
Mesdames les Policières,
Messieurs les Policiers,
En tant que conseillère d’État chargée du département des institutions et du numérique (DIN), j’ai l’honneur et la responsabilité de vous transmettre, au nom du Conseil d’État, un message de confiance et de reconnaissance à l’occasion de votre cérémonie d’assermentation.
A travers cette prestation de serment, vous accédez pleinement à une institution essentielle qui se réjouit de vous accueillir dans ses rangs.
En rejoignant le corps de la police genevoise, vous devenez les garantes et les garants de notre sécurité mais aussi de notre cohésion sociale, et donc de notre bien-vivre ensemble. Pour cela, recevez ici, Mesdames et Messieurs, nos chaleureuses félicitations et nos sincères remerciements pour votre engagement et votre dévouement.
Cette cérémonie, qui se déroule dans un cadre exceptionnel, revêt une portée particulière. Elle réunit en effet les trois pouvoirs – le législatif, le judiciaire et l’exécutif – afin que chacun puisse entendre et recevoir votre serment.
Elle réunit aussi vos familles et vos formateurs, des citoyennes et des citoyens, ainsi que des membres des médias. Car, s’il vous appartient en propre, ce serment de responsabilité, de service et de loyauté engage également l’ensemble de notre communauté.
Ce moment solennel appartient à toute la République et c’est ainsi qu’il restera gravé dans vos mémoires comme dans celles de vos proches.
Désormais, vous vous devez d’incarner ce que Genève a de meilleur : ses valeurs, sa justice, son équité, sa tolérance et son intégrité. Cette responsabilité, vous la porterez en tout temps – en service et hors service.
Elle doit être source de fierté, mais aussi d’humilité et de vigilance, car vous portez également l’engagement de Genève à servir sa population et à en protéger ses membres, particulièrement les plus vulnérables.
« Servir et protéger », est votre devise. Non seulement il vous faudra l’incarner dans chacune de vos interventions, mais vous devez aussi l’exprimer par votre exemplarité quotidienne.
Et aujourd’hui, Mesdames et Messieurs, je souhaite insister sur cette notion d’exemplarité.
Vous le savez, ces dernières semaines, dans notre région, des comportements indignes ont ébranlé la confiance de la population envers ses forces de sécurité. Cela est grave.
De telles dérives ne sont pas des faits isolés et elles impliquent de rappeler que le respect des valeurs ne s’arrête ni aux heures de service, ni aux frontières de l’uniforme.
En tant que membres de la police, votre responsabilité est constante. La confiance du public repose en toutes circonstances sur vos attitudes, vos paroles, vos décisions et vos actes – mais aussi sur votre capacité à expliquer ces actes d’autorité aux citoyennes et citoyens qui y sont confrontés.
Dans sa Lettre de la prison de Birmingham, Martin Luther King écrivait en 1963 : « Une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier. »
Cette observation nous rappelle que chaque dérapage, chaque manquement individuel mine la confiance collective, mais qu’inversement chaque geste de justice, si modeste soit-il, renforce la démocratie tout entière.
Soyez donc exemplaires, Mesdames et Messieurs, en tout temps, en tout lieu, qu’il soit réel ou virtuel. Votre posture sera celle de l’équilibre et de l’intégrité, entre exercice de la force publique et défense des droits. Cela exigera parfois de questionner un ordre, une habitude ou de résister à la pression – qu’elle vienne de l’opinion publique, des médias ou de vos pairs.
Ce droit de questionner vous est accordé parce que vous incarnez la loi du plus juste, et jamais celle du plus fort. Il vous est accordé car l’exercice du monopole de la force légitime exige cette capacité à discerner – toujours selon les mots de Martin Luther King – que « toute loi qui élève la personnalité humaine est juste. Toute loi qui dégrade la personnalité humaine est injuste. »
Dans votre travail, vous serez particulièrement exposé-e-s à des dilemmes et à des tensions. Mais les risques ne proviennent pas seulement de l’extérieur : ils se trouvent aussi dans la tentation de banaliser certains comportements ou de fermer les yeux sur des pratiques contraires à l’éthique.
Un ordre ou une attitude qui seraient contraires à l’éthique ou à la dignité humaine ne sont pas seulement discutables, ils méritent le refus. Ce refus d’enfreindre vos valeurs cardinales fera de vous des professionnel-le-s responsables, intègres et dignes de confiance.
La police est garante de la loi du plus juste contre la loi du plus fort. Elle doit protéger et servir la population sous sa garde, quels que soient son origine, son statut civil, son âge ou sa condition sociale. C’est cela la mission démocratique que vous portez désormais par votre serment.
Votre responsabilité est grande. Vous êtes investis du pouvoir régalien de l’État, ce pouvoir sans lequel notre démocratie ne pourrait fonctionner. Mais ce pouvoir n’a de sens que s’il est exercé avec retenue, avec équité et dans le strict respect des droits fondamentaux.
La confiance que vous devez inspirer à la population est aussi votre bouclier protecteur dans votre action quotidienne et il est dans votre intérêt, et le nôtre, que vous sachiez la cultiver.
Cela implique déontologie, intégrité et vigilance. Vigilance car toute société démocratique peut dériver et se perdre si la violence ou la compromission se banalisent. L’histoire nous enseigne que les pires excès ne commencent pas par des décisions spectaculaires et tonitruantes, mais au contraire par une succession de petits dérapages et de petits renoncements.
Après avoir suivi le procès d’Eichmann à Jérusalem, en 1963, Hannah Arendt lançait cet avertissement : « Le plus effrayant dans le mal, c’est qu’il est commis par des gens ordinaires qui ne se rendent pas compte qu’ils font le mal. »
Puisse cette citation résonner en chacune et chacun d’entre nous comme un rappel et comme une mise en garde.
Mesdames et Messieurs, votre uniforme vous confère une autorité, mais c’est votre intégrité qui fera vivre la confiance que la République place en vous.
Aujourd’hui, à l’instar de vos familles et ami-es qui vous ont soutenu-es et accompagné-es, à l’instar de vos formateurs qui vous ont transmis valeurs et savoir, nous vous faisons confiance : nous avons foi en votre esprit critique, en votre sens du devoir, en votre engagement, et en votre volonté de servir et protéger, avec justice et humanité.
Que votre carrière soit enrichissante et inspirante et qu’elle exprime toujours un engagement éthique irréprochable.
Vive la Police genevoise !
Vive la République et canton de Genève !
Carole-Anne Kast
Conseillère d'Etat