«La route de Lausanne a longtemps été un repaire de bandits»

L'histoire de Bellevue est étroitement liée à celle du développement de l'axe qui la traverse. Essentielle aux échanges commerciaux, cette route a toujours attisé les convoitises.

Les camions n'étaient pas encore là, mais au début du XIXè siècle déjà, la route de Lausanne voyait passer de nombreux marchands ambulants faisant le voyage de Genève, important pôle d'échanges. Trônant au centre de ce trait d'union entre la Cité de Calvin et la Suisse, Bellevue a été un témoin privilégié de l'entrée de Genève dans la Confédération et des profondes mutations qu'elle a générée sur cette portion du territoire.

«Cette route a toujours eu la même mission: assurer le transport de marchandises», annonce Bridget Dommen, spécialiste de l'Histoire locale. Avant 1815, elle faisait partie du Pays de Gex. Genève se plaignait du mauvais entretien du seul lien qui la rattachait à la Suisse; inondations fréquentes, mauvais carrossage, les griefs étaient multiples. «Et elle était un repaire pour les bandits de grands chemins qui visaient les cargaisons», ajoute l'Historienne, installée à Bellevue depuis le milieu des années 1970.

La commune lacustre a su tirer profit de sa situation. Genève, encore engoncée dans ses murailles, ne pouvait accueillir certains services indispensables à l'accueil des voyageurs. Avec auberge, commerce et restaurant, Bellevue est devenue une étape incontournable. Les employés de la poste y changeaient aussi de chevaux. «Une tradition qui se perpétue aujourd'hui», remarque Bridget Dommen en prenant pour preuve la large palette de services proposés par les commerçants de Bellevue.

Dans le cadre des tractations pour que Genève entre dans la Confédération, la continuité territoriale et la sanctuarisation de la route ont été des conditions sine qua non. «Ce n'est pas un hasard si les Confédérés sont arrivés par bateau le 1er juin 1814», rappelle Bridget Dommen. La France a alors accepté de céder à Genève cette portion de son territoire, ouvrant la voie à la modernisation de l'axe.

La route a été sécurisée, tant face aux voleurs que face aux humeurs du Léman. Son tracé s'est notamment éloigné du lac, permettant l'urbanisation de ses rives. «C'est à cette époque que les grandes familles de la rue des Granges se sont aperçues de la qualité de vie offerte par Bellevue», souffle l'Historienne. Les grandes demeures qui trônent toujours sur ses rives en sont le témoignage.

Le début du XXè siècle a lui été marqué par l'arrivée de la voiture, mais aussi d'un tram (voir les photos ci-dessus). Il a rapidement dû laisser sa place au trafic routier, mais a connu un vrai succès pendant la première moitié du siècle, les guerres générant des pénuries de charbon qui limitaient la circulation des trains.

La seconde moitié du XXè siècle a été marquée par l'obligation d'adapter la route aux défis soulevés par le passage toujours plus nombreux des voitures. «Dans les années 70, il y avait encore peu de trafic mais les véhicules roulaient très vite, se souvient Bridget Dommen. Il n'y avait pas de passage pour piétons ni de trottoir. Quand les enfants sortaient de l'école, ils traversaient la route pour aller acheter des bonbons à la boulangerie», c'était très dangereux.

Un accident, sans gravité, a éveillé les consciences et des aménagements pour sécuriser la traversée de Bellevue ont été réalisés. Ils ont permis de mieux connecter la commune avec le lac et de développer les accès à l'eau.

Les travaux qui sont actuellement menés sur la route de Lausanne ont pour objectifs de renforcer encore la sécurité des piétons, de faciliter encore le passage d'un côté à l'autre de l'axe, tout en conservant le rôle historique d'axe de transit du tracé.

 

Merci à la mairie de Bellevue pour la mise à disposition des photos.