Chaque année, en juillet et août, la plupart des centres de formation associatifs ferment leurs portes et donnent rendez-vous aux apprenantes et apprenants à la rentrée. Pour les personnes allophones installées à Genève depuis peu et qui apprennent le français pour s’y intégrer, il s’agit de deux longs mois creux où l’on progresse peu, voire pas du tout. En somme, deux mois de perdus dans le parcours d’apprentissage. Pire : les expressions et connaissances utiles au quotidien enregistrées de longue lutte auront peut-être disparu de la mémoire à l’automne.
Confronté à ce défi, le bureau de l’intégration et de la citoyenneté (BIC) a proposé en 2015 de faire de la pause estivale le temps fort de l’intégration à Genève. La formule est simple : des cours de français de niveau débutant et élémentaire se déroulent durant les vacances scolaires dans différents parcs du canton. Ils sont gratuits, ouverts à toute personne allophone souhaitant pratiquer le français oral et les inscriptions se font sur place. Les cours sont donnés par des professionnels et ciblent l’acquisition de compétences linguistiques dans les domaines de la vie quotidienne. Les enfants sont pris en charge par une équipe éducative et participent à des activités ludiques et pédagogiques en fonction de leur âge pendant que leurs parents apprennent le français, pour que la parentalité ne constitue pas un frein à l’apprentissage de la langue. Dans la mesure du possible, un plan B couvert est prévu en cas de pluie.
La Cité a répondu présente. Dès la première édition, des personnes originaires des quatre coins du globe se sont rassemblées à l’ombre des chênes, des érables ou des pins, mues par une volonté commune de progresser en français durant l’été. L’offre répondait à un besoin. Son format original et peu contraignant l’a rendue attractive. Les partenariats se sont rapidement noués avec les communes, les centres de formation et les structures d’accueil des enfants pour élargir l’offre. Désormais, six communes s’engagent aux côtés du BIC, et tout porte à croire que d’autres rejoindront le dispositif dans les dix années à venir.
Rien qu’en 2023, près de 1000 personnes ont progressé en français, par exemple au parc de Balexert, au Jardin Alpin ou à Battelle. En dix ans, des milliers de personnes ont bénéficié de cette offre. De loin, on pourrait croire que la campagne se résume à quelques cours de français donnés à même le sol, non loin des parterres fleuris. « Français en été » vise bien à encourager l’apprentissage du français, un objectif indispensable dans tout parcours d’intégration, mais ne se limite pas à cela.
Il n’est pas rare que des personnes immigrées, faute de maîtrise de la langue et des codes sociaux locaux, ne se permettent pas d’occuper l’espace public et soient isolées socialement. Encourager la population primo-arrivante à s’exprimer en français dans les parcs, c’est l’inciter à découvrir et à s’approprier l’environnement local. L’atmosphère plus informelle des cours au parc favorise par ailleurs les rencontres entre les personnes, avec les enseignantes et enseignants et avec le personnel en charge de l'accueil des enfants. Les liens et la participation à la vie sociale s’en voient renforcés et, par ricochet, l’intégration sociale des personnes dans leur lieu de vie.
De manière très pratique, les communes profitent du dispositif pour entrer en contact avec les résidentes et résidents récemment installés à Genève, leur faire connaître leurs prestations et les points de contact de proximité. Enfin, les partenaires du projet présentent l’offre de cours français annuelle et incitent les participantes et participants à s’y inscrire sans tarder. Cela garantit la continuité et favorise une progression rapide dans l’apprentissage du français.
On l’aura compris, les bénéfices sont multiples et, vu le succès constant depuis dix ans, il n’y a plus qu’à souhaiter longue vie à « français en été » !