Quand le courage et la persévérance des apprentis sont récompensés

Idiatou Diallo et Ibrahima Ndiaye font partie font partie des six lauréats du Prix du Mérite et de l’Encouragement, décerné au mois de juin dernier
Idiatou Diallo et Ibrahima Ndiaye font partie font partie des six lauréats du Prix du Mérite et de l’Encouragement, décerné au mois de juin dernier
Au mois de juin dernier, les Rotary Club Genève Sud et Lac ont récompensé six jeunes aux parcours de vie difficiles. Portraits de deux lauréats qui ont trouvé leur voie grâce à CAP Formations.

«Volonté, courage, résilience». Ces mots résonnent dans les discours des représentants du Rotary Club Genève Sud et Lac en cette fin de journée orageuse au moment de remettre leurs Prix du Mérite et de l’Encouragement. Ils s’adressent à six de jeunes actuellement en apprentissage en dépit des nombreux obstacles qui ont déjà jalonné leur vie.

C’est aussi l’occasion de relever le travail des conseillères et conseillers de CAP Formations de l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (OFPC) de Genève.

Parmi les lauréats, Idiatou Diallo, 22 ans, et Ibrahima Ndiaye, 23 ans, ne cachent pas leur fierté. Et ils ont de quoi l’être.

Apprentie et maman

Idiatou Diallo n’est encore qu’une adolescente quand sa mère l’envoie depuis la Guinée rejoindre sa grande sœur en Suisse. Elle ne monte pas dans un avion. Elle n’a pas de papiers. Son chemin passera par la Méditerranée avant d’arriver à destination. Après dix-huit mois de vie clandestine, la jeune fille s’intègre enfin dans le système scolaire, apprend le français et tente de survivre dans un environnement familial délétère. Son fils naît lorsqu’elle a 20 ans. Elle ne possède alors ni permis ni formation.

Une rencontre sera pour elle décisive. Lorsqu’elle pousse la porte d’Audrey Egger, conseillère à CAP Formations à l’OFPC, le vent commence à tourner. Cette dernière lui insuffle l’énergie nécessaire pour se lancer dans une recherche de stage puis d’apprentissage. «Personne n’était enthousiaste à l’idée d’engager une jeune maman, se souvient Idiatou. J’ai beaucoup pleuré chez Madame Egger lors des entretiens. Mais chaque fois que je regardais mon enfant, il me donnait la force de me battre.»

Grâce à la ténacité de sa conseillère, le Centre de formation professionnelle construction (CFPC) accepte de lui donner sa chance. Et c’est le début de l’ère des bonnes nouvelles. Coup sur coup, elle obtient son permis, un logement décent et une place de formation d’aide-menuisière AFP, dans un domaine qu’elle affectionne depuis l’enfance.

Quand l’humain compte

«J’ai besoin d’une formation pour avoir une vie meilleure. Je veux gagner mon salaire et ne pas dépendre de l’aide sociale, martèle la jeune femme. En Afrique, je vivais à côté d’une entreprise d’ébénisterie, où j’aimais aller. J’ai choisi de travailler le bois parce que je peux fabriquer des jouets pour mon fils et des objets pour la maison. J’apprends aussi à réparer.»

Quand on demande à Idiatou ce que lui a apporté sa conseillère à CAP Formations, ses yeux s’embuent instantanément. «Elle m’a apporté de la joie et quand je suis triste, elle est toujours là. Je peux lui téléphoner, elle me comprend. Sans elle, je serais à la maison. Son but n’est pas seulement que je décroche une place de formation, elle prend en compte tous les aspects de ma vie. Elle a toujours croisé les doigts pour moi et ça a dû marcher. Je ne l’oublierai pas.»

Une motivation pour vivre

Ibrahima Ndiaye grandit auprès de sa grand-mère au Sénégal. Une grand-mère qu’il chérit au moins autant que sa mère partie vivre en Italie, puis en Suisse. Il a 16 ans lorsqu’il la retrouve et la vie s’organise autour d’une fratrie de six enfants. Peu avant la crise sanitaire du Covid-19, sa mère puis sa grand-mère décèdent dans un court intervalle. L’adolescent sombre.

À 18 ans, il s’inscrit à CAP Formations sans conviction. Sa conseillère Adriana Vazquez enclenche alors une dynamique qui va peu à peu l’élever et lui redonner espoir. «Mme Vazquez m’a inscrit à des cours de renforcement et a décroché pour moi des stages. Elle m’a aussi encouragé à élargir mon horizon de recherches et j’ai finalement trouvé un métier qui me donne la motivation de me lever le matin.»

Apprenti carreleur CFC, Ibrahima vient d’achever avec succès sa deuxième année, mais il se souvient: «J’ai pensé tout arrêter. Je m’enfermais dans ma chambre avec une haine contre cette injustice de la vie qui me prenait tout ce que j’avais de plus cher d’un coup. Je me sentais vide et abandonné. Et c’est CAP qui m’a aidé. Après la pandémie, j’ai pris conscience de ce que faisait pour moi Mme Vazquez. Elle me rappelait les rendez-vous, insistait pour que je vienne, elle était toujours derrière moi pour que je ne lâche pas. C’est la première fois, après le décès de ma mère, que j’ai senti un vrai soutien de quelqu’un qui voulait que j’aille jusqu’au bout. C’est pour ça que je me suis remotivé à venir à chaque rendez-vous, à reprendre les cours à l’UOG (ndlr: Université ouvrière de Genève), jusqu’à ce que je trouve cette place d’apprentissage. On a créé un lien et si je réussis, je sais que ça va la rendre fière.»


«Mon aide et mes conseils sont de l’huile dans les rouages»

Audrey EggerTrois questions à Audrey Egger, conseillère à CAP Formations

En quoi consiste concrètement votre travail?

J’offre un soutien et une aide aux jeunes âgés entre 15 et 25 ans qui sont à la recherche d’une formation. Je personnalise mon accompagnement avec les partenaires étatiques et associatifs pour être au plus proche des besoins de la personne qui souhaite décrocher une place d’apprentissage. Cela va de la petite aide en jetant un coup d’œil au dossier de candidature envoyé aux entreprises, à une aide plus importante comme créer un réseau de professionnels de la santé et permettre au jeune de prendre soin de lui avant son entrée en formation.

Le temps d’un rendez-vous d’une heure, je soigne l’accueil et l’espace offerts aux jeunes parfois malmenés par la vie. Offrir cette aide, c’est offrir du temps pour mieux se retrouver, mieux se connaître et entamer un travail de discernement par la personne accompagnée: pourquoi se former? Quelle profession peut me correspondre? Quel métier pourrait me permettre de me sentir utile?

Ensemble, on décide des étapes à mener pour atteindre la signature d’un contrat d’apprentissage: effectuer des stages en entreprise pour découvrir le monde professionnel et le métier envisagé, se préparer aux entretiens d’embauche et aux évaluations demandées par les associations de métiers. Aussi, je reçois les parents des jeunes accompagnés ayant des questions sur le système de l’apprentissage et je les éclaire sur les perspectives de la formation professionnelle, parfois sous-évaluées.

Jusqu’où peut aller votre engagement?

Les jeunes sont leur propre moteur sur leur chemin menant à l’entrée en formation. Mon aide et mes conseils sont de l’huile dans les rouages, mais ce sont eux qui me permettent de faire partie intégrante de leurs démarches. Mon engagement s’arrête à la reprise d’une formation qualifiante.

Les jeunes passés par CAP sont-ils suivis une fois qu’ils sont en formation?

Une fois leur entrée en formation, ils quittent CAP Formations, mais ils ne sont pas seuls durant leur apprentissage: ils sont entourés par la personne responsable de la formation en entreprise, les commissaires, les conseillers en formation de l’OFPC, le centre de formation professionnelle (CFP) et, dans certaines situations, les psychologues conseillers en orientation de Pro Apprentis.


Les Rotary Club s’engagent pour les jeunes

Depuis quinze ans, les Rotary Club s’engagent dans des actions professionnelles avec CAP Formations. Ils proposent des simulations d’entretien d’embauche lors de la Cité des Métiers - l’Expo et au Printemps de l’Apprentissage.

Leur but? Donner des conseils aux jeunes candidates et candidats sur leur dossier de postulation et sur leur présentation.

Ils récompensent aussi à chaque fin d’année scolaire de jeunes apprenties et apprentis suivis par CAP Formations avec les Prix du Mérite et de l’Encouragement.

Texte et photos : Iris Mizrahi , OFPC, DIP, Genève