
Mesdames et Messieurs,
Chères et chers collègues,
Chers partenaires engagés auprès des enfants et des familles,
C’est avec une profonde reconnaissance que je m’adresse à vous aujourd’hui. Vous qui, chaque jour, accompagnez, soutenez, et parfois même portez à bout de bras les familles de notre canton.
La parentalité est un enjeu fondamental, déterminant même, pour le bien-être de nos enfants. Elle mérite – et je dirais même, elle exige – d’être au cœur de nos politiques publiques. À Genève, nous avons cette chance : un maillage dense, riche, composé de professionnels engagés auprès des familles. Ce tissu est précieux. Il est notre force.
Je prends la parole à la suite de l’intervention très éclairante de Carl Lacharité, dont les travaux ont largement contribué à structurer notre compréhension du soutien à la parentalité. Son approche, intégrant facteurs de risque et de protection, est précieuse lorsqu’il s’agit de construire une politique publique autour des 1000 ou 2000 premiers jours.
Au sein du département de la cohésion sociale, nous accompagnons des familles particulièrement vulnérables. Dans leur cas, les facteurs de risque sont trop bien connus. La précarité en est un, elle touche les familles à faible revenus, de nombreuses familles migrantes et très souvent les familles monoparentales. Les familles en situation de précarité fréquentent moins les structures de la petite enfance, faute de moyens et parfois, faute d’informations. Souvent, elles sont prises dans un engrenage d’isolement social. Dans certains cas, ces familles sont hors radars, invisibles, marginalisées. Et c’est précisément là que notre engagement doit être le plus fort.
À l’inverse, nous connaissons aussi les facteurs de protection. L’entourage, les solidarités de voisinage, la famille au sens large. Ce sont des ressources immenses… mais qui, dans le cas de nombreuses familles migrantes, sont dramatiquement absentes. Dans ces situations, ce sont bien souvent les professionnels de nos institutions qui deviennent les piliers, les repères, les relais. Le travail de prévention que nous menons est aussi un facteur de protection essentiel, qui doit être appliqué sans relâche.
Rappelons l’intention formulée en amont de cette journée de travail : donner aux enfants du canton les mêmes chances de développement, dans toutes ses dimensions – physique, psychique, affective, cognitive, sociale, culturelle – dans un environnement favorable et ce, dès le projet de parentalité. La question qui nous réunit aujourd’hui est donc celle-ci : comment accompagner au mieux les familles vers ce but ? Comment réduire les facteurs de risque ? Comment renforcer les facteurs de protection ?
Des réponses existent. Une panoplie d’outils a été développée et testée ces dernières années. Certains de ces outils ont démontré leur efficacité. Ils forment aujourd’hui une base de connaissances précieuse, un début de référentiel commun sur lequel nous devons nous appuyer. Mais pour accompagner de manière adéquate les familles de ce canton, il est désormais temps de passer à l’échelon supérieur.
Nous toutes et tous, dans nos domaines respectifs du social, de l’éducation et de la santé, nous devons nous approprier ce référentiel commun, l’alimenter et partager les bonnes pratiques. Concrètement, cela exige de renforcer le travail en réseau, la coordination entre nos départements et avec le secteur privé ainsi que la structuration de nos actions. À l’échelle cantonale, l’engagement de mes collègues Anne Hiltpold et Pierre Maudet et le mien est total pour que nous puissions fédérer nos forces, instaurer une véritable cohérence pour forger un réel réseau centré sur la famille.
Permettez-moi de m’attarder sur certains de ces outils qui ont déjà démontrés leur plus-value. Je vais mentionner trois dispositifs que je connais bien car ils ont été développés dans mon département en collaboration avec le DIP, le DSM et les communes.
D’abord, le programme « Bientôt à l’école ! », qui accompagne les familles peu avant la première rentrée scolaire de l’enfant. Des groupes de discussion sont organisés pour les parents, afin de leur donner des informations sur les étapes de la rentrée scolaire et le soutien qu’elles et ils peuvent apporter à leurs enfants. Pendant ce temps, leurs enfants participent à des activités en français avec d'autres enfants du même âge. Le programme cible prioritairement les familles allophones, isolées, qui sont éloignées de la culture scolaire genevoise et dont l'enfant n'a pas pu bénéficier d'une prise en charge en structure d'accueil.
En les accompagnant dans la période délicate de la rentrée, on renforce grandement les chances d’une intégration scolaire réussie de l’enfant. Cette étape est capitale, car elle va conditionner la suite du parcours de l’individu. « Bientôt à l’école » est reconduit chaque année en partenariat étroit avec les autorités communales, les établissements scolaires volontaires et le DIP.
Autre exemple : le festival « Les chapiteaux enchantés », organisé pour la sixième année consécutive cet été. Il propose, sous chapiteaux, des activités gratuites favorisant le lien parent-enfant. Il a été lancé l’été 2020, celui de la pandémie, lorsque toutes les structures d’accueil et les lieux de socialisation des enfants étaient fermés. Le festival a été monté en quelques semaines pour offrir un espace de jeu et des activités stimulantes aux enfants, indispensables pour leur bon développement.
Aujourd’hui, des centaines de familles fréquentent les chapiteaux dans les espaces verts des 7 communes partenaires. Au-delà de leur apparente légèreté, ces moments répondent à de véritables enjeux de politique sociale : maintien d’activités stimulantes durant la pause estivale pour les familles à faibles moyens, soutien langagier et cognitif pour les enfants, accompagnement discret mais précieux des familles isolées. Aussi, ces chapiteaux deviennent des lieux d’orientation vers les prestations existantes dans les communes pour l'année à venir.
Nous avons également développé les Espaces de logopédie petite enfance (ELPE), en collaboration avec les HUG et le département de la santé et des mobilités. Ces espaces permettent un accompagnement précoce sur les questions de langage et de communication – déterminants majeurs dans le développement global de l’enfant.
Ces projets élaborés au sein du DCS rejoignent une constellation d’autres dispositifs au sein du DIP, au DSM, sans compter les initiatives dans le secteur parapublic et privé. Ensemble, les domaines de la santé, de l’éducation et du social renforcent bien l’accompagnement des familles… mais cette constellation est encore trop fragmentée. Ce n’est pas la qualité qui manque, c’est l’agencement, la lisibilité, l’articulation.
Ce constat, je ne l’invente pas. Je l’entends régulièrement de la bouche des professionnels sur le terrain et il est désormais confirmé par une évaluation que j’ai souhaité lancer. Une consultation a été menée de mai à octobre 2024 auprès des professionnels des espaces et dispositifs d’accueil des 0-4 ans et de leurs parents. La consultation concerne 20 structures d’accueil genevoises, 42 entretiens avec des professionnels et un échange sous forme de consultation ouverte. Les résultats seront publiés à la rentrée scolaire. Je peux déjà vous livrer ceci : ils corroborent ce que vous savez, ce que vous observez sur le terrain. Il faut mettre en place une coordination pour les professionnels et construire ensemble une communauté de pratique, renforcer la visibilité de vos prestations auprès des familles et développer une offre incluant une plus grande mixité sociale accessible à toutes les familles.
Alors aujourd’hui, j’aimerais vous inviter à imaginer.
Imaginons une Maison des familles et de la parentalité. Un lieu d’accueil, d’écoute, de soutien, d’orientation. Un lieu pour les familles où les parents sont valorisés dans leurs compétences parentales, mais aussi un lieu par les familles où elles peuvent créer du lien, participer et être force de proposition. Un lieu qui rassemble et fédère familles et professionnels de la petite enfance au sens large du terme. Imaginons que cette Maison des familles et de la parentalité soit aussi un centre de compétences qui permette de co-construire la relation à la société et à la communauté autour de l'encouragement précoce et du soutien à la parentalité.
Répondre aux besoins spécifiques de la communauté en offrant des services aux familles. Coordonner au plus près les actrices et acteurs de la petite enfance et leur proposer des échanges de pratiques. Un lieu d’expérimentation de nouveaux outils, d’innovation, mais aussi un espace de formation continue pour les professionnels. Un lieu qui incarne la coordination stratégique entre nos trois départements autour de l’enfant de la famille. Ce lieu, c’est la pièce manquante du puzzle. Et je suis fermement convaincu qu’il facilitera la construction d’une véritable politique publique des 1000 ou 2000 premiers jours de l'enfant.
Mesdames et Messieurs, ensemble, nous avons la capacité d’offrir à chaque famille genevoise un accompagnement solide, systémique et adapté aux besoins spécifiques de chaque nucléus familial. Cette démarche collective est essentielle pour faire de notre canton un territoire où la parentalité est soutenue, valorisée, reconnue.
Je vous remercie chaleureusement pour votre présence, pour votre engagement, et pour tout le travail que vous accomplissez au quotidien auprès des familles genevoises.