En savoir plus sur la situation de l’aide sociale à Genève

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3 octobre 2025
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Image d'illustration générée par l'intelligence artificielle
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En hausse, les montants inscrits au budget 2026 pour l’aide sociale témoignent d’une précarité croissante dans le canton. Tour d’horizon de cette problématique sous forme de questions-réponses.

L’aide sociale à Genève est délivrée par l’Hospice général (Hg). Le département de la cohésion sociale (DCS) en est l’autorité de surveillance et a notamment pour mission de proposer au Conseil d’État et au Grand Conseil la dotation financière adéquate pour que l’Hg puisse assumer ses missions. La grande majorité de ces montants est consacrée à couvrir des charges dites contraintes, c’est-à-dire des dépenses obligatoires découlant directement de l’application des lois et règlements. Ces charges ont pour finalité de garantir que toute personne remplissant les critères d’éligibilité puisse bénéficier des prestations d’aide sociale indépendamment de la conjoncture économique ou budgétaire du canton. L’aide sociale n’intervient qu’en dernier recours, après épuisement des revenus, de la fortune et des autres prestations sociales. En 2025, le budget de l’Etat de Genève prévoit une enveloppe d’environ 573 millions de francs pour l’aide sociale délivrée par l’Hg. Ce montant est en augmentation pour 2026.

Comment expliquer les besoins financiers croissants de l’Hospice général ?

Ces besoins supplémentaires s’expliquent par une augmentation sans précédent des recours à l’aide sociale depuis la fin 2022 (près de 40% sur 3 ans) qui traduit une précarisation croissante des habitantes et habitants de notre canton. À titre comparatif, la croissance actuelle dépasse largement celle observée pendant la crise du COVID (< 10%).

Le nombre de dossiers suivis par l’Hospice continue d’augmenter. Par conséquent, ses besoins financiers devraient dépasser de 18 % les prévisions du budget 2025 d’ici la fin de l’année. La projection à 18 808 dossiers pour 2025 a été dépassée durant l’été avec 18 878 déjà enregistrés à fin août. Le dispositif enregistre près de 600 nouveaux dossiers par mois (soit une hausse de 24% par rapport à la moyenne annuelle de 2024).

Chiffres Hg 2023-2025 :

HG
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Cet accroissement n’est pas imputable à la nouvelle Loi sur l’aide sociale et la lutte contre la précarité (LASLP) puisque la mise en œuvre de cette dernière date de janvier 2025. Or, l’augmentation du nombre de dossiers à l’aide sociale précède la mise en œuvre de la LASLP puisqu’elle était déjà de 10.7% entre fin 2023 et fin 2024, ce qui constitue un fait sans précédent.

Les tendances pour l’année 2025 suivent la même trajectoire et ont donc conduit l’Hg à déposer une demande de crédit supplémentaire pour un montant de 51.4 millions. S’il est accepté par la commission des finances courant octobre, cela porterait le budget total de l’Hg pour l’aide sociale à près de 625 millions de francs pour l’année en cours.

Comment tout cela s’inscrit-il dans le projet de budget 2026 du canton ?

Au projet de budget 2026, les prestations d'aide sociale délivrées par l'Hg progressent de 70.5 millions de francs, dont 1.9 million de francs destinés à développer des mesures d'insertion professionnelle.

Quelles sont les causes de l’augmentation sans précédent des recours à l’aide sociale ?

Les spécificités socio-économiques propres à Genève fournissent plusieurs éléments d’explication. A savoir : un environnement urbain et dense, une population relativement jeune, un marché de l’emploi très concurrentiel, marqué par une précarisation croissante (emplois à durée déterminée, temps partiels, missions temporaires, etc.), touchant particulièrement les personnes peu qualifiées, un taux de familles monoparentales deux fois supérieur à la moyenne nationale (10.3% à Genève vs 4.7% en Suisse) ainsi qu’une proportion plus élevée de jeunes sans certification de degré secondaire II (12.3% à Genève versus 9.2% en moyenne nationale).

À cela s’ajoutent un coût de la vie particulièrement élevé (loyers, primes d’assurance maladie de 26.1% supérieures à la moyenne nationale et en augmentation de 22% en 3 ans, coûts de la santé, , inflation, etc.) en parallèle à une augmentation générale des prix à la consommation. Tous ces éléments impactent fortement le porte-monnaie d’une part croissante de la population active.

Ce contexte structurel accroît la vulnérabilité de certaines catégories de la population, conduisant à un recours accru à l’aide sociale. Face à ces déterminants structurels, l’Hg a mené une première étude fin 2023 pour identifier les causes de la hausse inédite du nombre de bénéficiaires. Il en ressort qu’aucun facteur isolé (marché du travail, santé, endettement, logement, divorces, etc.) ne permet d’expliquer à lui seul cette évolution. Le phénomène semble résulter du cumul des vulnérabilités par les bénéficiaires et de la complexification de leur parcours de vie.

Il y a par ailleurs un tournant lié à la crise du Covid-19. Les répercussions de la crise sanitaire semblent perdurer aujourd'hui encore pour une partie de la population bien que l’inflation ait ralenti, notamment celles et ceux qui disposent de contrats de travail précaires ou dont la santé est fragile. Certaines personnes auraient épuisé leurs ressources personnelles avant de devoir solliciter l’aide sociale aujourd’hui. Afin d’objectiver ces hypothèses, une étude a été lancée en juin 2025 par l’Hg. Elle analysera les trajectoires de toutes les personnes qui ont touché une prestation d’aide sociale depuis fin 2023 avec des résultats attendus pour la fin de l’année.

Où se situent les augmentations les plus fortes ?

Les tendances 2025 montrent une augmentation des familles, en particulier des couples avec enfants et des familles monoparentales. Les personnes actives (ayant un revenu lié à une ou des activités professionnelles) augmentent fortement (28% par rapport à 21% en 2024), démontrant la fragilisation du marché du travail genevois.

Ce contexte est ressenti par tous les acteurs du champ social genevois : institutions cantonales, associations et services sociaux des communes qui enregistrent tous une forte hausse des demandes et constatent une complexification des situations.

Qu’est-ce qui est mis en œuvre pour remédier à cette situation ?

Lutter contre la précarité implique de s’attaquer à ses causes structurelles — éducation, santé, logement, travail — pour prévenir la dégradation des conditions de vie.  Soulignons par exemple que plus de 70% des jeunes adultes qui ont demandé l’aide sociale en 2025 n’ont achevé qu’une formation primaire ou secondaire I (cycle d’orientation) malgré l’obligation de formation jusqu’à 18 ans (FO18), norme constitutionnelle en vigueur à Genève.  Se focaliser sur la seule hausse des bénéficiaires de l’aide sociale revient à traiter un symptôme sans agir sur les causes. L’Hospice général n’a qu’un impact limité sur les entrées dans le dispositif d’aide sociale. Son rôle porte essentiellement sur l’accompagnement social et les sorties du dispositif.

Le nombre de sorties est quant à lui de 346 dossiers par mois, soit une hausse de 6% comparé à la moyenne annuelle de 2024. Toutefois, le nombre de sorties pour augmentation de revenu diminue, alors que les sorties vers l’AI et l’AVS augmentent. A noter que le nombre de sorties pour raisons d’amélioration économique a légèrement augmenté en juillet et août par rapport à juin, mais restent en dessous des chiffres du 1er trimestre.

Afin d’inverser la tendance, le Plan directeur cantonal de l’employabilité (PDEm), récemment adopté par le Conseil d’Etat, ambitionne de faire de l’employabilité un levier stratégique qui renforce à la fois les individus dans leur parcours professionnel que les entreprises en leur permettant de mieux accéder à une main d’œuvre adaptée à leurs besoins et à l’évolution du marché du travail.  Parmi les mesures prévues par le PDEm, citons par exemple un logiciel unique de correspondance entre les compétences recherchées et proposées pour toutes les institutions de placement d’usagers. 

Une collaboration renforcée entre l’Hg et l’OCE existe déjà pour le placement des personnes avec un Permis S. Celles-ci sont placées par l’OCE, via le service d’insertion professionnelle de l’Hospice général (SIP), qui sélectionne les dossiers les plus proches du marché du travail.

Par ailleurs, le service d’insertion professionnelle de l’Hg  a été renforcé avec le développement d’une unité Contact entreprises, qui accompagne les entreprises dans leur recherche de candidates et de candidats, l’évaluation (en cours) de toutes les mesures socioprofessionnelles afin d’optimiser le suivi des bénéficiaires et d’améliorer l’efficacité des dispositifs.

Un nouveau modèle d’accueil, reposant sur l’implication de travailleurs sociaux de permanence et la mise en place de commissions interprofessionnelles, vise à permettre aux personnes proches de l’emploi de sortir plus rapidement de l’aide sociale

Parallèlement, pour faire face à la hausse de la précarité, le département de la cohésion (DCS) a mis sur place en février dernier une cellule de crise stratégique et opérationnelle. Composée du DCS, de l’Hg, de communes et d’associations, elle a eu pour mission d’identifier et d’analyser les causes et les effets de cette augmentation dans les structures d’aide publiques et privées, d’anticiper le plus précisément possible ses impacts financiers sur l'aide sociale et de définir rapidement des mesures pour contenir son évolution.

Le DCS travaille actuellement sur plusieurs actions qui visent à diminuer la précarité et in fine le recours à l’aide sociale, ainsi qu’à améliorer les sorties de l’aide sociale. Citons en vrac la réforme des prestations complémentaires familiales (PCFam) - qui vise à réduire la pauvreté des familles actives en agissant en amont du dispositif d'aide sociale -, le renforcement de l'insertion socioprofessionnelle sous l'angle de la LASLP, l’évaluation et potentiel renforcement des projets-pilotes « Objectifs jeunes » et « Jeunes adultes en formation et actifs/ves (JAFA) », l’examen systématique du droit à une retraite anticipée pour les bénéficiaires de l’aide sociale ou la création d’un dossier social unique qui améliorerait les performances de l’Hg et des autres services sociaux.

Est-ce que l’augmentation du budget pour l’aide sociale est une fatalité ?

La hausse des charges contraintes dans le cadre du budget 2026 proviennent notamment du domaine social. Elle est la résultante de l’application des lois et règlements dans un contexte de hausse de la précarité. Mais la hausse des charges ne résulte pas uniquement de dynamiques subies : le Conseil d’État et le Grand Conseil ont également déployés une stratégie d'investissement social afin de permettre le déploiement de la LASLP.

Cette démarche vise à renforcer la prévention et l’insertion, et à réduire à terme les coûts liés à l’exclusion et à la précarité. Par ailleurs, il est important de rappeler que dans le cadre de la réforme cantonale de l'imposition des entreprises, la population genevoise a accepté en 2019 le contreprojet à l’initiative 170 qui avait pour objectif de renforcer les aides en faveur notamment de la classe moyenne pour le paiement des primes d'assurance-maladie.  Ainsi, ce sont près de 200 millions de francs supplémentaires qui ont été alloué au domaine du social.

 

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3 octobre 2025
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