela a un impact sur les autres même si cela ne se voit pas immédiatement. Or il faut mettre en lumière cette retombée : si quelqu’un est mal à l’aise de ne pouvoir bien effectuer son travail parce qu’un ou une collègue n’a pas fait le sien, il faut que ce dernier en soit conscient. Il ne s’agit pas d’accabler qui que ce soit, mais de faire prendre conscience des enjeux, puisque l’absence de conscience est l’une des premières causes du manque de motivation.


7. Un feedback de motivation n’est donc pas toujours positif ?
Il doit être équilibré ! Car ce qui motive ce n’est pas que le feedback soit positif, c’est le fait qu’il démontre l’impact du travail. Si l’on se limite aux feedback positifs, les gens vont d’abord être contents de cette reconnaissance, mais au bout d’un moment, si les mêmes personnes évoquent uniquement les éléments positifs, ce sentiment va se tarir et la perception de sincérité diminuer. Ce dont chacun a besoin, c’est de se sentir utile et de recevoir une reconnaissance sociale. Le feedback va y contribuer même s’il porte sur des aspects plus négatifs, parce qu’il motive à faire mieux. 


8. Est-ce qu’il y aurait un autre objectif pour le feedback d’évaluation ?
Il s’agit dans ce cas d’évaluer l’adéquation entre la personne et les missions qui lui sont confiées. Plusieurs choses peuvent être évaluées : les qualités intrinsèques de la personne et son comportement.
Les qualités intrinsèques de la personne, qu’on appelle aussi les traits, ne se modifient pas facilement. Une personnalité très colérique par exemple peut poser problème. Comme les traits de la personnalité profonde n’évoluent pas du jour au lendemain même si l’on y travaille, il faut donc réfléchir à des techniques pour parer à ces difficultés. J’ai une mauvaise mémoire visuelle et ai de la peine à reconnaitre les gens, j’ai donc dû trouver des alternatives pour les différencier, par leur voix par exemple.
L’autre aspect de l’évaluation est lié au comportement de la personne, lequel peut être modifié. Il s’agit de questionner sa manière de faire et son adéquation avec l’organisation, les missions ou les valeurs de l’entreprise. En cas de comportement inadéquat, il faut indiquer à la personne comment elle doit faire.
Dans le feedback d’évaluation, il peut quelquefois y avoir au surplus un lien avec des questions de rémunération, de transfert ou de licenciement comme déjà évoqué.


9. Quelles sont les conditions nécessaires pour un feedback de qualité ?
Quelle que soit la méthode utilisée, le feedback doit tout d’abord permettre à la personne concernée de comprendre les conséquences de ses actions.
D’autre part, le feedback doit être fréquent, cette fréquence dépendant des circonstances. Il importe que la personne sache au moment de son activité qu’elle recevra un feedback, et celui-ci doit être donné le plus souvent possible. Si un feedback n’est donné qu’au moment de l’entretien annuel d’évaluation en décembre par exemple, la personne ne connaitra l’impact de son travail effectué en février que des mois plus tard ! Or la proximité de la reconnaissance liée aux actions est importante. Si vous pouvez faire un bref feedback toutes les 2 semaines, c’est positif. En fait il ne faut pas se demander ce que l’on doit faire, mais plutôt examiner ce que l’on peut faire !


10. Quelle est la plus-value d’un feedback, tant pour la personne qui l’émet, que pour le destinataire, voire pour une équipe ?
Comme déjà dit, ce qui motive les gens c’est le fait de connaitre les conséquences de leur travail et leur impact sur les choses. Pour la personne qui émet le feedback, la plus-value est liée au fait que les gens motivés seront plus performants et que l’environnement professionnel sera meilleur. Avec le feedback, on améliore la qualité de vie au travail mais également l’efficacité, la réalisation des objectifs de l’organisation, c’est pour cela que le feedback est si important !
S’agissant du feedback pour une équipe, il est nécessaire de réfléchir à sa forme et d’évaluer ses conséquences potentiellement négatives si l’on veut rester sincère. Il y a en effet un risque que certains qui recevraient une critique perdent la face devant d’autres. On peut toutefois motiver les personnes en soulignant leurs réalisations devant leurs collègues, cela fait partie de la reconnaissance sociale et professionnelle. Si je fais un bon travail, que toute l’équipe est contente et me le témoigne, que le responsable me remercie, il y a un impact collectif, un impact sur la culture du service. Le mécanisme du feedback étant basé sur le principe de la confiance, si les gens reçoivent et se donnent des feedback entre eux, cela transforme la culture du travail, cela développe l’authenticité et la confiance, cela peut améliorer les relations au sein d’une équipe.


11. Quelle est la plus-value concrète d'un feedback collectif ?
A propos du feedback collectif, cela pose peu de problème de valoriser une personne plutôt qu'une autre, si c'est légitime. Si le feedback est objectif et qu'il n'est pas basé sur une impression, celui-ci aura un effet d'exemplarité pour les autres personnes. Le feedback n'a pas seulement un effet de valorisation mais aussi d'exemplarité. Si par exemple le responsable dit de quelqu'un qu'il est "ouvert", "super intelligent", ce sont des impressions pouvant laisser penser que les autres ne le sont pas, créant ainsi un problème. Mais si l’on parle des conséquences, par exemple "le travail a pu être réalisé, je ne croyais pas qu'on y arriverait, X a fait cela", c'est objectif et le feedback a alors un impact. Dans ce cas, non seulement l'action est reconnue, mais les personnes se disent aussi que leur travail se voit. Si on a l'impression que notre travail ne sert à rien, on n’y trouve pas de sens et l’on est démotivé. Le feedback est une manière de donner du sens, probablement l’une des plus faciles.


12. Comment procédez-vous pour mettre en place un feedback ?
Je suis libéral quant à la manière de procéder ! Je me suis rendu compte que la méthode importe peu, il faut faire preuve d'un maximum de flexibilité. Prenons par exemple une équipe de nettoyage externalisée qui nettoie des bureaux hors des heures de travail de ceux qui les occupent usuellement : c'est propre en partant et sale quand elle revient. L'équipe recommence à nettoyer jour après jour et à terme, est démotivée. Dans cet exemple, il n'est pas possible que les personnes occupant les bureaux donnent un feedback à l'équipe de nettoyage puisqu’elles ne se croisent pas. Il s'agit ici de faire autrement. Il est alors mis en place que certaines personnes membres de l'équipe de nettoyage évaluent leur propre travail régulièrement sur un post-it, que cette auto-évaluation quotidienne soit reprise avec le responsable d'équipe en fin de semaine, celui-ci n'étant pas présent sur le lieu de travail. L'expérience montre que cette méthode, certes non classique, fonctionne dans ce contexte. Ici s’évaluer soi-même, mais surtout pouvoir parler du résultat de son travail avec d’autres à court terme permet de prendre conscience de la conséquence de ses actes.
On rejoint ce que vous disiez sur le fait que ce sont les conditions qui sont plus importantes que la méthode, le fait de « pouvoir » plutôt que de « devoir » faire un feedback…
Il faut effectivement adapter la méthode du feedback à la réalité de terrain. Il est intéressant de se poser les deux questions suivantes quand on donne un feedback : est-ce que la personne va pouvoir voir les conséquences de ses actions ? Et est-ce que cette personne a toujours à l’esprit les conséquences de ses actions ? 


13. Quelle forme devrait prendre un feedback ?
Voici les principaux critères pour un feedback de qualité :

  • L’immédiateté : Il faut que la personne sache qu'il y aura un feedback. Si ce dernier se fait trop tard ou est moins fréquent, l'essentiel de l’activité de la personne ne va pas pouvoir être abordé.
  • L’impartialité : Le feedback ne doit pas être utilisé, instrumentalisé ni avoir d'objectif caché. Il s'agit au contraire de montrer l'effort d'impartialité afin de créer de la confiance, qui se construira à long terme. Il faut traduire par des actes que le feedback n'est pas instrumentalisé.
  • L’orientation « action », l’accent sur le « faire » et la solution : Ce critère souligne la différence entre un état et une action, tout comme l'utilité de parler des efforts, des réalisations de la personne, ou encore de ce qu'elle peut faire. Evoquer ce que la personne est, par exemple "bête" ou "émotive", n'est pas utile car celle-ci ne pourra pas changer facilement, même en étant ouverte. Il importe de parler de ce que les personnes ont fait ou peuvent effectuer différemment. En tant que politicien, je reçois toutes sortes de feedback, allant de la menace jusqu’aux félicitations. Mais ce qui me touche le plus, c'est lorsque les personnes reconnaissent les efforts fournis ou remercient pour ce qui a été fait, en indiquant en quoi la réalisation a été utile. Comme tout le monde j'ai besoin de feedback, d’avoir une reconnaissance que mes efforts ont été utiles. 
  • La brièveté : Cela ne veut pas dire que le feedback est tout le temps bref. Le feedback doit surtout être faisable, l'idée étant que la personne prenne conscience régulièrement de la conséquence de ses actes.


14. Quel suivi donner au feedback ?
Je recommande que le feedback ne soit pas instrumentalisé ni hostile. S'il n'est pas repris, s'il ne fait pas partie d'une construction plus grande, le feedback lassera la personne qui le reçoit, laquelle aura alors le sentiment qu’il est inutile. Le feedback doit faire partie d'une ligne de progrès. L'aspiration à long terme ne doit pas être détruite par un seul feedback qui serait perçu comme hostile. Au contraire, le feedback concernant un travail qui ne correspondrait pas aux attentes doit être intégré à un suivi sur le long terme qui soit pérenne.


15. Comment s'effectue un feedback dédié à la personne responsable par une personne membre de son équipe ?
Il revient à la personne responsable de faire en sorte qu'il y ait un lien de confiance avant de demander un feedback. Pour ma part, ce type de feedback d'un membre du personnel à un responsable semble être une mission impossible, les membres de l'équipe ne vont pas oser donner un vrai feedback à leur responsable et vont trouver une solution pour éviter d’y répondre.
Si vraiment la responsable souhaite un feedback de la part de son équipe, je recommande d'abord de créer de la confiance, puis d’insister pour obtenir un feedback. Si finalement une personne ose donner un feedback, la responsable va devoir sauter sur cette occasion. Il s'agira alors de ne pas se justifier, mais de remercier la personne qui aura émis ce feedback et d’y donner suite en la revoyant individuellement une semaine plus tard. Lors de cette rencontre, la responsable pourra lui indiquer avoir réfléchi au feedback reçu, évoquer ce qu'elle compte entreprendre pour modifier tel ou tel aspect de celui-ci et demander son avis. La personne ayant émis le feedback verra alors que celui-ci est valorisé par sa responsable. Cette dernière prévoira dans son agenda une nouvelle rencontre à court terme, un mois plus tard, afin de vérifier avec la personne qui lui a donné un feedback, si le changement est perçu.


16. Quels sont les contre-indications et les points d’attention lorsque l’on souhaite faire un feedback ?
Les principales contre-indications sont évidemment les suivantes :

  • Ne pas donner de feedback devant d'autres personnes.
  • Ne pas en donner uniquement lors de l'entretien d'évaluation (long, rare, très évaluatif).
  • Ne pas donner de feedback ou effectuer une critique sur ce que les gens sont.


Concernant les points d’attention :

  • Il s'agit d'effectuer des feedback stimulants. S'ils ne le sont pas, ou s’ils ne sont pas suivis d'effets, il faut alors procéder différemment, adapter.
  • La forme est importante. Il y a des personnes qui blessent en pensant que c'est une vertu de dire sans filtres. Or si l'objectif est d'améliorer les choses, ne pas faire attention à la forme de son message peut avoir des conséquences négatives.
  • Se préparer. Qu'est-ce que vous dites quand une personne croit être super bien alors que vous trouvez qu'il y a un problème ? Calmez-vous la personne en lui disant que tout va bien ? Ou vous lui dites qu'il y a un problème en blessant la personne ? Les deux solutions ne conviennent pas. Alors que faire pour trouver la bonne manière ? Comment ne pas mentir, ne pas trahir la confiance ?

Pour ma part, je fais attention à ce que je dis pour être sincère, c'est un vecteur de la confiance qui demande beaucoup d'effort et de temps. On est parfois tiraillé entre dire et ne pas blesser les gens. On peut être parfois dans des situations difficiles. Il faut y réfléchir en amont, s’y préparer, si nécessaire faire appel à des techniques de communication. Les relations humaines sont ce qu'il y a de plus compliqué. La préparation est importante : respecter les critères d’un feedback de qualité, réfléchir à des formulations qui incitent à "faire mieux" plutôt qu'à celles qui focalisent sur ce qui n'est pas bien.
Surtout, le processus doit être naturel et ne pas sonner faux. C’est pour cela qu’un bon système de feedback est personnalisé à l’organisation, voir à une équipe donnée. C’est vraiment le rôle du leader de gérer cette question.

17. Le feedback n'est donc pas à prendre à la légère car cela peut avoir des conséquences…
J'aimerais dire qu'il est simple de faire un feedback… mais non ! On a tendance à sous-estimer la complexité des relations sociales. Par exemple, si vous avez très mal au ventre, que vous avez peut-être une hémorragie ou une appendicite, y allez-vous à l'intuition? Non ! Vous allez voir un médecin. Dans des situations complexes, il faut consulter des spécialistes. C'est normal, ce n'est pas une faiblesse que de faire appel à des personnes qui ont une expertise, qui peuvent nous aider. Il faut accepter que dans certaines situations, il est recommandé de faire appel à des spécialistes pour faire un feedback correctement.


18. A l'ère du télétravail, faudrait-il prendre des précautions supplémentaires pour les feedback ?
Dans télétravail, il y a "télé" (loin) et "travail". Le travail doit être perceptible et s’il ne l'est pas, si le supérieur hiérarchique n'a pas de vision du travail effectué, il existe un risque de perte de motivation. 


19. S’agissant de l’introduction d’une culture du feedback au sein d’une entreprise, quels sont vos conseils, notamment en matière de communication aux membres du personnel ?
Je propose de partir de petites expériences d'abord, tester – améliorer – tester – améliorer. Ce serait une catastrophe d'effectuer une communication top-down. Il s'agit de commencer par de petites équipes et petit à petit vous allez voir… Il faut accepter que l’on ne fait pas toujours bien du premier coup, qu'il faille expérimenter.

 

Pour aller plus loin : Conférence HUG décembre 2018

 

Image Pixabay, auteur: Ridho Illahi

Date de publication
15 octobre 2024