
Dans son atelier à Versoix, Laurence Imstepf virevolte entre les établis un crayon à la main, absorbée par le dessin d’un nouveau patron. Celle qui se définit volontiers comme hyperactive aura réussi, à force de détermination et d’une inoxydable passion, à se faire un nom dans la mode. Un pari fou, qui a été salué ce mardi au Palais Eynard par l’Association des communes genevoises qui lui décerne le Prix de l’Artisanat 2025.
S’habiller, coudre, imaginer des tenues, Laurence Imstepf n’a jamais dévié de sa vocation. Elle apprend la couture technique, imagine des costumes pour le cinéma et le théâtre.
De fil en aiguille
Mais sa fibre artistique vibre trop fort. Elle veut créer ses propres vêtements. Lorsqu’elle entame ses études à la Haute École d’art et de design (HEAD), à Genève, l’étudiante est déjà mère.
Pragmatique, elle explique: «Il fallait que je gagne ma vie, que je crée quelque chose d’utile. Ma collection de diplôme, c’était déjà ma marque: Mademoiselle L: «L» pour Laurence et «Mademoiselle» parce que son usage soulevait un semblant de polémique, et aussi en hommage à Gabrielle Chanel qui disait: «Il n’y a que les femmes qui peuvent habiller les femmes.»
Marque déposée
Laurence Imstepf dépose sa marque dès la présentation de sa collection, déterminée déjà par un style qui séduit plusieurs mécènes. Lauréate de sa promotion en 2006, elle remporte le Prix Brunschwig, puis la bourse du Fonds cantonal d’art contemporain, ainsi que le Lily Fashion Contest en 2012.
«J’ai vendu plusieurs pièces, acheté du matériel et je me suis lancée un peu à tâtons», se souvient la designer dont les créations se déclinent en légèreté féminine et graphique. Mais elle doute: «J’ai toujours aimé m’habiller, être différente et surtout créer de mes mains. Mais lorsqu’on travaille toute seule, on va dans tous les sens, on essaie, ça marche ou pas et c’est éreintant. J’ai même pensé tout arrêter.»
Elle est alors assistante à la HEAD. Un des professeurs l’encourage à persévérer en la guidant dans une véritable introspection. «J’ai ainsi repensé l’ADN de la marque, retravaillé le marketing. En est sortie la collection Images, qui a posé les bases d’une nouvelle époque.»
La créatrice participe à des défilés pour se faire connaître, imagine une deuxième collection. «Je ne vendais pas beaucoup, mais cela m’a permis de me recentrer. En 2015, j’ai pensé une collection entière pour la vente. L’entreprise telle qu’elle existe aujourd’hui était enfin née. »
Tenues chics et confortables
Urbaine, élégante, la femme selon Laurence Imstepf bouge dans des tenues chics et confortables, inspirées du sportswear ample et du vestiaire masculin.
Lassée par le rythme infernal des collections saisonnières, elle se réapproprie la cadence. «Depuis deux ans, je crée une seule collection par année qui couvre toutes les saisons. Chaque mois, de mars à novembre, je sors une tenue.»
Le chic éthique
Chez l’artisane, l’éthique n’est pas un concept cousu de fil blanc. «La qualité des matériaux est essentielle. Tous mes tissus neufs sont achetés en petites quantités (bambou, polyester en pet, coton organique). Je me fournis également en «deadstock» (ndlr: tissus non utilisés fabriqués pour une maison de couture) chez LVMH.»
Sans cesse en recherche de la structure parfaite, elle commande des échantillons, teste des coupes, ajuste les tombés. Et la collection prend ainsi naissance, trouvant sa logique dans une imbrication d’expériences et de tissus inspirants.
Le prix de la reconnaissance
Partageant son temps entre sa boutique The L Store et son atelier, Laurence Imstepf contrôle désormais toute la chaîne: création, production, vente. «C’est à la fois une liberté et un travail intense. J’ai la chance de faire ce que j’aime profondément. Et puis je travaille tout le temps, autrement je m’ennuie», admet cette passionnée.
Elle assure avoir enfin trouvé le bon équilibre. «Je vends plus en produisant moins. J’ai des clientes fidèles, mais la mode est volatile. On aime ici, on achète là-bas. Recevoir le Prix de l’Artisanat représente une immense fierté d’être reconnue à la fois par des représentants des arts et de l’économie. Car travailler seule, c’est aussi se mettre à nu.»
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Texte : Iris Mizrahi, Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue, DIP
Photo de couverture: Iris Mizrahi, Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue, DIP
Article également paru dans la Tribune de Genève du 16 Mai 2025