Esplanade de Saint-Antoine – 2012-2015

Les fouilles archéologiques réalisées au bout de la promenade Saint-Antoine ont révélé des vestiges inédits.

Les fouilles entreprises en 2012 sur l’esplanade de Saint-Antoine révèlent la présence d’un bâtiment du 1er s. apr. J.-C. et d’une aire funéraire remontant à la fin de l’Antiquité. Sur ces lieux, s’établit ensuite une vaste église funéraire mérovingienne entourée de son cimetière. Aux 10e-11e siècles, des tombes sont installées sur les ruines de l'édifice religieux laissant supposer la construction d’une chapelle plus modeste, attestée au 12e siècle par des sources écrites. En 1537, les vestiges sont en partie détruits par la construction du "mottet" de Saint-Laurent qui sera intégré, quelques dizaines d'années plus tard, au grand bastion de Saint-Antoine.

Le projet de réaménagement et d'abaissement du niveau de marche de l’esplanade de Saint-Antoine a permis au service cantonal d’archéologie d’y effectuer, dès mai 2012, des fouilles de sauvetage.

Fortifications modernes

Cet espace public, appartenant à la Ville de Genève, s'établit sur les anciennes fortifications du front oriental de la ville de Genève entre le 16e et la fin du 18e siècle. Les observations archéologiques devaient originellement vérifier l’existence, mentionnée par des sources écrites, d’un ouvrage défensif particulier, le "mottet" de Saint-Laurent, édifié en 1537 aux abords de la porte de Saint-Antoine. Cette construction se verra rapidement intégrée comme cavalier au-dessus de la vaste plateforme du bastion du même nom, érigé sur les lieux à partir de 1560 et dont une casemate donnant accès à son orillon sud a été ramenée à la lumière. 

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Figure 1: Bastion de Saint-Antoine (1560) avec le mottet de Saint-Laurent (1537) (Aquarelle : G. Deuber).

Le dégagement du flanc sud du "mottet", repéré au nord de la place, a par ailleurs entraîné la mise au jour fortuite d'une tombe double en coffre de pierres récupérées, remontant à la fin du 4e ou au début du 5e siècle de notre ère. Comme cette découverte laissait pressentir la préservation d'une zone funéraire plus vaste, elle remit en cause le cadre de l’intervention en cours. De fait, dès novembre 2012, celle-ci obtint, grâce au soutien des autorités municipales et cantonales alors en charge, le statut de fouille programmée, concentrée sur une surface d'env. 700 m2 dans la partie nord de l'esplanade.

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Figure 2 : Esplanade de Saint-Antoine : vue de la fouille programmée depuis le nord en septembre 2014.

Eglise Saint-Laurent

C’est dans ce nouveau contexte que se sont poursuivies, jusqu’en novembre 2015, les investigations archéologiques qui ont révélé les vestiges d’une importante église funéraire construite entre les 5e et 7e siècles : l’église Saint-Laurent entourée de son cimetière. Ces témoins recouvrent en partie les sépultures de la nécropole tardo-antique et constituent un ensemble particulièrement exceptionnel pour cette période. 

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Figure 3 : Portique ouest de l'église Saint-Laurent (5e-7e s.) : tombes en coffres de molasse entre lesquelles on distingue les coffres funéraires de la nécropole plus ancienne, présentant une orientation légèrement différente.

Ils seront, eux aussi, recouverts par des inhumations installées entre le 10e et le 11e siècle sur l'ancienne aire funéraire et le portique de l'église, alors laissé à l'abandon. On rattache, enfin, à une phase encore plus récente quelques tombes multiples, contenant plusieurs individus inhumés simultanément. Elles ont été retrouvées dans la nef de l'ancien bâtiment religieux et attestent probablement des morts causées par des épidémies. L’ensemble du corpus fouillé atteint ainsi plus de 300 structures funéraires, comprises entre la fin du 4e et le milieu du 13e siècle.

Etablissement gallo-romain

A l'ouest du secteur investigué, les vestiges d’une résidence gallo-romaine, remontant à la seconde moitié du 1er siècle ap. J.-C., ont également été repérés. Ils restituent une pièce de service ou de stockage rectangulaire, érigée au-dessus d’un vide sanitaire, composé majoritairement d’amphores à huile originaires d’Espagne. Si ce genre de réalisations est largement connu dans le monde romain et ses provinces, il s’agit, à Genève, du premier exemple conservé.

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Figure 4 : Vide sanitaire d'époque flavienne constitué d'amphores importées d'Espagne; en bas, apparaissent les vestiges de l'habitat augustéen.

L'établissement flavien succède à un ensemble de constructions antérieur, qui semble avoir été détruit par un glissement de terrain et auquel est lié le dépôt secondaire d'une incinération remontant au début du 1er siècle de notre ère. Enfin, les traces fugaces d’un habitat encore plus ancien, daté du début du règne d’Auguste, ont été reconnues sous le vide sanitaire évoqué plus haut. Cette première occupation est matérialisée par des négatifs de parois légères et de poteaux de bois ainsi que par des fosses-dépotoirs circulaires, contenant une grande quantité de matériel et de faune.

Texte : Evelyne Broillet-Ramjoué, 2019.

Les investigations archéologiques sont actuellement suspendues, dans l'attente de la réalisation d'un musée de site qui devrait s'établir sur l'esplanade; un projet mené en collaboration entre la Ville et l'Etat de Genève.

Pour aller plus loin : 

  • E. Broillet-Ramjoué, "Genève, Saint-Antoine". Archéologie Suisse 37. 2014. 4, pp. 44-45.

  • E. Broillet-Ramjoué, "Genève, Esplanade de Saint-Antoine". Annuaire d'Archéologie suisse 99, 2016, pp.

  • E. Broillet-Ramjoué, "L'esplanade de Saint-Antoine – un complément essentiel à la connaissance du développement oriental de la cité". Archéologie genevoise 2012-2013. Patrimoine et architecture, Série archéologie no 2, 2015, pp. 48-52.

  • E. Broillet-Ramjoué, "L’esplanade de Saint-Antoine – Nouvelles découvertes". Archéologie genevoise 2014-2015. Patrimoine et architecture, Série archéologie no 3, 2017, pp. 18-30.

  • G. Perréard Lopreno, I. Morozova, G. Akgül, F. Rühli, A. Bouwman, E. Broillet-Ramjoué, "Esplanade de Saint-Antoine - Sépultures multiples : premiers apports anthropologiques et génétiques". Archéologie genevoise 2014-2015. Patrimoine et architecture, Série archéologie no 3, 2017, pp. 31-36.