Vous avez écrit un livre pour enfant intitulé "Tichéri a les cheveux crépus". Qu'est-ce qui vous a motivé ? Pourquoi vouloir écrire pour les enfants et dans quelle perspective ?
Pour instaurer de la diversité dans les livres jeunesse, et introduire une nouvelle norme: oui nous sommes tous différents mais pas à sens unique. Ce ne sont pas les autres qui sont différents des blancs en sous-entendant que les blancs feraient partie d'une certaine norme, mais les humains qui sont tous différents les uns des autres. Avec cette idée là, il est plus facile d'instaurer une idée d'égalité entre nous tous, et de permettre à ces futurs adultes d'être à l'aise avec le concept de la diversité.
De nombreux projets de prévention du racisme anti-Noir.e.s ont été et seront présentés à l'avenir (souhait de la Ville et du Canton de Genève). Quels projets ou quelles initiatives vous auraient, vous, personnellement, été utiles dans votre parcours ?
La possibilité de connaître la véritable histoire de l'Afrique et d'avoir accès aux héros et héroïnes noirs du monde entier. Il faudrait que l'étude de l'histoire de l'esclavage ne soit pas en option, mais obligatoire.
Si les élèves afrodescendants étaient au courant des empires africains et de toute l'histoire avant l'arrivée des européens, l'estime d'eux-même ne pourrait qu'en être élevée.
Si on leur parlait des poètes, des artistes, des scientifiques, des inventeurs, des stratèges militaires, des résistant.e.s noir.e.s qui ont existé. Si lorsqu'on parle de l'Afrique ou des noir.e.s en général à l'école ce n'est pas uniquement en montrant des images de bidonvilles, de misère et j'en passe, la conception que les élèves quels qu'ils soient se feront des personnes noires changera déjà (en attendant que les choses changent dans la société également).
Dans quels domaines pensez-vous que le racisme anti-Noir.e.s est le plus patent aujourd'hui (enseignement, monde du travail, logement, santé, espace public, médias, politique, etc.). De même, dans lesquels de ces domaines pensez-vous que le racisme anti-Noir.e.s a les conséquences les plus désastreuses ?
Le racisme anti-noir.e.s est inhérent à la société dans laquelle nous vivons car c'est grâce à lui qu'une société capitaliste peut exister. Il se manifeste donc sous différentes formes plus ou moins visibles, plus ou moins brutales, mais de manière régulière qu'il soit conscient ou non. Je pense qu'il est important d'inculquer aux élèves que le monde capitaliste est basé sur la racisme et que simplement avec cela, il est possible d'avoir des idées, des mots, des actions racistes sans forcément être quelqu'un de raciste. Ces idées sont tellement ancrées dans l'inconscient collectif qu'elles sont souvent ignorées, mais le fait de l'enseigner en classe pourrait permettre une meilleure compréhension de la situation telle qu'elle est (sans culpabiliser qui que ce soit, mais simplement en posant les choses sur la table), et permettre d'ouvrir le débat pour de vrai. Il est tout à fait sain de ne pas être d'accord sur tout, mais si chacun se mettait à la place de l'autre, il serait possible de comprendre l'autre tout en n'étant pas d'accord, tout en restant sur ses positions, mais le fait de comprendre l'autre, permettrait aux deux idées opposées de se rejoindre au milieu afin de trouver un terrain d'entente.
Ne pas se mettre à la place de l'autre, ne pas tenter de comprendre son point de vue, revient à réfuter tout ce qui peut sortir de sa bouche et tout débat, toute avancée devient purement et simplement impossible.
Crédit photo : Jo Simones
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