
ueules-de-loup, amarantes, œillets et tournesols se déploient dans la boutique en bottes touffues ou en bouquets. Derrière le comptoir, Dana Husmann prend une commande au téléphone pendant qu’Eloïse Pfeiffer achève un arrangement de fleurs séchées. Des rôles souvent interchangeables entre la patronne et son apprentie. Toutes deux s’amusent de leur complicité, inhérente à leur mode de fonctionnement.
«C’est vous la patronne?»
Du haut de ses 25 ans, Dana Husmann est déjà bien installée dans le paysage urbain du quartier des Pâquis, en ville de Genève, avec son échoppe Flower addict, ouverte en mars 2022. «Dans un quartier vivant et populaire, un magasin de fleur fait plaisir. On propose des productions locales agrémentées d’un accueil chaleureux.» Et la clientèle apprécie, s’étonnant parfois de la jeunesse de la patronne malgré ses dix ans d’expérience. «J’ai toujours voulu être fleuriste, affirme-t-elle. Après le Cycle d’orientation, j’ai immédiatement enchaîné avec le CFC et travaillé ensuite comme cheffe de magasin. Puis l’envie de me lancer m’a saisie.»
Même si tenter l’aventure de l’entrepreneuriat n’a rien d’une sinécure, la jeune patronne ne se plaint guère: «Je peux choisir les fleurs qui me plaisent, créer selon mon style. C’est une liberté folle, mais aussi beaucoup de travail.»
Très vite, l’idée de la transmission de son savoir-faire s’impose comme une évidence. «En tant qu’ancienne apprentie et scout, je veux donner la chance aux jeunes, comme on me l’a donnée. Il faut absolument leur offrir des places pour qu’ils aient confiance en l’avenir.»
Un binôme de fleuristes épanoui
Sa première apprentie, Eloïse Pfeiffer, 20 ans, imagine également son avenir dans les fleurs dès l’adolescence, mais elle choisit de parfaire d’abord sa culture générale. Après l’ECG, elle entame son apprentissage de fleuriste dans une grande structure avant d’être engagée, en deuxième année, dans cette boutique de quartier.
«Je gère la plupart des bouquets et Dana supervise mon travail. Comme elle peut compter sur moi, elle s’occupe plus de la gestion, mais elle m’aide aussi», explique l’apprentie. Unies par une philosophie commune, les deux jeunes femmes travaillent selon des modalités encore peu répandues dans le monde professionnel. «Quand Eloïse a réussi son premier bouquet, j’étais fière comme une maman, alors que notre différence d’âge est minime, s’amuse Dana. Elle prend ainsi confiance en elle, apprend à gérer toute seule la boutique et comment réagir avec les clients.»
Au fur et à mesure, elle confie à Eloïse des tâches plus complexes. La dernière en date? Une commande importante, en anglais, de décorations florales pour un mariage.
«Il est vrai que le rapport patronne-apprentie est flouté. Mais en période de stress, je l’écoute et me conforme à ses directives. Il existe quand même entre nous une hiérarchie», admet Eloïse en lançant un regard complice à sa patronne. «Il s’agit plus de respect mutuel, tempère cette dernière. Même lorsqu’il faut prendre des décisions, j’aime demander plusieurs avis. Et puis, les compétences linguistiques d’Eloïse me sont bien utiles; quand je peine avec un client en anglais, elle vient me souffler les mots dans l’oreille.»
Plus familière, moins stricte, la nature de leur rapport se situe aux antipodes de la transmission verticale. Fleuristes de quartier, elles osent les créations originales, s’inspirent des tendances sur les réseaux sociaux. «Les clients viennent parfois avec des captures d’écran et nous demandent de les copier selon la mode des fleurs, révèle Eloïse. On crée aussi des décors de livres ou un arrangement floral sur un paquet-cadeau. Sans oublier les fleurs séchées, plus écologiques car elles durent longtemps.»
Ensemble, patronne et apprentie prennent des risques, découvrent de nouvelles techniques, s’intéressent aux multiples interprétations de leur métier dans d’autres pays. Et surtout, elles cultivent l’audace et une passion vorace pour la liberté de fleurir comme bon leur semble.
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Texte : Iris Mizrahi, Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue, DIP
Photo de couverture: Iris Mizrahi
Article également paru dans la Tribune de Genève du 26 juin 2025