Photos de la prestation de serment - 27 mai 2025
Mesdames les magistrates, Messieurs les magistrats,
C’est avec émotion et respect que je m'exprime devant vous aujourd’hui, au nom du Conseil d'Etat de la République et canton de Genève et en tant que magistrate en charge des communes.
Ce moment est solennel, mais il est aussi profondément humain. Je tiens tout d’abord à vous adresser, à chacune et chacun d’entre vous, mes plus sincères et chaleureuses félicitations pour votre élection.
Ce succès, c’est la reconnaissance de votre engagement, le fruit d’un dialogue nourri avec la population, et la marque d’une volonté affirmée : celle de servir votre commune et ses habitantes et habitants, avec cœur, avec intégrité, avec conviction.
Permettez-moi également de saluer celles et ceux qui se sont portés candidats sans être élus. Leur engagement mérite tout autant notre gratitude. Car en démocratie, chaque candidature est une promesse: celle de se mettre au service des autres. Et cette promesse en soi mérite le respect.
Mesdames et Messieurs, nous sommes réunis dans un lieu emblématique de Genève. Un lieu chargé d'histoire. Un lieu qui résonne encore des engagements passés, et où votre parole donnée aujourd'hui fera longtemps écho.
Le serment que vous venez d’énoncer n’est pas un simple rituel. C’est un acte fort. Il vous lie à la loi, aux institutions, et à celles et ceux que vous allez représenter.
Vous avez été choisis, élus, portés par la confiance de vos concitoyennes et concitoyens. Cette confiance vous honore. Mais elle vous engage, puissamment. Car la fonction exécutive communale est exigeante. Elle demande de la compétence, bien sûr, de la rigueur, naturellement — mais aussi du courage, une disponibilité et un engagement constants. Elle exige parfois de trancher, souvent de dialoguer, toujours d’agir avec loyauté.
Vous êtes, au sein de notre République, les élus de la proximité. Le visage le plus accessible de nos institutions. Votre rôle est absolument essentiel : vous donnez chair à la démocratie, vous en êtes l'incarnation vivante.
À Genève, vous représentez un électorat élargi, plus représentatif, plus riche de sa diversité. Vous rendez accessibles les décisions politiques. Vous êtes les artisans du vivre-ensemble, les premiers à écouter, à répondre, à tendre la main.
Les communes sont des moteurs. Des cœurs battants. Leur fonctionnement est bien rodé, et leur réactivité, souplesse, solidité et capacité d'innovation ont été démontrées pendant la crise du COVID. Mais ce qui fait leur force, c’est vous. Vous qui tissez chaque jour, parfois dans l’ombre, les fils invisibles mais indispensables du lien social.
La responsabilité de magistrat communal ne se situe pas seulement au niveau financier, managérial ou juridique. Elle est éminemment humaine. Vous êtes la première porte à laquelle on frappe, que ce soit pour déclarer une naissance, organiser une fête, demander de l’aide, ou pleurer un départ.
Vous êtes là, au quotidien, pour les grands moments comme pour les petits gestes. Vous donnez corps à toutes ces choses qui contribuent à animer et à renforcer le tissu démocratique de notre canton.
Vous êtes ainsi le premier échelon de confiance institutionnelle. En prêtant serment, vous avez affirmé votre volonté de respecter les règles, de servir l’intérêt général, d’agir avec droiture.
En démocratie, la légitimité des élus est fondée sur le respect de l'Etat de droit et sur les principes de séparation et d'équilibre des pouvoirs. Pour préserver cet Etat de droit, il faut un engagement complet et impeccable de la part des autorités: Impeccable au sens étymologique du terme : "Sans pêchers."
Nul n'est au-dessus des lois. Et encore moins lorsque l'on est élu du peuple. Cette injonction, nous l'acceptons toutes et tous humblement – que l'on soit membre d'un Conseil administratif ou du Conseil d'Etat, que l'on soit membre du Conseil municipal ou du parlement ou que l'on soit juge ou magistrat du pouvoir judiciaire.
Ces principes peuvent sembler simples. Mais ils sont précieux. Dans un monde troublé marqué par l'incertitude, ils sont plus que jamais une boussole. Car nous le savons : la démocratie est un équilibre délicat. Et elle peut vaciller si nous cessons de la faire vivre avec exigence.
Nous traversons une époque marquée par la propagation et la banalisation de la désinformation et des discours de haine. Ceux-ci sont amplifiés par les réseaux sociaux qui polarisent les idées et détruisent le dialogue. Face à cela, les communes sont les premiers bastions de la démocratie. Les derniers remparts, parfois. Des lieux où la parole circule librement, où l’on débat sans s’invectiver, où l’on cherche ensemble des solutions au lieu de cultiver les oppositions.
Vous portez désormais des valeurs fondamentales : la loyauté envers les institutions et envers vos collègues, l’honnêteté dans l’action publique, le respect de la parole donnée. Ces principes ne sont pas de simples déclarations : ils doivent guider chacun de vos actes, chacune de vos décisions. Ils permettent la garantie d'espaces publics communs où, comme l'écrivait Hanna Arendt, "chacun des hommes libres [peut] s'insérer par la parole et par l'action".
C’est pourquoi dans une démocratie forte, tout peut — et tout doit — être débattu. Mais le débat suppose l’écoute, le respect, l’ouverture à l’autre. Il suppose aussi la capacité à travailler ensemble, malgré les différences, au nom de ce qui nous transcende : le bien commun et la recherche de la vérité.
Dans l’exercice de votre mandat, le dialogue avec la population, avec les institutions, avec le canton reste essentiel.
Dans ce chemin que vous allez parcourir, vous ne serez pas seuls. Le canton de Genève sera à vos côtés. Pour vous écouter, pour vous soutenir, pour bâtir avec vous cette démocratie de proximité qui est l’un des plus beaux visages de notre République.
Nous nous réjouissons de travailler avec vous, de cultiver ensemble, à l'échelle locale, ce fameux "Esprit de Genève", selon le terme inventé en 1929 par l'écrivain Robert de Traz.
L'Esprit de Genève exprime la volonté de faire primer le droit, et non la force, grâce aux procédures d'arbitrage et la concertation.
Ce terme incarne toujours un ensemble de valeurs locales d'humanisme, de justice sociale, de paix, de dialogue et d'intégrité. Il est né dans les enceintes internationales mais il vit aussi dans les quartiers, les salles communales, les marchés, les parcs, les bibliothèques, et les théâtres… là où se tisse la vie collective dans toute sa richesse et sa diversité.
Que cet Esprit de Genève puisse animer nos échanges, à travers des discussions engagées et créatives, fondées sur la transparence et la bonne foi. Qu'il contribue à façonner des solutions constructives pour toutes et tous, dans l'intérêt des citoyennes et des citoyens de notre Canton.
Mesdames et Messieurs, vous avez choisi de relever un défi exigeant. Mais ce défi vous apportera aussi de grandes joies. La joie d’un projet abouti. La joie d’une habitante ou d'un habitant satisfait. La joie de servir, tout simplement.
Au nom du Conseil d'Etat, je vous souhaite un mandat à la hauteur de vos espérances, riche en projets utiles et en rencontres humaines. Soyez fiers de la confiance que l’on vous a accordée. Soyez fidèles à vos engagements.
Ce qui nous rassemble, c'est la recherche du bien commun. Ce qui nous rassemble, c'est cet esprit de communauté.
Vive les communes genevoises ! Vive Genève ! Vive la Suisse !
Carole-Anne Kast
Conseillère d'Etat