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C’est un plaisir de vous retrouver, une année à quelques jours près, après ma première intervention à votre traditionnelle rentrée des entreprises, pour vous présenter la politique que le Conseil d’Etat met en œuvre votre faveur, Mesdames les entrepreneuses, Messieurs les entrepreneurs.
Vous vous en doutez, j’ai vécu cette première année de manière effrénée. Mais, si le temps a passé si vite, c’est que nous n’avons pas chômé.
Même si les actions de mon département sont souvent relayées dans la presse locale, la plus grande partie de mon travail reste forcément discrète.
Rencontrer des dirigeantes et des dirigeants d’entreprises ne se fait pas dans le fracas médiatique et les grands effets d’annonce. Mettre une administration entière en marche derrière un projet ambitieux de transformation structurelle de l’économie ne se fait pas en quelques mois. Slalomer entre les peaux de bananes (et se relever quand on a glissé) fait toujours perdre un peu de temps, un peu d’énergie et, certains jours, un peu de courage.
Mais le jeu en vaut la chandelle, et je perçois déjà les fruits de notre engagement commun!
Il y a une chose que j’aimerais partager avec vous : je me demande si je suis bien la même personne que celle se présentait devant vous l’an passé, fraîchement entrée dans ses fonctions. On me l’avait dit. Je le confirme : la fonction transforme la personne qui l’incarne, indubitablement ! C’est peut-être la première leçon que nous donne la politique. Rien ne vous prépare vraiment à une fonction exécutive stratégique, comme Conseillère d’Etat : ni vos convictions politiques, ni votre expérience professionnelle, ni vos connaissances ou vos compétences personnelles. Rien. Seule la mise en situation crée votre compétence, votre force.
Ce qui m’a motivé à être conseillère d’Etat, c’est que je suis persuadée que malgré les crises à répétition, et d’une gravité exceptionnelle – comme la crise énergétique annoncée –, il est possible de redonner confiance aux Genevoises et aux Genevois, en lançant les entreprises sur les rails de la transition vers une économie circulaire, durable, prospère et équitable. Et, ceci, en créant des emplois nécessaires et non dé-localisables, pour répondre, ici et maintenant, à l’urgence climatique.
Je crois que c’est Margaret Thatcher qui disait: "En politique, si vous voulez des discours demandez un homme, si vous voulez des actes demandez une femme."
C’est vrai, cette pensée est sexiste, mais je dois bien avouer que je me retrouve assez dans la femme dont elle parle, la femme qui agit. Si je ne partage ni les idées ni les méthodes de l’ex-première ministre britannique, j’aimerais bien que l’on puisse dire de moi… que je suis à ma manière une "dame de faire" (mais faire: f-a-i-r-e), et que mon action politique aura permis, modestement à Genève, de passer de la parole aux actes en mobilisant les entreprises pour marier économie et écologie, prospérité et bien-vivre, et diminuer les risques de désastre, tout en se préparant à un avenir très incertain.
Je ne vais donc pas faire mentir Mme Thatcher, dans ce haut-lieu du libéralisme genevois qu’est la FER (F-E-R, la bien nommée), et j’aimerais que nous fassions ce qui est nécessaire, ensemble: avec conviction, au-delà de nos émotions et de nos préjugés.
La semaine passée, j’ai par exemple mis en œuvre une mesure pour que quarante-cinq entreprises puissent bénéficier, dès maintenant et avec le soutien de l’Etat, de diagnostics pour entamer leur transition vers la durabilité.
En réaction à mon initiative, le député PLR Vincent Subilia, directeur général de la CCIG, a dit que "la durabilité n’a pas de couleur" et que "les entreprises font partie de la solution". Je suis d’accord et je dirais même plus: c’est dans les entreprises que se trouve la solution! L’année dernière, ici même, le président Ivan Slatkine avait d’ailleurs beaucoup insisté sur l’importance de la transition écologique des entreprises.
Je me réjouis donc que les entreprises membres de la FER Genève, comme de la CCIG, rejoignent en nombre les programmes et accélèrent – sans l’aide de l’Etat quand leur trésorerie et leurs réserves le leur permettent – les investissements indispensables pour leur avenir et pour l’avenir de Genève.
La plupart des dirigeantes et des dirigeants d’entreprise que je rencontre tous les jours le savent bien, qu’il n’y a qu’une seule planète Terre, que nous n’avons qu’un seul territoire genevois, qu’il faut le ménager avant de l’aménager, qu’il est de notre devoir à toutes et tous, entreprises, institutions privées et publiques, de le préserver et de garantir son avenir. Pour nous et pour nos enfants.
Merci donc à la Fédération des entreprises romandes de me donner l’opportunité de vous dire simplement ce que j’ai accompli, au nom du Conseil d’Etat, en une année, et ce que je continuerai à accomplir, si les électrices et les électeurs me renouvellent leur confiance.
Ces douze derniers mois ont mis les entreprises genevoises devant des défis totalement inédits.
Tout d’abord, il a fallu accompagner les entreprises qui, pour beaucoup d’entre elles, ont dû refaire surface après les vagues successives d’épidémie de Covid.
J’aimerais rappeler l’immense effort de solidarité des contribuables envers les entreprises. 3200 entreprises ont bénéficié de 2020 à 2022 de plus de 500 millions de francs d’aides à fonds perdu, dont 400 millions que j’ai validés depuis mon arrivée.
Dans le même esprit, l’initiative "pour une contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes", qui demande de la solidarité – pendant cinq ans, selon le contreprojet que nous proposons – aux personnes les plus fortunées d’entre nous (et qui ont vu leur fortune croître pendant la pandémie) est, pour la majorité du Conseil d’Etat, un retour équitable.
Puis, nous avons dû faire face aux conséquences de l’invasion de l’armée russe en Ukraine et à l’impact des sanctions prises à l’encontre de la Russie par le Conseil fédéral, notamment dans le secteur du trading, et aujourd’hui, nous devons nous préparer à une crise énergétique majeure. Dans l’attente d’une stratégie claire du Conseil fédéral, j’ai déjà pris rendez-vous avec l’UAPG pour évaluer les risques liés à une pénurie énergétique pour les entreprises genevoises, et pour coordonner des actions préventives ou d’éventuels besoin d’aide.
Malgré les temps mauvais qui s’annoncent, je reste cependant optimiste, comme vos clients d’ailleurs. Les perspectives économiques que la BCG a publiées début juillet montrent que les affaires ont repris et que les carnets de commandes sont pleins.
Notre économie résiste bien, et les chiffres de l’emploi restent satisfaisants. Cependant, vous le savez aussi bien que moi, notre tissu économique présente des fragilités.
Cette année, j’ai dû faire face à deux événements majeurs pour l’économie genevoise: tout d’abord, le départ de Genève du siège de Firmenich, fleuron de notre industrie depuis 127 ans.
J’ai été surprise par cette annonce, vous le savez. Mais j’ai surtout regretté de n’avoir, de ce fait, rien pu tenter pour convaincre l’entreprise de rester sur sol genevois. J’ai rapidement convenu avec Firmenich de nous revoir régulièrement dès cet automne. Je tiens à m’assurer que les promesses (maintien des 1400 emplois et neutralité fiscale) soient tenues. De notre côté, nous saurons offrir à la nouvelle entité DSM-Firmenich les conditions cadres pour le maintien et le renforcement de leur activité à Genève (notamment la division "Arôme et Parfum" du groupe, qui est un secteur au développement prometteur), ainsi que pour la conservation des emplois, voire la création de nouveaux emplois à Genève.
Un autre dossier qui m’a beaucoup occupée ces dernières semaines est la mise en conformité de l’entreprise Uber avec le droit suisse, suite à un arrêt du Tribunal fédéral qui confirmait que les chauffeurs Uber devaient bel et bien être considérés comme des employés et non comme des indépendants. L’occasion pour les taxis genevois de réclamer que j’interdise tout simplement Uber… c’est un peu comme si la Migros me demandait d’interdire la Coop, ou vice-versa!
Suite à l’échec de la procédure de conciliation entre Uber et les syndicats, j’ai repris personnellement en main le dossier. Nous avons parfois négocié jusqu’à des heures avancées de la nuit… je vous laisse imaginer le face-à-face parfois très tendu entre Uber Europe et les syndicalistes genevois, que vous connaissez bien!
La négociation a permis d’aboutir à des garanties solides données par Uber. Sur cette base, le travail de fond entre partenaires sociaux a maintenant commencé, dans des commissions techniques tripartites.
Je suis convaincue que l’économie de plateforme est un secteur d’activité extrêmement important pour l’avenir, notamment pour la mobilité des personnes et des marchandises (la livraison), mais pas seulement.
L’économie de plateforme est devenue un besoin social et révolutionne le monde du travail. Il est primordial de l’accompagner pour garantir des conditions de travail dignes et le respect des normes environnementales.
La plateforme est un outil numérique qui permet de faire coïncider avec une grande précision l’offre et la demande d’un service.
Les gains de productivité qui en découlent sont énormes. C’est la répartition de leurs bénéfices qui est aujourd’hui loin d’être optimale.
Ces gains devraient être équitablement répartis entre le consommateur (baisse du prix de la course), le chauffeur (augmentation de ses revenus) et les fournisseurs de la plateforme (qui devraient pouvoir en vivre correctement).
Nous devons donc innover en la matière, réglementer cette industrie, relocaliser ce service, s’assurer que les bénéfices soient imposés ici et préserver les données des utilisateurs et des chauffeurs ou autres professionnels.
Je suivrai le dossier Uber avec une très grande attention, dans la mesure des compétences cantonales et en coordination avec les autres cantons suisses et la Confédération.
Le département de l’économie et de l’emploi a par ailleurs continué à délivrer des prestations de haute qualité en matière de promotion économique, d’emploi et de contrôle du marché du travail - et je remercie mes services pour l’immense travail accompli au quotidien.
Sur le plan de l’emploi, le taux de chômage se situe aujourd'hui au niveau d'avant la crise sanitaire.
Bien sûr, ceci ne doit pas occulter les besoins spécifiques de certains: jeunes, seniors et celles et ceux qui cumulent les difficultés. Permettre à chacune et à chacun de trouver un travail, de le conserver ou de se reconvertir, en particulier dans les secteurs indispensables à la transition écologique: c’est un des principaux défis que le Conseil d’Etat entend continuer à relever, avec vous et avec le Grand Conseil.
Je ne peux que me réjouir que vous, cheffes et chefs d'entreprise soyez de plus en plus nombreux à annoncer systématiquement vos postes vacants à l'OCE et à recourir à ses services. Par ce "réflexe OCE", vous avez ainsi contribué au développement de l'économie genevoise et au maintien de la paix sociale. Je vous en remercie chaleureusement.
Et comme Tribunal fédéral nous l’a encore rappelé la semaine passée, l’insertion des demandeuses et de demandeurs d’emploi doit se faire dans leur intérêt et avec leur collaboration.
En matière d’inspection des relations de travail, cette année a été marquée par le déblocage de plusieurs situations et je ne peux que m’en féliciter. C’est un signal encourageant pour le partenariat social.
Dans le secteur du commerce de détail, le dialogue social qui avait été interrompu suite à deux votations populaires, a repris.
Sur le site de l’aéroport, le 1er juin 2022, un nouveaux contrat type de travail est entré en vigueur dans le secteur de l’assistance au sol. Pour la première fois, des conditions minimales de travail s’appliquent à l’ensemble du personnel, y compris les auxiliaires et les temporaires. Ce nouveau cadre restaure une situation de concurrence loyale tout en renforçant les droits des salariées.
Quant au dossier Uber, je vous en ai déjà parlé.
Ces trois exemples mettent en évidence l’importance et l’intérêt – pour tous – de négocier pour permettre d’éviter que les inévitables tensions sociales ne se transforment en conflits longs et douloureux.
Lutter contre le travail au noir est pour moi une priorité. C’est indispensable à la fois pour une concurrence loyale entre les entreprises et pour le respect des conditions de travail. Cette année, nous avons donc renforcé le dispositif de contrôle du marché du travail, et je planche, à la demande des partenaires sociaux, sur un projet de loi sanctionnant le travail au noir dans la construction.
C’est pour la même raison que me bats pour l’accès à la formation et au travail des jeunes déboutés de l’asile. Cela ne concerne que quelques cas, mais ils sont hautement symboliques pour la mission historique et l’image actuelle de Genève, cité d’accueil.
Notre prospérité genevoise est trop dépendante des soubresauts d’une mondialisation aujourd’hui de plus en plus chaotique.
En matière de promotion économique, ma priorité est donc de renforcer les entreprises ici. Celles qui contribuent à améliorer notre souveraineté alimentaire, notre souveraineté sanitaire, notre souveraineté énergétique, notre souveraineté industrielle, notre souveraineté numérique. C’est-à-dire nos capacités de résilience. C’est ma manière de m’engager dans un "patriotisme de territoire". Si toutes les régions du monde produisaient un peu plus localement, les marchés mondiaux seraient plus équilibrés, l’humanité plus prospère et la planète ne s’en porterait que mieux.
Nous savons que pour faire face aux défis de demain, les entreprises doivent consentir à des investissements considérables. En vous aidant à réorienter vos modèles d’affaires et vos processus de production, pour produire avec moins de matière et moins d’énergie, l’Etat vous permet de vous projeter dans le monde de demain, tout en mettant en œuvre sa politique publique climatique.
Comme je vous l’ai déjà dit l’an passé, je me réjouis beaucoup de continuer à travailler avec vous toutes et vous tous qui avez à cœur de relever les multiples défis qui sont devant nous.
Quand je dis "vous toutes et vous tous", je pense à toutes les entreprises que j’ai rencontrées, aux innombrables visites, inaugurations, séances de travail que j’ai faites avec vous tout au long de l’année, et à toutes les autres que je n’ai pas pu encore rencontrer.
Etre ministre de l’économie et de l’emploi, c’est bien sûr travailler pour toutes les entreprises installées à Genève, sans exclusive, des multinationales aux TPE. C’est ce que j’ai fait, et ce que je continuerai à faire.
Comme vous pouvez le constater, notre commune entreprise a
- du grain à moudre,
- du pain sur la planche
- (et je ne rentrerai pas des croissants et des décroissants!),
- mais surtout des réserves inépuisables d’énergie - toujours renouvelable - pour une croissance… de la qualité
Je vous remercie.