Madame la directrice,
Mesdames et Messieurs,
C’est un plaisir d’être parmi vous ce matin et de vous adresser quelques mots en ouverture de ce colloque au programme passionnant !
Si aujourd’hui, c’est davantage la santé de notre planète qui occupe les esprits quand on parle de durabilité, c’est pourtant bien de l’avenir de l’être humain dont il s’agit en premier. La durabilité, c’est inscrire les activités dans les limites écologiques de la Terre en assurant les besoins sociaux fondamentaux pour l’humanité.
L’accès à la santé est un droit fondamental et la santé en général est dépendante du contexte socioéconomique, en partie façonné par les politiques publiques. En Suisse, on peut globalement dire que la population est en bonne santé. Nous devons cependant continuer à nous préoccuper de l’évolution de la santé dans un contexte de vieillissement de la population, de transition numérique, d’accroissement des inégalités et de changement climatique.
Et quand on parle de santé, le débat se concentre rapidement sur le système des soins. A raison si on regarde uniquement les aspects financiers : en 2021, en Suisse, les prestataires de soins ont généré des factures pour plus de 36 milliards de francs. A Genève, ce montant s’élève à 2,4 milliard. Mais les soins sont en bout de chaîne d’une politique de santé publique. En première ligne se trouvent la promotion et la prévention de la santé qui représentent quant à elles… à peine 3% des dépenses totales du système de santé suisse. 3%…
La Suisse se situe ainsi dans la moitié inférieure des pays de l’OCDE pour les dépenses liées à la promotion et prévention. Il faut clairement changer l’allocation des ressources et se donner les moyens d’agir en amont.
La santé et sécurité au travail est un vecteur très important des politiques de prévention et de promotion de la santé. Comme la durabilité, c’est une démarche systémique qui comprend l’humain dans son environnement de travail et de vie. L’objectif, selon l’OIT, est d’offrir un lieu de travail sain et sûr. Encore faut-il aujourd’hui pouvoir identifier le lieu de travail et le périmètre d’action de l’entreprise. Mais il est largement prouvé que si l’environnement de travail peut être bénéfique et ainsi contribuer aux objectifs de santé publique, il peut aussi être source d’accidents et de traumatismes physiques ou psychiques.
En tant que ministre de l'économie et de l'emploi, je considère que les compétences de santé et sécurité au travail sont aujourd’hui trop peu intégrées dans les cursus de formation. En Suisse, la santé et sécurité au travail est encore très souvent traitée comme un complément que l’on ajoute au cahier des charges d’un membre du personnel. L’importance qu’on lui confère est ainsi tributaire des charges de travail, des autres priorités de l’entreprise, des moyens financiers et de l’implication de la hiérarchie. Une meilleure intégration des aspects santé et sécurité dans les programmes de formation initiale, académique et professionnelle, à tous les niveaux, contribuerait certainement à renforcer la culture de prévention des accidents et des maladies professionnelles.
Je fais également le lien avec les enjeux d’employabilité que nous traitons au sein de mon département. Être en capacité de se former tout au long de sa vie professionnelle est aussi un moyen de prévenir les difficultés qui découlent de la transformation des métiers et des conséquences au niveau de la santé : difficulté d’adaptation, méfiance et inquiétude vis-à-vis de processus qui se digitalisent, sentiment d’insécurité face au monde du travail.
L’employabilité est une responsabilité commune des individus, des employeurs et de l’Etat. Nous devons agir ensemble dans un contexte d’activité professionnelle et pas uniquement lors des situations de « rupture » comme le chômage ou l’aide sociale. Le coût pour les collectivités publiques et pour les individus est énorme pour se remettre dans la boucle et raccrocher le monde du travail. Cela fait partie intégrante du champ de l’économie circulaire.
Mes actions en tant que ministre de l’économie et de l’emploi visent à déployer à Genève une économie basée sur la circularité qui sort de l’économie linéaire du produire-consommer-jeter. Quels impacts sur la santé et la sécurité au travail ? Est-ce que les processus de recyclage, de réemploi, de réutilisation sont plus sûrs ? Est-ce que les emplois verts sont nécessairement plus sains ? Il faut s'en assurer et le prévoir.
Ce qui est certain par contre, c’est que le changement climatique a des conséquences néfastes sur les conditions de travail. On pense en premier lieu à l’augmentation des températures qui accroissent la pénibilité. Des métiers tels que l’agriculture ou la construction sont particulièrement exposés. Les travailleuses et travailleurs sont soumis à des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes et extrêmes. L’exposition à la pollution ainsi que le travail dans des environnements instables sont d’autres facteurs de risque liés au changement climatique.
J’encourage les professionnels de la santé au travail que vous êtes à prendre en considération ces impacts dans vos évaluations, de même que ceux liés à l’économie circulaire. Au niveau de l’entreprise, les mesures concrètes pour la durabilité doivent nous permettre d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris et ainsi prévenir une augmentation des risques sur la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs.
Le département de l’économie et de l’emploi s’engage depuis 2 ans à accompagner les entreprises vers la durabilité. Une première volée de 42 entreprises a bénéficié d’un diagnostic action portant sur leurs pratiques durables. Le résultat : 400 recommandations dont plusieurs portent sur les questions de santé au travail. Dans le secteur de la construction par exemple, une entreprise a décidé d’améliorer les bases vie sur les chantiers pour son personnel, des locaux propres et ventilés qui permettent un meilleur repos. Une autre entreprise dans la construction a décidé de mettre en place une mesure pour organiser les transports professionnels qui sont source de stress pour les collaboratrices et collaborateurs.
Deux exemples qui illustrent, si la démonstration devait encore être donnée, que santé au travail et développement durable vont de pair. Les transformations du monde économique vers la durabilité touchent à l’organisation et à la gouvernance des entreprises. Le niveau stratégique, premier pilier des politiques de santé-sécurité, doit être mobilisé pour offrir à toutes et tous un environnement de travail sûr et sain.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite une excellente matinée en compagnie d’orateurs et oratrices de qualité!