Troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III) : Le Conseil d’Etat présente sa stratégie de mise en oeuvre issue des travaux de la Table ronde

La troisième réforme de l'imposition des entreprises ( RIE III ) a été adoptée par les Chambres fédérales le 17 juin 2016. À Genève, les travaux constructifs de la Table ronde mise en place par le Conseil d’État se sont achevés en juillet. Le Conseil d’État présente aujourd’hui la stratégie concrète qu’il a retenue à l’issue de ces travaux pour appliquer cette réforme majeure à l’échelon cantonal. Il ouvre par la même occasion une phase de consultation auprès des partenaires concernés.

Dès le printemps 2016, lorsque les contours de la nouvelle loi fédérale se sont précisés, le Conseil d’Etat a mis en place une Table ronde qui a rassemblé, autour d'une délégation composée de trois membres de l’exécutif1, les groupes politiques représentés au Grand Conseil, les communes, la Ville de Genève, ainsi que les milieux syndicaux et patronaux.

Au cours des sept séances qui ont eu lieu entre avril et juillet 2016, les participants à la Table ronde ont pu analyser et commenter les différents volets de la réforme, leur impact et les mesures d'accompagnement envisagées, notamment l'effort attendu des entreprises pour participer au financement de prestations à la population.

Sur la base de ces discussions, le Conseil d’Etat a affiné sa stratégie pour la mise en oeuvre cantonale de la RIE III. Compte tenu de l'importance d'un tel acte législatif, et conformément à la Constitution de notre canton, il ouvre dès ce jour une phase de consultation qui doit permettre à chacune des entités ayant participé à la Table ronde – et notamment aux communes – de se déterminer formellement sur ces modalités. Au terme du délai de consultation fixé au 14 octobre 2016, le Conseil d'Etat finalisera son projet de loi de réforme cantonale, qu’il déposera en novembre devant le Grand Conseil.

Préserver l’emploi et favoriser le développement

La stratégie du Conseil d’État se veut un ensemble équilibré en faveur de la prospérité de notre canton. Elle vise en priorité à maintenir les emplois et à préserver la cohésion sociale ; elle doit permettre de maintenir la capacité concurrentielle de Genève au niveau international et d’offrir aux entreprises des conditions cohérentes au niveau lémanique.

Pour répondre à la suppression des statuts fiscaux particuliers telle que le prévoit la RIE III, le Conseil d’Etat prévoit un nouveau taux d’imposition effectif unique sur le bénéfice des sociétés, fixé à 13,49%.

Cette solution, qui introduira un traitement équitable entre tous les types de sociétés, est de nature à éviter le départ d’importantes entreprises et la suppression potentielle de milliers d’emplois. Incontestable sur le plan international, elle permet de situer notre canton dans une perspective de développement économique régional harmonieux. Compte tenu de l’existence à Genève de charges spécifiques telles que la taxe professionnelle communale, ce taux est à peu près équivalent à celui que prévoit d’introduire le canton de Vaud (13,79%).

Limitation globale des allégements

S’agissant des outils fiscaux prévus par la nouvelle loi fédérale, le Conseil d’Etat a privilégié des choix fondés sur l’utilité et la pertinence économiques, tenant compte également des effets importants que produira le nouveau taux unique.

En premier lieu, le Conseil d’Etat propose de faire un usage restrictif du plafond que pose la loi fédérale à l’impact cumulé des diverses mesures fiscales. Ces mesures sont en effet susceptibles d’induire un effet d’aubaine important pour des sociétés ordinaires qui bénéficieront déjà de la baisse du taux d’imposition. Le Conseil d’Etat entend fixer la limite de l’effet des réductions fiscales supplémentaires à 9%, alors que la loi fédérale permet aux cantons d’aller jusqu’à 80%. Concrètement, en tenant compte de l’ensemble des allégements possibles au niveau cantonal, le taux d’imposition effectif d’une société ne pourra pas être inférieur à un plancher de 13%.

Parmi les outils fiscaux disponibles, le Conseil d’Etat souhaite privilégier ceux qui sont susceptibles d’encourager l’innovation et la recherche. Il préconise d’introduire la déduction accrue des dépenses de recherche et développement, ainsi que le principe de la « patent box » qui permet d’imposer de manière privilégiée les revenus tirés de brevets et de droits similaires.

Le Conseil d’Etat n’entend pas introduire au niveau cantonal l’impôt sur le bénéfice corrigé des intérêts (NID). Cette mesure engendrerait un important manque à gagner et ne bénéficierait qu’à des sociétés qui profiteront déjà du nouveau taux d’imposition.

En vue de préserver l’attractivité fiscale de notre canton, il souhaite introduire l’imputation intégrale de l’impôt cantonal sur le bénéfice à l’impôt sur le capital, de même que l’imposition réduite pour le capital propre afférent aux droits de participations, aux droits liés à la « patent box » et aux prêts à des sociétés d’un groupe.

Mesures d’accompagnement

Le manque à gagner que subiront les cantons du fait de la réforme sera partiellement compensé par la Confédération. Selon les plus récentes estimations, Genève touchera dans ce cadre 112 millions de francs par année, via une augmentation de la part d’impôt fédéral reversée aux cantons. D’autre part, le Conseil d’Etat entend augmenter modérément la part des dividendes qui doit être soumise à l’impôt dans le cadre de l’imposition partielle des dividendes. Il en découlera un surplus de recettes fiscales estimé à 18 millions de francs.

Outre ces éléments qui atténueront l’impact financier de la réforme, d’autres mesures d’accompagnement sont préconisées par le Conseil d’Etat au plan cantonal, visant à produire des effets bénéfiques et utiles pour l’économie et pour la population.

Un prélèvement récurrent sur la masse salariale à charge des employeurs, à hauteur de 0,22%, doit permettre de collecter environ 55 millions de francs par année de manière pérenne. Ce montant serait utilisé pour financer un certain nombre de projets concrets dans les domaines de la conciliation entre vie professionnelle et vie privée (accueil préscolaire), de la formation et de la réinsertion professionnelle, ainsi que pour la mobilité, via un financement de prestations de transport public concentré sur les mouvements pendulaires aux heures de pointe.

D’autre part, l’introduction transitoire, pour une durée de cinq ans, d’une part additionnelle de l'impôt sur le bénéfice correspondant à 0,3% du taux de l’impôt cantonal sur le bénéfice des sociétés, devrait permettre de dégager un montant annuel d’environ 44 millions de francs. Il est prévu de les affecter à l’accompagnement des transitions que connaît notre économie et notre société, via des soutiens ciblés en faveur de l’innovation et de la créativité entrepreneuriales, ainsi que pour l’aide à la création d’espaces culturels, notamment dans les nouveaux quartiers urbains.

Enfin, une mesure ponctuelle proposée par la FER Genève prévoit le financement, à hauteur de 31 millions de francs, de la construction d’un centre de formation professionnelle,

Toutes ces mesures sont détaillées dans le Rapport du Conseil d’Etat mis en consultation.

Impacts financiers

De fait, la réforme proposée induira une perte importante de revenus fiscaux soit, en chiffres bruts et selon les projections statiques, 570 millions pour le canton et les communes, dont 459 millions pour le canton, En tenant compte de la compensation provenant de la Confédération et de celle générée par l’adaptation de l'imposition des dividendes, le manque à gagner s'élève à 440 millions, dont 80% à charge du canton (352 millions) et 20% pour les communes (88 millions). Ce montant se situe dans la cible de ce qui avait été anticipé. L’ensemble des compensations seront réparties de manière équitable entre le canton et les communes.

Ces projections chiffrées ont été établies selon une approche prudente et conservatrice. Elles ne tiennent en outre pas compte des effets de report partiel de l’impôt sur le bénéfice sur d’autres types d’impôts. Elles sont enfin statiques, n’incluant pas l’effet dynamique que la réforme induira à moyen terme sur l’économie et sur l’emploi et, par conséquent, sur les recettes fiscales. Une étude universitaire commandée par le Conseil d’Etat confirme à ce propos qu’un allégement de l’imposition des bénéfices, sans restriction corollaire des budgets publics, exerce un effet conjoncturel positif.

Mesures budgétaires

Le Conseil d’Etat est toutefois sensible aux inquiétudes qui s’expriment quant aux effets de ce manque à gagner transitoire sur les finances publiques et, potentiellement, sur les prestations publiques. Il propose dès lors de suspendre durant cinq ans le mécanisme du frein au déficit prévu par la loi. Durant cette période, les prestations de l'Etat pourront ainsi continuer à être délivrées sans que les déficits en lien avec la réforme n’imposent des coupes budgétaires.

Les communes, qui seront aussi touchées par les effets de la réforme, bénéficieront d’une dérogation temporaire afin de leur octroyer une marge de manoeuvre budgétaire.

Le Conseil d'Etat exclut toutefois d’assouplir le mécanisme de frein à l’endettement, qui vise à garantir la maîtrise de la dette. Son maintien constitue un socle inamovible pour la poursuite de la politique de rigueur qu’il conduit avec détermination en matière de gestion financière.

Quelques rappels sur une réforme capitale pour l’avenir de notre canton

La RIE III vise à corriger le dispositif fiscal suisse, de manière à créer un cadre juridique stable et reconnu par les autres pays. Concrètement, elle doit permettre de renforcer durablement la compétitivité des entreprises installées en Suisse, d’améliorer durablement nos conditions-cadres, de stimuler l’emploi, la recherche et l’investissement, ainsi que de faire perdurer la prospérité au bénéfice de l’ensemble de notre société.

La RIE III adapte la fiscalité suisse aux nouveaux standards internationaux en abolissant les régimes privilégiés dont peuvent bénéficier des sociétés dont l'activité est de gérer durablement des participations (sociétés holding) ou celles dont les activités sont essentiellement déployées à l’étranger (sociétés auxiliaires) et qui bénéficient d'un statut fiscal particulier (sociétés à statut). À Genève, les sociétés auxiliaires sont en règle générale taxées à un taux effectif de 11,6% au titre de l’impôt sur le bénéfice. Les sociétés « ordinaires » qui sont principalement actives sur le plan local, se voient imposer un taux effectif de 24,2%.

Cette réforme est capitale pour le canton de Genève. Les sociétés à statut y représentent environ 22'000 emplois directs (8,1% du total) et 61'000 emplois directs, indirects et induits (22,2% du total), qu'il s'agit de préserver. Ces sociétés et leurs employés directs génèrent en outre 1,1 milliard d'impôts cantonaux et communaux.

Le Conseil d’Etat se prépare depuis plusieurs années à introduire la RIE III au plan cantonal dans des conditions optimales, avec pour préoccupation première le maintien de l’emploi et de la capacité concurrentielle de notre économie. Il s’est engagé activement au plan national pour défendre les intérêts de Genève lors de l’élaboration de la nouvelle loi fédérale.